Société

Quelle politique linguistique pour le Maroc ?

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«L’avenir du Maroc c’est l’arabe dialectal et non l’arabe littéraire » a déclaré Claude Hagège, professeur au Collège de France et linguiste de renommée internationale lors d’un colloque international sur «La langue, les langues», qui s’est tenu les 11 et 12 juin à Casablanca. Organisé par la Fondation Zakoura Education, ce colloque de deux jours a réuni des experts nationaux et internationaux qui ont présenté le fruit de leurs recherches et de leur expertise à travers plusieurs débats. M. Hagège n’a pas manqué de mettre en exergue l’avenir de la langue amazighe au Maroc. «Je préfère parler des langues berbères plutôt que de la langue berbère. Ces langues doivent être normalisées sous forme d’une norme supra- dialectale», a-t-il indiqué. Le président de l’Institut marocain de relations internationales, Jaouad Kardoudi, qui participait à cette rencontre, a déploré l’émergence d’une troisième langue au Maroc qui a engendré la mort de la darija. «Le problème de la langue est très grave dans notre pays. Il suffit de sortir dans la rue ou d’écouter la radio pour s’en apercevoir. La langue parlée actuellement par les Marocains est tout sauf de la darija. Cette troisième langue qui est un mélange de plusieurs langues ne veut plus rien dire». Lors de ce colloque, une attention particulière a été accordée à la langue maternelle. Intervenant à ce sujet, le Pr Driss Moussaoui, directeur du Centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd a montré le lien étroit entre la langue maternelle et le fœtus. «La langue maternelle est celle entendue dans le ventre de la mère par le fœtus. Ce dernier mémorise tout ce qu’il entend (rythme cardiaque, musique, voix). Le fœtus entend mieux la voix du père que de la mère car elle est plus grave», a souligné Pr Moussaoui. Véritable «éponge» mentale pendant les premières années de la vie, le fœtus emmagasine tout, et développe sa compréhension du monde à travers cette langue maternelle. Selon ce psychiatre, la langue maternelle restera à tout jamais celle de sa fondation cognitive et émotionnelle. «La langue maternelle charrie l’histoire de la mère et de la communauté : elle est l’ancrage de l’ancrage» avant d’ajouter qu’«elle est le fil d’Ariane de la personnalité». Mais pourquoi ignore-t-on la langue maternelle à l’école, s’est interrogé Pr Moussaoui ? «Lors d’un colloque international sur l’Éducation qui avaient été organisé il y a plusieurs années, le ministre de l’éducation à l’époque, Rachid Benmokhtar avait dévoilé les résultats d’une expérience importante qui avait été menée dans plusieurs écoles. Il avait été démontré que les élèves qui étudiaient en darija étaient bien meilleurs que ceux qui étudiaient en arabe classique», a affirmé le directeur du Centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd. Pour ce dernier, ne pas utiliser la langue maternelle dans tout enseignement revient à se priver d’un instrument très utile, et donc à entraver l’épanouissement de l’enfant, puis de l’adolescent et donc de l’adulte. «Pourquoi les jugements ne sont pas lus dans la langue maternelle ? On m’a rapporté l’histoire selon laquelle lors d’une audience au tribunal, une jeune fille âgée de 10 ans qui avait été violée devait répondre aux questions du juge qui utilisait l’arabe classique. Celui-ci lui a demandé si elle avait été pénétrée en utilisant le terme «Al Woulouj» (pénétration)», a-t-il souligné. Et de conclure « Il est temps qu’au Maroc, la langue maternelle soit reconnue comme essentielle pour le développement de toute personnalité et pour son fonctionnement harmonieux tout le long de la vie».

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