C’est la pleine saison touristique sur les plages tunisiennes: ciel bleu, mer engageante, mais Rabeh Loussana a décidé d’écourter ses vacances et de rentrer en Algérie. «J’aimerais rester, mais le Ramadan est un mois sacré et je le passe traditionnellement avec ma famille», explique-t-il en attendant un taxi collectif qui doit le ramener chez lui à Annaba, près de la frontière. Pour les professionnels du tourisme tunisien, le Ramadan qui tombe à cette période de l’année est un coup dur, quand on sait que, sur les sept millions de visiteurs recensés en moyenne par an, trois millions viennent de deux pays voisins musulmans, la Libye et l’Algérie. Si les Européens sont là, les touristes algériens et libyens ont pour la grande majorité d’entre eux plié bagages dès l’annonce du début du Ramadan. L’exode a été immédiatement ressenti. De nombreux hôtels, restaurants et cafés sont à moitié vides, disent les responsables des sites touristiques. (…) Les professionnels du tourisme tunisien ont pourtant multiplié les initiatives pour convaincre les croyants que Ramadan et vacances peuvent aller de pair. Les hôtels se sont organisés pour servir le «suhoor», le petit-déjeuner, avant le lever du soleil. Des soirées musicales ont été organisées. Plages et piscines restent ouvertes tard le soir pour permettre à ceux qui respectent le jeûne de profiter la nuit tombée des joies de la baignade. Le ministre du Tourisme, Slim Tlatli, a indiqué que des taxis et des bus seraient mis à disposition afin de transporter les fidèles à la mosquée pour les «tarawih», les prières quotidiennes du soir, exécutées après celle d’Al Ichaâ, pendant le mois de jeûne du Ramadan. Spots publicitaires à la radio algérienne, conditions privilégiées pour les agents de voyage: rien n’y a fait. A Hammamet, une station particulièrement prisée des Algériens et des Libyens, les réservations ont chuté de façon spectaculaire. «Il est évident que le nombre de touristes arabes va être en baisse d’au moins 50% pendant le mois», note Fethi Trabelsi, responsable d’un hôtel de la ville. Le manque à gagner se fera durement sentir en Tunisie où, contrairement à la Libye et à l’Algérie, on ne dispose pas de richesses pétrolières. Le secteur touristique est le principal fournisseur de devises et le second employeur du pays après l’agriculture. Si rien ne change, la Tunisie risque, en raison du calendrier du Ramadan, d’être confrontée à cette désaffection dans les six ou sept années qui viennent.