Société

Qu’est-ce que la maladie d’Alzheimer ?

Pathologie négligée, voire méconnue, il y a encore une vingtaine d’années, la maladie d’Alzheimer est l’une des démences séniles les plus répandues dans le monde : elle touche aujourd’hui 15 à 25 millions de personnes et les études montrent que son incidence est en phase de croissance. En France, elle touche entre 300 000 et 500 000 Français. Une étude statistique qui s’appuie sur la tendance démographique nationale ( le vieillissement accéléré de la population française) prévoit, vers 2020, 200 000 nouveaux cas de maladie d’Alzheimer chaque année.
Aux Etats-Unis, elle constitue la première cause de démence et l’on estime qu’elle touche plus de 2,3 millions d’Américains (environ 8% de la population âgée de plus de 65 ans). Son seul impact financier coûte à la société américaine environ 30 milliards de dollars par an. L’impact émotionnel sur les patients, les familles et les organisations d’aide et de soutien est quant à lui beaucoup plus difficile à apprécier.
Les principales lésions histologiques qui caractérisent la maladie d’Alzheimer sont : plaques séniles (P.S.), dégénérescence neurofibrillaire (D.N.F.), dégénérescence granulovacuolaire (D.G.V.) et angiopathie amyloide. Ces lésions ne sont pas spécifiques de la maladie d’Alzheimer, elles sont également observées dans le vieillissement cérébral normal, mais avec une densité et une répartition différente. Du point de vue clinique, la maladie se caractérise par des pertes de mémoire, une détérioration intellectuelle globale avec perturbation de l’orientation spatiale et de bouffées anxio-dépressives (syndrome aphaso-agnoso-apraxique). Malgré sa prévalence, la maladie d’Alzheimer demeure une affection d’étiologie inconnue. Diverses hypothèse sont actuellement envisagées.
Maladie génétique ?
L’hypothèse génétique repose sur les études épidémiologiques qui révèlent l’existence de formes familiales de la maladie d’Alzheimer. Dans certaines familles, il a été observé qu’un gène déficient est transmis selon le mode autosomique dominant. la fréquence de la maladie d’Alzheimer dans la trisomie 21 a fait envisager l’hypothèse de la responsabilité du chromosome 21 dans la génèse de la maladie d’Alzheimer. Une étude récente a montré que les marqueurs géniques sont situés sur le gène de l’amyloide.
Maladie virale ?
Il n’existe, dans la maladie d’Alzheimer, aucun argument clinique, biologique ou neuropathologique évocateur d’une infection virale. Néanmoins, l’hypothèse virale a été soulevée par analogie avec la maladie de Creutzfeldt-Jacob, maladie cérébrale rare qui atteint les personnes entre 55 et 75 ans provoquant une déménce évoluant rapidement vers la mort. Si la maladie d’Alzheimer est due à un agent infectueux, elle devrait être transmissible, ce qui n’a jamais été montré avec certitude ; la forme sporadique de la maladie a résisté jusqu’à présent à tous les essais de transmission et ne peut donc être considérée comme une maladie transmissible.
Hypothèse post-transcriptionnelle ?
La protéine Tau représente un composant antigénique majeur des D.N.F. C’est semble-t-il, la phosphorylation anarchique et l’accumulation des protéines Tau qui perturbent le flux axonal et aboutissent à la mort du neurone. S’agit- il d’un trouble de transcription du génome ou bien de modifications post-traductionnelles d’une synthèse protéique normale ?
Hypothèse immunologique ?
L’hypothèse immunitaire de la maladie d’Alzheimer est fondée sur l’identification des protéines circulaires qui contribuent au dépôt d’amylose. Plusieurs anticorps ont été décrit : anticorps anti-cellules hypophysaires dans 90 % des cas, anticorps anti-thyroidiens dans 45% des cas, mais cela a été démenti. Intoxication par l’aluminium ?
La maladie d’Alzheimer a fait l’objet d’un certain nombre de travaux mettant en cause l’aluminium dans la génèse de cette affection. Il a été évoqué que le taux d’aluminium est élevé dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Les études épidémiologiques effectuées par les anglais en 1989 semblent mettre en cause l’adjonction de l’aluminium dans l’eau dans le développement de la maladie d’Alzheimer ; en effet ces auteurs tentaient de démontrer l’existence d’une relation géographique dans l’ouest de l’Angleterre entre les concentrations d’aluminium au robinet et la fréquence d’apparition de la maladie d’Alzheimer. Une étude épidémiologique française récente menée par une équipe de l’INSERM de Bordeaux semble aussi démontrer l’association entre le taux d’aluminium dans l’eau de boisson et le risque de la maladie d’Alzheimer.
