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Réduction des risques des maladies non transmissibles : Quand innovation rime avec santé

© D.R

A l’heure où la communauté scientifique internationale tire la sonnette d’alarme quant à la consommation de cigarettes, les fumeurs ont du mal à se débarrasser de cette habitude «morbide».

Sur 70% de fumeurs ayant entamé le processus de sevrage, seulement 5% y arrivent sans aide au moment où le reste a du mal à décrocher ou bien lâche carrément prise pour «resombrer» dans sa dépendance. En effet, la cigarette est l’une des principales causes de décès prématurés dans le monde. Et pour cause : elle est le premier facteur du cancer du poumon, une pathologie qui, tout comme le diabète et les troubles cardio-vasculaires, tue une grande masse de la population.

En gros, pas moins de 40 millions de personnes dans le monde meurent chaque année des suites de ces maladies non transmissibles dont une grande proportion est atteinte de cancer du poumon. Face à cette réalité alarmante, un nouveau concept émerge. Il s’agit en effet de «la réduction des risques des maladies non transmissibles». C’est autour de cette thématique qu’une pléiade de scientifiques internationaux constituée d’oncologues, de pneumologues, de cardiologues et d’experts s’est réunie la semaine dernière à Paris pour discuter des principaux risques sur lesquels il faudrait agir ainsi que des modalités de prévention à engager dans les politiques publiques. Alm y était et revient sur les moments forts de cet événement.

Plus de 300 milliards de dollars à gagner des maladies non transmissibles

Comme dit l’adage : Mieux vaut prévenir que guérir. D’où l’essence même du concept de la réduction des risques des maladies non transmissibles. Reconnue par l’OMS, cette orientation de santé publique a pour but de réduire l’impact des facteurs de risques de ces maladies et par conséquent atténuer considérablement la mortalité due à ces pathologies chroniques, et ce en agissant sur les comportements plutôt que d’imposer des restrictions. Le concept de la réduction des risques des maladies non transmissibles a émergé d’un constat clair : Au moment où les médecins sont concentrés à prescrire les meilleurs soins, les patients, pour leur part, continuent d’adopter des comportements qui nuisent à leur santé. «Le changement de style de vie est évident aussi bien pour les médecins que pour les patients, mais on reste toutefois confrontés à la réticence de ces derniers. Le patient ne veut pas ou ne peut pas changer son comportement», explique à cet effet le Professeur Peter Harper, oncologue.

Ils sont cinq facteurs à prendre en considération. Citons à cet effet la mauvaise alimentation, le tabagisme, la pollution, la consommation abusive d’alcool et l’inactivité physique. Des risques qui engendrent des maladies mortelles. D’après les statistiques disponibles, les maladies non transmissibles sont à l’origine de 82% des décès prématurés, soit 16 millions de personnes y succombent avant d’atteindre les 70 ans, surtout dans les pays en voie de développement. Un fait qui impacte lourdement les économies émergentes. Toutefois, ces décès peuvent être évités si les gouvernements placent le concept de réduction des risques des maladies non transmissibles au cœur de leurs politiques publiques. L’urgence étant d’investir pour un avenir sain. Les interventions à engager sauveraient à l’horizon 2030 environ 8,2 millions de vie dans les pays pauvres et généreraient in fine 350 milliards de dollars de croissance économique. Ainsi, chaque dollar investi pour lutter contre les maladies non transmissibles permettrait d’en gagner 7 en retour.

Tabagisme : Une prévalence élevée au Maroc

Classé comme deuxième facteur de risque, le tabagisme continue de rafler des vies à l’échelle mondiale. Selon les estimations, 8 personnes meurent de maladies liées au tabac dans le monde chaque minute. Malgré les réglementations restrictives imposant des taxations pour la vente de tabac ou encore l’interdiction de fumer dans les lieux publics, le nombre de fumeurs est en constante évolution, faisant ainsi augmenter la prévalence dans l’ensemble du globe. Au Maroc, l’âge moyen de début de consommation de cigarette est de 19 ans. C’est ce que l’on peut relever de la dernière enquête épidémiologique de prévalence sur les facteurs des risques des maladies non transmissibles révélée en mai 2019 par le ministère de la santé. Selon les conclusions tirées, la prévalence du tabagisme toutes formes confondues, à savoir fumé et non fumé, est de 13,4% au niveau national. Elle est plus importante chez les hommes (26,9%) que chez les femmes (0,4%). La prévalence est par ailleurs plus élevée chez les personnes âgées de 30 à 59 ans, soit respectivement 15,4 et 15,2%. Se référant à l’enquête, la cigarette industrielle est le produit tabagique le plus consommé chez les fumeurs au Maroc. De même, l’enquête démontre que 38,3% des fumeurs actuels ont été, avertis, depuis une année, par leur médecin pour arrêter de fumer. Ce pourcentage était plus important en milieu urbain (41%) qu’en milieu rural (33,1%). Le danger de la cigarette réside dans la combustion des substances chimiques que contient la tige. C’est d’ailleurs ce qui cause les maladies cardio-vasculaires et les pneumonies graves pouvant éventuellement se développer en cancer du poumon. Dans une logique de réduction de risques, les scientifiques optent pour l’usage de produits alternatifs. Une recommandation toujours pas validée par l’OMS mais qui a fait l’objet d’une panoplie de recherches ayant confirmé le rôle de ces produits dans la réduction des méfaits du tabac. Le bras de fer entre l’OMS et les scientifiques se poursuit. L’ambition étant que l’institution onusienne, réticente à l’usage de tout type de tabac, accepte ces innovations d’autant plus que les scientifiques assurent qu’un «mode sans tabac»  est surréaliste et que «cesser de fumer» n’est pas une option avérée.

