ALM : Pourquoi est-ce que vous voulez vous rendre en Algérie ?
Réda Taoujni : Notre initiative, d’ailleurs comme la précédente, présente deux facettes. L’une concerne les autorités algériennes alors que la deuxième est d’ordre purement humanitaire entreprise auprès de nos concitoyens dans les camps de Tindouf. Nous avons, pour cela, tout fait dans les règles de l’art. D’abord nous avions écrit au ministère algérienne des Affaires étrangères le 4 juillet dernier pour l’informer de notre volonté de venir en Algérie. Nous avions précisé qu’en cas de non-réponse, nous allions considérer que nous avions le feu vert des autorités d’Alger. Elles ont agi autrement en nous contactant à une dizaine de reprises pour demander, à chaque fois, des informations. Dans notre association, on n’a rien à cacher et nous avions tenu à leur transmettre toutes les informations requises et dont le fait que notre délégation allait compter neuf personnes dont des journalistes des îles Canaries et un journaliste néerlandais d’origine marocaine. Jeudi dernier encore, je les ai contactées pour leur dire que notre délégation allait débarquer vu qu’on était à deux jours du voyage et qu’on avait tout réglé : réservation d’hôtel, billets d’avion, contacts sur place… Un responsable du département «Afrique du Nord» m’avait répondu que nous étions les bienvenus. D’ailleurs, nous venions d’émettre un communiqué saluant le revirement de la diplomatie algérienne à l’égard de notre association et dire combien nous étions contents de pouvoir aller à la rencontre de nos concitoyens dans les camps de Tindouf.
Quel était, grosso modo , votre programme en Algérie?
Nous avions trois objectifs bien précis. D’abord aller à la présidence de la république algérienne et au ministère des affaires étrangères pour demander le rapatriement des dépouilles des Marocains décédés sous la torture en Algérie en relation avec le conflit du Sahara, que soit élucidé le sort des disparus et, enfin, que soit levé le blocus militaire imposé aux camps de Tindouf et à nos concitoyens. Nous envisagions aussi, en compagnie d’ONGs algériennes, la tenue d’un sit-in devant le siège du ministère de la Défense, une quinzaine de minutes pour rendre hommage à tous les Marocains morts ou disparus en relation avec l’affaire du Sahara. Pour le volet humanitaire, nous voulions acheminer par avion une aide de 480 kilogrammes en plus d’une autre de 1.100 kilogrammes par voie maritime pour les Marocains des camps de Tindouf à l’occasion du mois de Ramadan. C’est la moindre des choses pour un musulman envers ses frères en de telles occasions.
Que s’est-il passé alors à Madrid?
Il faut d’abord préciser que nous avons choisi « Air Algérie » pour prouver notre bonne foi. Nous sommes arrivés au comptoir d’enregistrement et nous nous sommes aperçus que nos noms figuraient sur une liste à part. Toutefois, nous avons accompli toutes les démarches sans problème aucun et nous avons retiré tickets et cartes d’embarquement. Bagages et aide humanitaire avaient également été enregistrés et embarqués. Au moment d’embarquer, nous avons été surpris de voir le chef d’escale à Madrid qui vient nous dire que nous n’avions plus le droit de prendre l’avion parce qu’il avait reçu des ordres dans ce sens d’Alger. Il faut dire que la manière n’y était pas et l’homme me rappelle les bureaucrates du tiers-monde ou les pauvres fonctionnaires des pays de l’ex-bloc soviétique. Le journaliste maroco-hollandais a été insulté et, quelque part, on sentait qu’on se vengeait de nous pour toutes les délégations pro-Polisario refoulées à Laâyoune. La police espagnole est intervenue pour tout calmer.
Qu’est-ce que vous comptez faire?
Nous allons d’abord porter plainte contre « Air Algérie » pour rupture unilatérale de contrat car c’est de contrat qu’il s’agit vu que nous avions réservé et payé pour notre voyage. Ce mercredi (14 septembre, NDLR) à 09h30 GMT, nous allons voir l’ambassade algérienne à Madrid pour demander des explications. Par la suite, nous prendrons le premier vol disponible vers Alger, que ce soit via Rome ou Londres. Nous ne laisserons pas tomber notre mission.
N’avez-vous pas peur de revivre la mésaventure du 25 juin ?
Si cela se reproduit, les autorités algériennes devraient assumer leurs responsabilités. Nous y allons dans un but humanitaire et non pour des fins politico-politiciennes. Un responsable de l’ambassade algérienne à Madrid m’a dit, sur le ton de l’humour, que je devais être emprisonné dans un trou à Tindouf et échangé contre Tamek ! Mais, je n’ai pas peur.