Les études épidémiologiques ont été très critiquées dans la presse scientifique. Deux points ont été évoqués : les critères de diagnostic utilisés pour reconnaître les malades d’Alzheimer ne semblent pas de bonne qualité. Ils comparaient les teneurs actuelles de l’aluminium de l’eau du robinet à la prévalence d’une maladie dont la durée d’évolution est très longue.
Un autre facteur cité par les auteurs est qu’en moyenne nous ingérons dans notre alimentation 20 mg d’aluminium par jour avec des extrêmes, suivant les pays et les régimes, variant de 1 à 100 mg. Un litre d’eau par jour à 0,1 mg/l est donc à mettre en parallèle avec ces valeurs même si on fait appel au problème de la biodisponibilité.
Le thé peut par contre nous apporter d’intéressants éléments de réflexion car il a de nombreux amateurs dans de nombreux pays. Cette boisson contient des quantités très importantes d’aluminium. On sait que suivant les types de thé la concentration d’aluminium varie de 2 à 6 mg/l., pour Les amateurs de thé buvant 1 à 2 litres par jour, la prise peut être estimée, si l’aluminium est bien disponible, de 2 à 12 mg/l par jour. A partir d’une eau de boisson à 0,1 mg/l, il faut par conséquent boire 20 à 120 litres d’eau par jour pour obtenir des valeurs comparables. Lors d’une étude écotoxicologique que nous avons menée avec des chercheurs français, on a pu apporter la démonstration que l’aluminium, élément dont la toxicité est redoutable dans certaines conditions pour l’homme et le mammifère, pouvait être absorbé sous forme soluble par voie digestive en quantité importante et pendant de longues périodes sans provoquer de lésion des organes. Ainsi était donnée la réponse à une question à l’origine d’une controverse importante qui régnait dans la communauté des neurologues depuis quelques années et dans laquelle certains affirmaient que l’absorption digestive de l’aluminium présent dans les aliments, l’eau de boisson ou certains médicaments pouvait être responsable de certaines encéphalopathies et notamment de la maladie d’Alzheimer alors que d’autres doutaient fortement de la responsabilité de cet élément dans la génèse de cette maladie très fréquente sans toutefois pouvoir en apporter la preuve. L’étude réalisée pour apporter cette démonstration a été considérable, nécessitant l’intoxication d’un nombre important d’animaux d’expérience pendant la durée de plus de 50 semaines et l’analyse par des méthodes sophistiquées des différents organes cibles (rein, coeur, foie, cerveau, moelle osseuse), ce travail expérimental a été complété par l’examen par microscopie analytique de cerveaux humains de malades décédés de maladie d’Alzheimer et de malades décédés d’encéphalopathies en cours de dialyse et ayant montré l’absence d’aluminium chez les premiers et sa présence en forte concentration locale chez les seconds.
Cette étude a pu montrer en outre quel était le comportement intracellulaire de l’aluminium apportant ainsi à la fois l’explication biologique de la toxicité de cet élément pour certaines cellules cibles lorsqu’il est présent dans le milieu intérieur et son absence de toxicité lorsqu’il était absorbé par voie digestive : Absorbé dans le sang soit directement par expérimentation animale ou après dialyse chez l’homme, l’aluminium est sélectivement concentré sous forme de phosphate insoluble au sein des lysosomes riches en phosphatases acides. Absorbé par voie digestive, cet élément ne pénètre pas dans l’organisme grâce à un mécanisme de défense révélé par ce travail et lié à la présence de lysosomes présents à la partie apicale des cellules du tube digestif. La précipitation sous forme insoluble de l’aluminium à ce niveau s’oppose à sa pénétration dans l’organisme et ces dépôts insolubles sont ensuite éliminés par voie digestive au cours de la desquamation naturelle de ces cellules an apoptose et dont le cycle est de l’ordre de 2 jours. Cette démonstration originale et jamais faite encore pour aucun autre élément a été réalisée chez l’animal d’expérience et chez l’homme sur des biopsies. Les résultats de ce travail de longue durée ont pu apporter des arguments sérieux, contredisant l’hypothèse selon laquelle l’aluminium joue un rôle toxique dans la maladie d’Alzheimer.

• Dr Abdelhafid Chafi
Enseignant Chercheur à la Faculté des Sciences d’Oujda

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