Société

Un f’kih arrêté dans un cimetière

«Pourquoi pas moi ? », pense Fatima. Elle arrive à son quarante-deuxième printemps et pourtant elle est encore célibataire. La seule fois qu’un jeune homme s’est présenté devant ses parents pour la demander en mariage remonte à une vingtaine d’années. Ses amies d’enfance et ses voisines du quartier à Khemisset se sont mariées depuis belle lurette. La plus jeune d’entre elles est mère, aujourd’hui, d’au moins deux enfants.
« Pourquoi arrivent-elles à se marier et à avoir des enfants et pas moi ? », s’interroge-t-elle à chaque fois qu’elle se trouve seule.
Elle n’oublie jamais lorsqu’elle jouait au mari et à la mariée avec les fillettes de son quartier, lorsqu’elle séduisait des adolescents de Khemisset, lorsqu’elle rêvait d’avoir un cavalier la mettant sur ses épaules pour voler vers le ciel. Cependant, ses souvenirs et ses rêves se sont transformés en cauchemar lorsqu’elle est arrivée à son vingt-cinquième printemps. Elle commence à craindre qu’elle passe du printemps à l’hiver sans avoir un mari et des enfants.
« Il faut attendre ton destin ma fille…Il ne faut pas désespérer…Tu es encore à la fleur de l’âge… », lui dit de temps en temps sa mère dans l’intention de l’apaiser, de lui rendre espoir.
Au fil des ans, Fatima s’est convaincue qu’elle ne peut monter le train du mariage sans réagir. Quelle réaction ?
« Tu es certainement ensorcelée par quelqu’un pour t’empêcher de te marier… », lui affirme une amie à elle.
Fatima n’a jamais pensé cela.
« C’est mon destin…C’est Dieu qui veut que je reste célibataire… », lui répond-elle.
« Non, non, chaque femme a un homme sur terre comme Adam et Eve…Mais si quelqu’un, une rancunière par exemple, t’ensorcèle, tu resteras sans mariage toute ta vie…Il faut recourir au f’kih pour trouver une solution… », lui conseille-t-elle.
Fatima n’hésite pas, accompagne, un jour de juin 2002, son amie chez un f’kih.
«Ton prénom et celui de ta mère… », demande le f’kih à Fatima.
Les renseignements reçus, le f’kih prend des papiers et commence à tracer des lignes horizontales et verticales, puis il a écrit les deux prénoms. Il a levé par la suite ses yeux vers elle : « La femme qui t’a ensorcelée a enterré les ingrédients, nécessaires pour empêcher ton mariage, au cimetière, situé au Caïdat Oryel… », lui explique-t-il.
Convaincue, Fatima lui a demandé de les exhumer. « Il me faut de l’argent, mille dirhams… », lui demande-t-il.
Elle n’a pas manifesté le moindre refus. L’ importent est qu’elle se marie.
Le f’kih a contacté le mokadem du Caïdat, lui a demandé de lui permettre d’exhumer une sorcellerie enterrée dans une tombe au cimetière. Il a accepté contre un pot-de-vin. Pire encore, le mokadem lui a cherché trois jeunes hommes pour l’aider.
Une nuit de la dernière semaine d’août 2002, le f’kih, accompagné des trois personnes choisies par le mokadem, s’est rendu au cimetière. Quand les trois jeunes hommes creusaient, il psalmodiait une prière. Mais en vain. Ils n’ont rien déterré. Une deuxième nuit et une troisième sont passées. D’une fois à l’autre, Fatima verse de l’argent et le f’kih et ses trois complices se rendent au cimetière.
Cependant, un homme qui demeure aux environs les a remarqués et a alerté les éléments de la gendarmerie Royale. Ces deniers se sont dépêchés sur les lieux, ont monté une surveillance permanente et sont arrivés à mettre la main sur le f’kih et ses trois complices, ainsi que sur le mokadem.

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