Société

Un “Harrag” récidiviste

Hassan T. est né en 1981 à la ville d’Ouarzazate. Il vit avec son père et sa belle-mère et trois soeurs à Temara. Sa propre mère vit à Ouarzazate depuis qu’elle a été répudiée par son père, des années déjà.
La situation financière de la famille est bien en deçà de la moyenne pour que Hassan soit intéressé par la scolarité. Il quitte l’école après six années en primaire, après avoir appris à lire et à écrire. Du coup, il va travailler dans les chantiers de construction en tant qu’aide-maçon. Pour son jeune âge, c’est une sale besogne qu’il commence à espérer de laisser tomber après seulement quelques mois de contact quotidien avec le ciment et autres matières de construction.
Hassan commence à devenir adulte prend conscience de la réalité du coût élevé de la vie. La tentation sera la plus forte et il commet un vol pour lequel il sera condamné à deux mois de prison ferme en 1998. En prison, il rencontrera d’autres jeunes, qui lui montreront le sentier à suivre s’il veut que sa vie se métamorphose. Il s’agit de la seule issue qui est de coutume depuis des années : l’Immigration clandestine. Fin 2000, Hassan, hyper-tenté, fait du port de Casablanca son terrain quotidien d’exploration. Il finit par se faufiler dans un bateau, transportant des phosphates, en partance pour le Canada.
Effectivement, un jour il se réveille à Montréal où il circulait pendant des jours, jusqu’à ce que la police canadienne l’arrête à l’intérieur de l’aéroport. Drôle d’endroit pour un clandestin de se cacher. Mais Hassan savait ce qu’il faisait, car il ne se trouvait pas à l’aéroport par hasard. Il comptait partir clandestinement à bord d’un avion vers les Etats-Unis d’Amérique pour rejoindre un ami qui y réside déjà et qui lui avait envoyé son adresse lui suggérant de se débrouiller pour atteindre les USA. La police canadienne le renvoie au Maroc où il sera récupéré par la Brigade d’émigration clandestine et présenté à la Justice. Retour de nouveau en prison pour quelques semaines censées le dissuader de récidiver. C’était mal connaître la détermination de ce jeune homme, et encore moins le défi qu’il s’était fixé à relever. Non seulement il comptait coûte que coûte émigrer, mais il va décider de la faire exclusivement par avion !! Là où aucun clandestin n’ose se risquer compte tenu des mesures extrêmement rigides de sécurité. Après une seconde tentative du port de Casablanca vers la Belgique et à peu près le même scénario qu’au Canada, il se retrouve dans un autre avion le ramenant à nouveau au Maroc et en prison. Chaque jour passé en incarcération, est un jour de méditation pour Hassan.
Une seule obsession : hrig par avion, tellement il était sûr de la faisabilité de son plan. Fin 2001, en quittant la prison, il se dirige automatiquement vers l’aéroport Mohammed V, et explore les lieux durant des jours, jusqu’à ce qu’il décide que le moment est arrivé.
En plein milieu de la nuit, il franchit l’enceinte de la piste et se dirige vers des avions qu’il croit sur le point de partir. Mais avant de faire quelques mètres, des gendarmes le prennent et il est de nouveau présenté au tribunal Aïn Chock pour écoper de six mois de prison ferme avec comme chefs d’accusation, tentative d’émigration clandestine et possession d’arme blanche. Le séjour en prison s’avère un peu plus long que d’ordinaire pour Hassan, et ses soeurs ont conclu que cette fois serait la dernière, car il sera convaincu que son plan est insensé.
Effectivement, il rentre au bercail familial à Témara, et prend un peu de recul. Mais en son intérieur, Hassan élaborait son prochain plan. L’été 2003, direction l’aéroport pour la énième fois. Cette fois aussi il est surpris par les gendarmes avant même de franchir le mur d’enceinte. De nouveau un mois de prison. Mais il en fallait beaucoup plus pour que ce jeune homme se rende à l’évidence. Hassan retourne à l’aéroport, mais cette fois, en déjouant la vigilance des agents de la gendarmerie, car au fil du temps, il s’est familiarisé avec les lieux ainsi que les us et coutumes des surveillants. Février 2004 : alors que les jeunes sont attachés au déroulement des phases finales de la Coupe d’Afrique des Nations suite aux belles prestations du Onze national, Hassan se trouve à l’aéroport. Il réussit à atteindre le train d’atterrissage d’un avion dont il ne savait même pas la destination et se cache quelque part. L’erreur fut monumentale.
Dès que l’avion décolle, sous la force des vents et les vibrations des puissants réacteurs, Hassan perd connaissance et ne ré-ouvre les yeux que dans un lit à l’hôpital à Tunis. Il s’était caché dans un avion jordanien en partance pour la Tunisie. Après un mois à l’hôpital dans la capitale tunisienne, Hassan est remis à la police marocaine et présenté au tribunal le 14 mars 2004. Personne ne sait ce qu’il compte faire de son ancien plan, même s’il est très probable qu’il ne vit qu’avec son idée de toujours. Si personne ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit, celle de Hassan risque d’être l’une des plus longues.

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