SociétéUne

Sécurité sociale et bien-être au travail

© D.R

L’extension de la couverture sociale constitue un projet d’envergure sociétal répondant aux aspirations de SM le Roi dans le domaine social en faveur de toutes les composantes de la société marocaine en termes de réponse au défi de la généralisation de la couverture sociale au Maroc.

Certes, le Maroc a été frappé de plein fouet par la crise pandémique de Covid-19. Celle-ci a paralysé le pays et s’est très rapidement transformée en crise économique et financière. Les conséquences se sont fortement ressenties sur l’économie du Royaume qui a tourné au ralenti en 2020, et par conséquent le taux de chômage n’a cessé d’augmenter et donc la protection sociale et médicale a pris une dimension importante que ce soit sur le volet médical par le remboursement des soins et la prise en charge des maladies ; ou le volet social par le versement des prestations en espèces à toutes celles et ceux que la survenance de la pandémie a contraint à un ou plusieurs arrêts de travail. A cet effet, l’Etat marocain, en vue d’assurer une panoplie plus ou moins étendue aux fonctions sociales au bénéfice de ses citoyens, a changé de conception d’un État limité à des fonctions d’ordre public et de sécurité à un Etat providence ; ainsi des mesures importantes ont été prises pour lutter contre cette crise ; à savoir l’indemnité mensuelle versée aux salariés de la CNSS, de même les employés du secteur informel impactés par cette situation ont bénéficié d’une aide de substance servie par le Fonds spécial de gestion de Covid-19; pareillement, le tissu associatif national, en étroite coordination avec les instances publiques, a lancé des opérations de solidarité pour venir en aide aux familles nécessiteuses sur les différentes villes du Royaume.

Pour l’histoire, l’assistance sociale au Maroc n’est pas pure inféodation du régime du protectorat qui s’est engagé à créer un régime de protection sociale pour protéger d’abord ses ressortissants français; ainsi ,’’ La Caisse d’aide sociale» créée par dahir du 24 avril 1942 par le patronat européen servait des allocations familiales aux travailleurs et des allocations aux femmes en couches, et qui devient depuis juin 1961 la «Caisse nationale de sécurité sociale’’ (CNSS). Quand on parle de politique sociale au Maroc, il convient de distinguer entre trois notions : l’assistance, la prévoyance et la sécurité sociale. L’assistance a pris au cours de l’histoire du Maroc des formes diverses : 1-L’assistance de personne à personne, appelée communément aumône ou charité (sadaqa) signifiant «oeuvres généreuses». En effet, l’islam recommande aux musulmans d’agir en permanence en faisant le bien non seulement par le don de soi mais aussi par le don de ses biens 2 – L’assistance collective ; ici ce sont des collectivités ou groupements qui associent volontairement leurs ressources 3 – L’assistance publique; quand les organismes privés ou collectivités sont défaillants ou insuffisants, c’est l’Etat qui prend en charge les déshérités non secourus par la société.

A la différence de l’assistance, la prévoyance et la sécurité sociale se caractérisent par la participation active des bénéficiaires ou de leur employeur. Les organismes de prévoyance sociale reposent sur le versement d’une cotisation qui donne droit à des prestations. Par rapport à l’assistance, ces organismes de prévoyance sociale (CNOPS, CMR, CIMR, CNSS,….) offrent aux adhérents (salariés de l’Etat, des collectivités locales et du privé formel) des prestations pour subvenir à leur besoin devant l’insécurité et les risques : accident, maternité, chômage, maladie, invalidité, vieillesse, décès, etc. Donc, le principe est qu’il y a une redistribution du revenu national par transfert d’une partie de la richesse nationale. C’est un facteur constant de stabilité sociale puisqu’il s’agit de veiller à ce que toute personne ayant besoin de protection sociale puisse y avoir accès en tout temps. C’est ainsi que le processus de l’extension de la couverture sociale au Maroc est devenu un défi majeur pour notre pays. Ainsi, le gouvernement dans son projet de loi de Finances pour l’année 2021 a mis en place un système d’imposition adapté aux personnes physiques dont le revenu professionnel est déterminé selon le régime du bénéfice forfaitaire.

Le but étant de permettre à cette catégorie de contribuables exerçant des activités à faible revenu de s’acquitter d’un seul impôt englobant d’une part les impôts et taxes à caractère professionnel, à savoir l’impôt sur le revenu, la taxe professionnelle et la taxe des services communaux et, d’autre part, un complément de droit destiné aux prestations sociales couvrant dans un premier temps l’assurance maladie obligatoire.

Protection sociale et développement durable

Les systèmes de protection sociale figurent en bonne place dans les objectifs du développement durable (ODD) des Nations Unies, qui stipule dans son objectif 1.3 de mettre en place «des systèmes et mesures de protection sociale pour tous, adaptés au contexte national, y compris des socles de protection sociale, et faire en sorte que, d’ici à 2030, une part importante des pauvres et des personnes vulnérables en bénéficie». C’est ainsi avec un tel système de protection sociale qu’un pays peut réduire les inégalités, lutter contre la pauvreté et par conséquent valoriser son capital humain pour mieux produire. Aujourd’hui, la société attend des entreprises des performances économiques, mais également un engagement sociétal. Les entreprises sont censées rendre des comptes sur leurs activités, leur mode de fonctionnement, leurs conditions de travail et l’impact de leurs activités sur l’environnement.