Tabac à chauffer, l’innovation à risque réduit

Taxation, patchs, gums et mention «fumer tue» n’ont pas réussi à réduire le nombre de fumeurs dans le monde. Ces options n’ont pas été très utiles dans cette guerre anti-tabac. Toutefois, la recherche et développement continue à se développer à grands pas dans ce domaine. Après la cigarette électronique, les opérateurs ont pensé à des produits alternatifs scientifiquement approuvés et qui préservent le rituel de la pratique de «fumer». Chose qui facilite leur acceptation par les fumeurs. La tendance actuelle est de consommer le tabac à chauffer. Philip Morris International (PMI) a été parmi les pionniers à lancer ce produit alternatif.

A travers son produit «Iqos», le tabac est chauffé à 350 degrés permettant ainsi de réduire le risque du tabagisme de 95% par rapport à une cigarette conventionnelle. Lancé en 2014 au Japon, Iqos connaît désormais un grand succès partout dans le monde. Il est utilisé dans une cinquantaine de pays par plus de 12 millions de consommateurs. L’ambition de PMI est d’arrêter de commercialiser des cigarettes et d’orienter les fumeurs adultes qui n’arrivent pas à passer aux alternatives «moins nocives». L’opérateur a investi, dans ce sens, plus de 6 milliards de dollars dans le développement et l’évaluation scientifique. Un effort appuyé par plus de 70 études indépendantes dont 7 gouvernementales. De même, l’agence américaine FDA a autorisé la commercialisation de Iqos aux États-Unis après une revue scientifique détaillée ayant duré près de 2 ans.

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Produits alternatifs : Quid du Maroc ?

Les derniers chiffres démontrent la commercialisation de 13,8 milliards de tiges, soit une rétractation de 9% du marché des tabacs. Un repli qui reste justifié en grande partie par la hausse de 6% pour le paquet «premium» et non pas par la conversion des fumeurs aux produits alternatifs. Au Maroc, le tabac à chauffer n’est toujours pas homologué. Seule la cigarette électronique est actuellement «reconnue», notamment à travers la taxation du liquide utilisé dans ce procédé. Une décision saluée par l’équipe PMI Maroc. Selon Abla Benslimane, directeur External Affairs Maroc chez PMI, cette mesure représente une étape dans le chantier de la réglementation des produits alternatifs au niveau national. Rappelons que le secteur du tabac au Maroc est libéralisé depuis 2011. Depuis cette date, un important pas a été franchi sur le plan réglementaire particulièrement en termes de simplification de certains aspects de la législation ou encore l’élimination de certaines lacunes.

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«Il faut se servir de l’innovation technologique pour réduire les risques»

Questions à David Khayat, Cancérologue et fondateur de l’Institut national du cancer (France)

ALM : Sur quoi repose le concept de réduction de risques des maladies non transmissibles?

David Khayat : Dans un monde idéal, on pourrait dire que l’on va imposer à tout le monde de manger des fruits et des légumes, de ne pas boire d’alcool, de faire de l’exercice physique régulièrement et de ne pas fumer. Mais il s’avère que dans la vraie vie cela ne marche pas. A titre d’exemple, on a beau recommander aux personnes diabétiques de rééquilibrer leur alimentation, ils ne le font pas ! Il faut savoir aussi, que 63% des patients à qui on annonce un cancer de poumon continuent de fumer. Donc un vrai problème qui s’impose. Il ne suffit plus de recommander ni de faire peur mais plutôt d’agir.

Par quel biais ?

Il faut, tout d’abord, agir sur les comportements en conseillant les gens d’arrêter de fumer, de faire de l’exercice et de bien manger, etc. Parallèlement à cela, il faut essayer de se servir de l’innovation technologique pour arriver à ce que les risques inhérents réduisent. C’est d’ailleurs ce qu’on a fait en termes de mortalité routière. On est passé en France de 10.000 à 3.500 morts en dix ans. Ceci a été possible non seulement par la limitation de vitesse mais surtout en introduisant le système anti-blocage des roues (ABS) et en imposant le port des ceintures de sécurité.

Et comment faire pour réduire les méfaits du tabagisme ?

On a essayé d’éradiquer le tabagisme en augmentant les prix, en mettant des photos choquantes sur les emballages et en interdisant de fumer dans les lieux publics. Mais, nous avons toujours à peu près autant de fumeurs qu’avant. Plus on augmente le prix des cigarettes, plus on développe le commerce illicite. Du coup, on ne réduit pas le nombre de fumeurs mais plutôt le nombre de fumeurs qui achètent la cigarette via le circuit conventionnel. Naturellement, tous les médecins diront que le seul message qui va est «d’arrêter de fumer» mais pour ceux qui ont du mal à s’y mettre on va les orienter vers les substituts nicotiniques (NRT). Or, les statistiques ont démontré que ces alternatives ne sont toujours pas efficaces. Après six mois d’usage des substituts, seulement 10% y arrivent. A l’instar des ABS, l’innovation technologique peut être d’un grand apport dans la réduction de ce risque. La cigarette électronique, le tabac à chauffer, le snus (tabac à sucer) ou les autres produits qui viendront par la suite sont des choses possibles et qui réduisent clairement le risque des maladies liées au tabagisme.

Peut-on parler aujourd’hui d’une économie de réduction de risque ?

En effet, on peut parler d’une politique de réduction de risque et donc d’une économie de réduction de risque qui aura des retombées positives sur les économies. Car si on évite une maladie on évite, par conséquent, des dépenses aussi bien en vie qu’en argent.

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