Reportage, Saïdia: Vivante en été, morte l’hiver…

Si l’on devait quantifier la démographie d’une ville comme Saïdia, qu’est-ce que cela donnerait en chiffres sur toute une année? La réponse est aussi disproportionnée que mitigée. Car si la population de Saïdia grimpe à  presque 500.000 habitants l’été, elle n’est en revanche occupée que par 9.000 âmes en hiver. Si la ville continue à afficher des pics record d’affluence durant la période estivale qui font presque pâlir de jalousie certaines villes comme Agadir, elle ne crée pourtant guère d’engouement pour que les gens s’y installent ou la visitent le reste de l’année.

En effet, durant la basse saison Saidia prend presque les allures d’une cité fantôme, avec une population qui se limite à quelques fonctionnaires, à de rares retraités étrangers ou à une poignée de MRE qui fuient les hivers rigoureux d’Europe, pour venir profiter du clapotement de la mer et du sable marocains. D’ailleurs,  les ressortissants résidant à l’étranger sont les principaux investisseurs de la région. Ces mêmes visiteurs, immigrés principalement en France, Allemagne ou Pays-Bas, ont profité du Plan Azur pour acheter des maisons et y loger des fois leur famille en hiver, contribuant en quelque sorte au peuplement de la ville en hiver. Mais ces exemples restent peu nombreux. Conscientes de cette situation, les autorités locales tentent de rectifier le tir en proposant plusieurs projets dans le but de rendre Saidia «habitable» aussi en hiver.

Une future ville-dortoir dans l’Oriental?

«Si les projets immobiliers foisonnent et sont proposés à des prix aussi alléchants, c’est bien pour inciter des personnes à s’installer à Saïdia. Dans tous les cas, la ville en sortira gagnante car ces personnes achèteront soit des résidences principales en vue d’y rester toute l’année, soit opteront pour des résidences secondaires qui viendront renforcer davantage la manne touristique en été», déclare à ALM un élu local. Il faut dire qu’à côté des projets immobiliers, plusieurs projets sont dressés pour donner à la ville son cachet de «ville normale» et la sortir du carcan d’une prédilection 100% destinée au tourisme estival. «Car une ville doit être capable de tourner toute l’année et pas seulement en été», insiste l’élu local. «C’est pourquoi des projets de construction de commodités à l’instar d’écoles et d’hôpitaux commencent déjà à être timidement envisagés. Certains investisseurs commencent également à lorgner la ville et pourraient y installer, le cas échéant, des usines ou des commerces qui apporteront des emplois sur toute l’année et encourageront les gens à venir y habiter». De plus, avec la montée du prix de l’immobilier et l’expansion d’Oujda, Saïdia pourrait même devenir une ville-dortoir dans l’Oriental. «On devrait profiter de cette ville tant qu’elle est encore en voie de développement avant qu’elle ne devienne trop prisée pour y investir, car elle a un potentiel énorme et un avenir certain!», confirme un investisseur marocain résidant à l’étranger.

Saïdia doit aussi se réconcilier avec… ses eaux usées!

Pour être «habitable», la ville est en train d’accélérer plusieurs de ses chantiers. Ainsi, et après des années d’attente, le projet d’assainissement des eaux usées de Saïdia commence enfin à prendre forme, avec plusieurs réalisations majeures. Déjà à son lancement en juin 2013, le projet avait fait l’unanimité chez les habitants de la ville balnéaire. Saidia constituait un véritable fleuron touristique pour la région de l’Oriental mais restait toujours dépourvue du moindre réseau d’assainissement. Aujourd’hui, la donne commence à changer pour les habitants de la ville. Des pans entiers de quartiers commencent peu à peu à se raccorder aux nouvelles installations de réseaux d’assainissement. Parmi les principales réalisations opérées également, on ne compte dorénavant pas moins d’une douzaine de bassins aménagés dans le cadre de la réalisation de la station lagunaire d’épuration de Saïdia, pour une capacité de 20.400 m3/jour. Selon l’ONEP, une enveloppe de 320 millions DH avait été allouée à la réalisation de ce projet.

Du potentiel à revendre…

Saidia veut également surfer sur le tourisme hibernal en tentant de rattraper son dispositif d’animation en hiver.

Les autorités locales et les promoteurs de la ville multiplient les plans pour consolider les atouts touristiques de la perle bleue de l’Oriental. En été, et dans presque toutes les places, des scènes d’animation sont construites à Saidia, rendant encore plus attractive la ville. «Puisque Saïdia a une renommée mondiale, on essaie de s’ouvrir sur l’étranger en proposant un programme varié qui regroupera presque tous les rythmes du monde et  qui sera à la hauteur de cette destination», confie Abderrahim Azzouzi, secrétaire général de la commune urbaine de Saïdia.

A noter qu’un montant de 1.500.000 DH a été alloué par la commune uniquement pour l’animation estivale de 2014. «Plusieurs réunions avaient auparavant été tenues à Berkane et à Saïdia pour dresser un plan précis et regrouper tous les intervenants afin de mobilier les moyens financiers indispensables pour ce pari», ajoute le secrétaire général.

Ainsi, plusieurs stars ont été appelées pour animer ces espaces durant l’été de cette année, c’est le cas des Gypsy Kings, de Miryam Fares et de bien d’autres artistes marocains. De plus, il est prévu que la caravane Jawla présente d’autres activités musicales et sportives sur l’espace de la corniche. Pour la majorité des promoteurs, ce genre d’initiatives gagnerait à être maintenu et dupliqué même pendant la saison basse, afin de garder l’attractivité de la ville intacte et encourager le tourisme hibernal. Toujours pour l’été, la perle bleue planifie l’inauguration d’un autre projet.

Il s’agit d’un aquaparc qui sera ouvert en 2016 en complément du club de vacances. L’espace disposera d’une piscine à vagues de 1.800 m2, une rivière de 1.900 m2, des piscines à toboggans et des arbres à eau. Mais ce n’est pas assez pour nombre de professionnels du tourisme qui déplorent que la ville souffre cruellement d’installations comme des théâtres, des centres culturels, des musées, des espaces commerciaux, etc. qui pourraient inciter les touristes à venir aussi en hiver.

Par Siham Oukhit