Protection sociale et responsabilité sociale de l’entreprise

Depuis la fin des années 1990, le concept de responsabilité sociétale des entreprises est devenu monnaie courante dans le débat et échange international. Ainsi, plusieurs organisations internationales ont apporté leur contribution au développement de la RSE dans le monde. Citons, en particulier, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’Organisation internationale du travail (OIT) et les Nations Unies. En effet, la RSE peut favoriser un niveau élevé de cohésion sociale, la protection de l’environnement et le respect des droits fondamentaux, aussi bien qu’améliorer la compétitivité dans tous les types d’entreprises, de la PME à la multinationale, et dans tous les secteurs d’activités. Aujourd’hui l’intégration de la RSE par l’entreprise dans son mode de gestion et de management est devenue un must ; il ne s’agit plus de considérer la RSE comme une option à rajouter aux activités centrales de l’entreprise, mais elle a trait à la gestion même de l’entreprise, car en adoptant une politique de RSE, l’entreprise s’assigne un rôle qui va au-delà de la simple vente de produits et services. Elle se situe dans un contexte plus large que ses employés et ses clients grâce à la mise en oeuvre d’une stratégie d’entreprendre qui apporte une plus-value à la société dans son ensemble. Enfin, non seulement le bilan RSE met en avant les performances économiques, sociales et environnementales de l’entreprise, mais il permet aussi de communiquer au grand public et aux actionnaires liés à l’entreprise en toute transparence et objectivité la vraie image de l’entreprise, ce qui constitue un plus pour sa notoriété et sa renommée.

Protection sociale et bien-être au travail

Perçues pendant des longues années comme une obligation juridique et un fardeau social à la charge du patronat, aujourd’hui les entreprises cherchent à utiliser la protection sociale pour en faire un levier favorisant l’engagement, la performance, le bien-être au travail et la préservation de la santé des salariés et de leurs familles, puisque des aléas comme le brunout, les troubles de maladie ne constituent plus un sujet tabou pour nos entreprises et nombreux sont ceux qui commencent à intégrer le volet santé et bien-être au travail dans la prise en compte des risques et des modes de management, considérant qu’il représente, désormais, une valeur forte et fédératrice et un levier de performance leur permettant de gagner sur de nombreux tableaux : attractivité, motivation, fidélisation des équipes et baisse des coûts ; comme le prouve ce témoignage d’une directrice du marché Grandes Entreprises en protection sociale, Mariama Bennour : «Aujourd’hui, il ne s’agit plus seulement de trouver des remèdes aux maux générés par les organisations. Il est avant tout nécessaire d’éviter que ces maux n’apparaissent, en développant dans l’entreprise une conception de l’efficacité et de la performance qui soit soucieuse de la santé des salariés, de leur motivation et leur implication dans le travail. En ce sens, le bien-être au travail devient un facteur de compétitivité qui s’intègre pleinement à la stratégie de l’entreprise».

Pareillement, une étude mené par l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail, sur les entreprises ayant construit une bonne gestion de la sécurité et la santé au travail, a conclu dans son rapport qu’ un euro investi dans les politiques de sécurité et santé au travail générerait une économie de coûts pouvant atteindre 2,2 euros ; la productivité des travailleurs s’est améliorée en réduisant l’absentéisme et les indemnisations. Les entreprises ont donc intérêt même en ne considérant que l’intérêt financier à investir dans le capital humain et plus précisément dans la qualité des conditions de travail car dans notre contexte contemporain le besoin de couverture sociale s’accroît énormément et les salariés prennent de plus en plus en compte les avantages offerts en matière de protection sociale. Ainsi, s’ajoute le constat de notre experte Mme Bennour : «Sécuriser les salariés les aide dans leur vie privée et permet de développer un sentiment d’appartenance plus fort à l’entreprise, mais aussi de la motivation et de l’engagement».

Le dumping social, pratiqué par certaines entreprises, qui consiste à contourner un droit social pour en tirer un avantage économique, constitue un handicap qui entrave le développement et la généralisation de la protection sociale dans notre pays. Plus globalement, la mondialisation des échanges et de l’information permet aux acteurs économiques de comparer le coût du travail et de mettre en concurrence les différents espaces afin de réduire les coûts et répondre aux pressions de la concurrence et des consommateurs occidentaux réclamant des baisses de prix. A cet égard, on peut conclure que la sécurité sociale peut devenir un levier d’attractivité, d’efficacité et d’efficience, si le volet santé et bien-être au travail tient une place clé dans le package social offert par nos entreprises. Travail et santé ne font pas toujours bon ménage… L’employeur a pourtant tout à gagner à se soucier de la bon

(*) Cadre en communication et coach personnel et d’équipe

Articles similaires