Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Samir se tenait, ce jour de novembre, au banc des accusés. Le président de la Cour l’appelle. Il avance à pas lents, tête baissée.
Le prévenu semble embarrassé. Il tente d’éviter que ses yeux croisent ceux de sa famille et de ses voisins du quartier, qui assistent à l’audience.
Le président, qui feuilletait son dossier, lui a demandé s’il a déjà des antécédents judiciaires. Samir s’est contenté de hocher la tête en signe de consentement. Le président lui répète la question tout en lui demandant de répondre à haute voix. «Oui, Monsieur le président», affirma-t-il . Samir, trente et un ans et marchand ambulant de son état, avait purgé deux peines d’emprisonnement. A son vingtième printemps, il a été condamné pour la première fois pour complicité de vol. Il a écopé de quatre mois de prison ferme. Deux ans plus tard, cette peine a été suivie d’une deuxième condamnation pour vol avec récidive et consommation de drogue. Après ces deux expériences, ce père de famille a décidé de gagner dignement sa vie et faire ses adieux au monde de la délinquance. Heureux, ses parents l’ont encouragé et l’ont aidé à se lancer son commerce à la sauvette. Cette activité lui a créé des problèmes avec les éléments des forces auxiliaires et de la police.
Souvent, ils l’arrêtaient pour lui saisir la marchandise et le conduire à l’arrondissement urbain ou au commissariat de police. Ensuite, ils le relâchaient. Loin de se décourager, il reprend de nouveau son activité de camelot en sillonnant les ruelles afin qu’il gagne honnêtement sa vie et subvenir aux besoins de sa famille.
La forte concurrence des autres marchands ambulants l’énervait. Un différend entre lui et un marchand ambulant tourna à la tragédie. Sous l’effet de la colère, Samir commit un meurtre. «As-tu poignardé Mbarek ?» demanda le président de la Cour.
Samir n’a pas nié les faits. Cependant, il a précisé n’avoir pas eu l’intention de le tuer. « J’avais uniquement l’intention de l’écarter définitivement de mon chemin», a répondu Samir à la Cour. Il raconta les circonstances du crime. Il a affirmé qu’au moment où il voulait vendre une sacoche à un client, Mbarek s’est approché de ce dernier pour l’inciter à venir chez lui.
Le client a alors acheté le produit de Mbarek. Mécontent, Samir a commencé à le lui reprocher. Mbarek est resté silencieux, puis il a poussé son collègue violemment.
Samir est tombé par terre. Il se relève en brandissant un couteau à la main. Mbarek a pris la fuite, laissant derrière lui Samir dans un état de rage. Les passants sont intervenus pour le calmer. Mais en vain. Il s’est lancé à sa recherche pour se venger. Dix minutes plus tard, il l’a croisé dans une autre ruelle. Et c’est l’irréparable qui s’est produit. Rapidement, Samir l’a coincé et lui a asséné un coup de couteau à la poitrine avant de prendre la poudre d’escampette.
Evacué vers les Urgences de l’hôpital Ibn Rochd, Mbarek a succombé à ses blessures. Apprenant que la victime a rendu l’âme, Samir s’est présenté de son plein gré devant la police judiciaire.
Interrogé par la Cour, Samir a avoué être responsable de la mort de Mbarek sans le vouloir. Le représentant du ministère public a requis l’application de la loi et l’avocat de la défense a réclamé des circonstances atténuantes. Après les délibérations, la Cour a rendu son verdict en condamnant Samir à quinze ans de réclusion criminelle.