Société

Reportage : Labhira, La Mecque du livre d occasion

© D.R

Avec la rentrée scolaire, le marché du livre d’occasion prospère. «Accessible et moins cher !», voilà un argument de vente qui attire des familles, toutes classes sociales confondues. Un argument qui fait surtout la popularité de certains souks partout au Maroc. A Casablanca, on retrouve ces bouquinistes à Derb Ghallef, Sbata, Qriâa, Souk Chtayba ou encore à Labhira en ancienne médina, l’un des endroits les plus connus. Ici, les élèves et les parents y défilent liste en main, marchandent les prix selon l’usure du livre et le nombre de mains par lesquelles il est passé. On peut faire des économies de 30, 40, parfois jusqu’à plus de 50% de réduction… «Le nouveau est très coûteux pour nous», argumente cette mère de famille qui cherche depuis quelques jours un manuel de langue française niveau CE6, pour sa fille inscrite dans une école privée. Le livre neuf coûte 300 DH. «Je ne peux pas me permettre une telle somme, il y a eu le Ramadan, les vacances, la rentrée et voilà l’Aïd Al Adha qui approche», se plaint-elle au marchand.

A Labhira on ne vend pas que de l’ancien

La haute saison bat son plein. La concurrence entre le nouveau et l’ancien manuel est telle que certains revendeurs à Labhira ne se contentent plus de vendre de l’occasion. «Cette concurrence nous oblige à alimenter notre stock en manuels neufs à hauteur de 50%», confie Bouchaïb, un bouquiniste qui a vu grandir des générations. Ainsi alléchés par la bonne affaire, les parents finissent une fois sur deux par acheter du neuf. «Des manuels neufs qu’on vend avec des réductions de 10% pour fidéliser nos clients», indique ce gérant de l’un des 14 magasins de Labhira. Et des fois, il est impossible de revendre de l’ancien, même disponible sur le marché. Et pour cause, chaque année de nouveaux titres apparaissent qu’on impose aux parents, particulièrement au niveau des établissements de l’enseignement privé. «La prof a exigé aux élèves un livre neuf, édition 2013, s’il vous plaît… ou qu’il ne vous plaise pas !», ironise un père. Conséquence: «Il nous arrive ainsi de ne pas vendre une centaine de manuels d’une ancienne édition qu’on finit par jeter à la poubelle», déplore le marchand.

Diktat des livres prescrits en France au niveau du privé.

En plus des frais d’inscription qui se situent entre 3.000 et 6.000 DH dans les écoles privées, selon les vendeurs des vieux ouvrages, chaque deux ans les éditions changent, les nouveaux manuels viennent de France, leurs prix sont chers variant entre 250 et 400 DH. «C’est devenu purement commercial, industriel même», commente Said, vendeur à l’étal à Labhira. «C’est tout un business, les maisons d’édition françaises éditent un nouveau livre, le distribuent, font sa promotion au niveau des écoles et ces dernières l’imposent aux parents». Mais pour le revendeur, c’est toujours le même programme, les changements sont insignifiants, ils se limitent à la couverture, quelques chapitres, quelques sous-titres par exemple «adapté au système marocain». «Je suis contre cette politique, j’ai l’impression qu’on travaille exclusivement avec les maisons d’édition françaises, elles nous imposent leurs programmes, leurs produits et leurs prix, alors que notre niveau de vie est inférieur au leur».

Pénurie de manuels de langue arabe dans le public

Du côté de l’école étatique, en général les programmes ne changent pas beaucoup, «notamment pour ce qui est des manuels de la 1ère, 2ème et 3ème années du collège, le tronc commun du lycée, 2ème année et puis Bac», précise M. Bouchaïb, bouquiniste à Labhira. Toutefois, il y a cette année des carences au niveau de certains livres scolaires de langue arabe. Il est question d’«Al mounir», surtout «Al Morchid» pour la 3ème, 4ème et 5ème années du primaire, des titres qui sont en cours d’impression et pas suffisamment disponibles sur le marché. «Il y a des élèves qui partent en classe sans manuel d’arabe, ma fille en fait partie. J’ai une librairie et ma fille qui est inscrite dans une école privée n’a pas le livre de langue arabe», s’indigne Bouchaïb. Par ailleurs, outre les prix des manuels, les changements d’édition, il y a une différence entre le privé et le public au niveau de la date de la rentrée (plus tôt pour le privé), mais aussi celle de présentation de la liste de fournitures. La liste des écoles privées est présentée aux parents à la fin de l’année avec le bulletin. «Les ménages ont ainsi largement le temps d’acheter leurs ouvrages, il y en a qui commencent dès le mois de juin et jusqu’en septembre».

La haute et la basse saisons : Après la rentrée scolaire, la culture générale

La rentrée scolaire au niveau du primaire et secondaire mobilise les bouquinistes de Labhira. Selon Bouchaïb, pour la haute saison le capital de son commerce ne dépasse pas 60.000 DH pour la rentrée. «Le bénéfice est saisonnier et atteint 30.000 DH», estime-t-il, et de préciser : «Nous achetons les livres à 50% de leur prix quand l’édition est récente, notamment 2012». Après la rentrée scolaire, vient la rentrée universitaire. Sont alors mis en vente les ouvrages pour la Faculté des lettres, les classes préparatoires, l’économie, le droit, pour des écoles supérieures telles que l’ESCA, etc. «Le reste de l’année, c’est le marché de la culture générale qui fait fonctionner la boutique», indique Bouchaïb également membre de l’Association des bouquinistes du Maroc. A ce titre, les bouquinistes de diverses régions du Royaume s’activent en organisant des campagnes de distribution des livres au profit des démunis ou des prisonniers, ou encore à travers des salons du livre. «L’an dernier nous avons organisé la foire internationale des bouquinistes. Mohamed Amine Sbihi, ministre de la culture, nous a rendu visite et s’était entretenu avec nous, un par un», conclut fier ce marchand de livres.

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