Les regards se tournent vers l’Instance chargée de la révision du Code de la famille qui vient d’annoncer la fin des consultations sans fermer la porte pour autant devant de nouvelles contributions. Le projet atteint aujourd’hui une étape cruciale. Les détails.
Un délai de six mois avait été fixé par le Souverain. Aujourd’hui, l’Instance chargée de la révision du Code de la famille paraît bien avancer dans ce chantier. Et pour cause. Le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du ministère public et membre de l’Instance, El Hassan Daki, vient d’annoncer que l’Instance a achevé les séances d’audition pour recueillir les propositions au sujet de la réforme de ce texte. Le responsable a, cependant, laissé la porte ouverte devant de nouvelles contributions et propositions et d’avis. «Même si nous avons achevé les auditions, la porte restera ouverte à toute personne souhaitant apporter des avis, analyses, recommandations ou propositions, que ce soit par le biais d’un mémorandum écrit ou via le site électronique de l’Instance, mis à la disposition de tous», avait souligné M. Daki dans une déclaration à la presse. L’Instance a tenu 130 séances au cours desquelles elle a auditionné «le plus grand nombre possible d’acteurs de la société» (institutions, société civile, partis politiques, centrales syndicales, centres de recherche…), qui ont présenté leurs perceptions et propositions concernant la réforme du Code de la famille, a-t-il fait savoir. Et d’ajouter que l’Instance tiendra des réunions avec d’autres experts pour recueillir leurs avis et idées, notamment dans le domaine de la jurisprudence islamique. Par ailleurs, M. Daki a affirmé que l’Instance chargée de la révision du Code de la famille examinera l’ensemble des propositions, recommandations et études qui lui ont été soumises au cours des différentes séances d’audition ainsi qu’à travers des mémorandums écrits, saluant l’harmonie parfaite et le sens aigu de responsabilité ayant prévalu lors de ces séances.
A cette occasion, le président du ministère public a mis en avant la forte implication de l’ensemble des acteurs dans ce «projet Royal global», ajoutant que la famille avec toutes ses composantes constitue la pierre angulaire pour remédier aux dysfonctionnements du Code en vigueur et soulignant la nécessité de renforcer son rôle dans l’édification d’une société forte et saine, tel que voulu par SM le Roi Mohammed VI.
Lettre royale
Pour rappel, une lettre royale avait été adressée au chef de gouvernement pour concrétiser la décision annoncée par SM le Roi dans le discours du Trône de l’année 2022 et traduire la Haute sollicitude que le Souverain ne cesse d’accorder à la promotion des questions de la femme et de la famille en général. Dans cette lettre, le Souverain affirme que «près de deux décennies se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur du Code de la famille. L’accueil enthousiaste et unanime qu’il reçut alors tenait aux progrès qu’il rendait possibles, en consacrant davantage les droits de la femme et en garantissant aux enfants une meilleure protection de leurs droits. Désormais, la dignité humaine est ainsi mieux préservée, l’Etat de droit renforcé et la construction démocratique consolidée. Une telle dynamique, conduite dans le strict respect des principes sublimes de la Charia islamique, prenait en compte l’évolution de la société marocaine. Certes, ce Code a eu l’immense avantage d’impulser une dynamique de changement vertueuse et d’instaurer une conception nouvelle de l’égalité et de l’équilibre familial, ouvrant ainsi la voie à une avancée sociale considérable. Néanmoins, aujourd’hui, il est nécessaire de le réexaminer afin de corriger les dysfonctionnements et les lacunes que l’expérience de sa mise en œuvre judiciaire a révélés. Par ailleurs, ses dispositions doivent également être mises en adéquation avec l’évolution de la société marocaine et les besoins du développement durable. La nouvelle version s’harmonisera ainsi avec la progression de notre législation nationale».
La lettre Royale précise que «l’actualisation du Code que Nous appelons de nos vœux doit se faire en accord avec les principes directeurs et les orientations clés qui ont présidé à son élaboration et que Nous avons définis dans Notre Discours prononcé devant le Parlement, le 10 octobre 2003, puis confirmés dans le Discours du Trône adressé à Notre cher peuple, le 30 juillet 2022. Nous avons le souci que la mise à niveau souhaitée soit réalisée en total accord avec l’esprit de la Charia et les spécificités de la société marocaine. Nous tenons également à ce que, pensée et conçue avec le concours des institutions et des acteurs concernés, elle s’opère selon une approche marquée du sceau de la modération, de l’Ijtihad ouvert, de la concertation, du dialogue. Par conséquent, la mise à jour recherchée doit consister en priorité à remédier aux défaillances que l’application judiciaire du Code a mises en évidence sur près de vingt ans. Elle devra également amender les dispositions que l’évolution de la société marocaine et le développement des législations nationales ont rendues obsolètes». «Aussi, le Code amendé devra garder le même référentiel et les mêmes soubassements de départ, en l’occurrence les valeurs de justice, d’égalité, de solidarité et de cohérence telles qu’elles sont prônées dans les sources authentiques de la religion musulmane, ainsi que les principes universels énoncés dans les conventions internationales ratifiées par le Maroc», affirme le Souverain. Et de poursuivre: «Ainsi que Nous l’avons affirmé maintes fois en qualité d’Amir Al-Mouminine, Nous ne pouvons autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé». Dans la lettre royale, SM le Roi indique : «Nous attendons que les conclusions de ces rencontres soient formulées sous forme de propositions d’amendement à porter à Notre Haute Appréciation, en Notre qualité d’Amir Al-Mouminine et Garant des droits et libertés des citoyens, dans un délai n’excédant pas six mois. Il sera ensuite procédé à l’élaboration de la version finale en vue de sa soumission pour approbation au Parlement».
Instance
Processus. Le chef de gouvernement Aziz Akhannouch avait tenu début octobre dernier, au siège de son département à Rabat, une réunion consacrée à la mise en œuvre du contenu de la lettre royale relative à la révision du Code de la famille que SM le Roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine, a adressée au chef de gouvernement. Ont pris part à cette réunion, le ministre de la justice, Abdellatif Ouahbi, le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Mohammed Abdennabaoui, et le procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du ministère public, El Hassan Daki. Après cette première rencontre, une deuxième réunion avait eu lieu au siège de l’Académie du Royaume du Maroc à Rabat, pour le pilotage de la révision du Code de la famille et ce, au vu de la centralité des dimensions juridiques et judiciaires de cette question. Cette réunion s’inscrivait dans le cadre de la méthodologie préconisée par la Lettre royale concernant la révision du Code de la famille, qui vise à concilier la centralité des dimensions juridiques et judiciaires de la question avec les points de vue de la Charia et des droits de l’Homme ou ceux liés aux politiques publiques dans le domaine de la famille, qui constitue le noyau essentiel de la société, ce qui permettra de cerner les aspects et les enjeux relatifs au chantier d’amendement du Code, de manière à garantir une adaptation de son contenu avec les évolutions sociétales et le développement enregistré au niveau de la législation nationale.