Le malaise profond qui mine 2M depuis le départ de Noureddine Saïl vient de déboucher sur une série de démissions. Notamment celle de la directrice de l’information Samira Sitaïl et de Réda Benjelloun, directeur-adjoint en charge des magazines qui s’est séparé de son employeur par solidarité avec sa collègue. Quelques jours plus tôt, c’est l’adjoint de la démissionnaire, Tawfik Eddabab, qui a déposé sa démission que le directeur général a acceptée et dont Mme Sitaïl lui reproche dans sa lettre de démission “l’acceptation expéditive et non concertée“ !
La lettre de Mme Sitaïl datée du 1er mai 2006, où elle explique les raisons de sa décision, a été adressée, elle, au président du Pôle audiovisuel public unifié (PAPU) Faïçal Laâraïchi plutôt qu’au directeur général de la chaîne Mustapha Benali. Tout comme la presse, celui-ci a eu tout de même droit à une copie. Tout le différend opposant l’un à l’autre est là, dans ce geste qui en dit long sur les rapports entre la démissionnaire et le directeur général de 2M.
Dans sa correspondance au président du PAPU, elle écrit que “dans l’impossibilité de mener à bien ma mission, je suis dans l’obligation de vous demander de bien vouloir me libérer de mes fonctions à la tête de la direction de l’information (…) je n’ai jamais été confrontée à une situation de rupture aussi manifeste de la part de ma hiérarchie directe“, ajoute-t-elle tout en énumérant les “nombreux freins qui handicapent“ son travail dont “ le non–respect de la chaîne de commandement, le traitement privilégié de certaines formations politiques contre le bon sens (…) et l’absence de sanctions à l’encontre de salariés de l’entreprise en situation de rupture de leur contrat de travail“… Mustapha Benali en a pris pour son grade. La conclusion, elle, est très significative de l’état d’esprit de l’expéditrice : “devant cet état de fait, vous comprendrez, Monsieur le président, toute la limite de mes moyens pour mener cet ambitieux projet que nous partageons tous autour d’une information de qualité pour un service public à la hauteur des ambitions du Maroc d’aujourd’hui“. Samira Sitaïl redéfinit ainsi à son avantage la feuille de route de Faïçal Laâraïchi et de l’ensemble du PAPU.
Les vrais motifs de cette crise sont à chercher à la fois dans les griefs de Samira Sitaïl et dans ses ambitions légitimes.
Selon certaines sources à l’intérieur de la chaîne, les démissions en question ont très peu à voir avec l’exercice professionnel du métier. En fait, c’est une violente guerre de clans. “Tout ce que je peux dire, explique un cadre de la télévision, c’est que la boîte a mis à la disposition des journalistes tous les moyens pour qu’ils fassent convenablement leur travail tout en leur accordant une grande marge de manœuvre dans le choix et le traitement des sujets“.
Même son de cloche du côté d’un proche de la direction générale qui, non sans exprimer son étonnement face à ces démissions, assure que “ les moyens de la chaîne ont été multipliés par 10“ en l’espace de quelques années. Un autre renchérit : "quand un nouveau responsable est nommé, il est naturel qu’il ramène avec lui son équipe". Allusion faite à l’actuel directeur général qui n’a pas eu cette possibilité ou évité d’exercer ce droit.
Certains font état d’un chassé-croisé d’ambitions personnelles sur fond de lutte de clans pour prendre le pouvoir à l’intérieur de la station de Aïn Sebaâ. Mustapha Benali se savait sur un siège éjectable, mais a su visiblement gérer la situation, poussant ceux qui estiment, par compétence réelle ou supposée mériter son poste à quitter le navire dans un geste certainement d’impatience mâtinée d’exaspération. C’est lui qui gagne dans l’affaire. Car il sera difficile et assez inusité dans les mœurs administratives marocaines de donner une prime à un démissionnaire en lui confiant la responsabilité qu’il convoitait. Dans le meilleur des cas le statu quo prévaudra.
Par ailleurs, nombre d’observateurs de la chose médiatique s’attendaient au lancement d’un processus d’assainissement du climat à l’intérieur de la chaîne au lendemain de la nomination de Faïçal Laâraïchi au poste de président plein galon du PAPU. Or, rien n’a été fait jusqu’ici. Le round d’observation a trop duré. À force de traîner le pas, on prend le risque d’accentuer le malaise. En effet, à la longue, les ambitieux, ne voyant rien venir, se sont transformés en factieux après des années de frustration et d’espoirs contrariés. Il fallait bien que quelqu’un dégaine le premier pour que la crise éclate au grand jour.