Face à la lenteur de la transformation du marché du tabac vers des produits à faible risque
Ils sont une centaine de spécialistes en science, politique et pratique de la nicotine à tirer la sonnette d’alarme quant à la mortalité due à la consommation du tabac fumé. Les experts ont adressé, en date du 18 octobre, une lettre aux chefs de délégation et aux parties à la neuvième session de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac soulignant dans ce sens le besoin urgent de réduire le nombre de décès dus au tabac fumé. Principal message émis : les parties doivent mettre l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au défi de moderniser son approche de la politique sur le tabac. «Nous sommes des experts indépendants en matière de science et de politique du tabac et de la nicotine.
Nous écrivons pour demander instamment aux parties à la CCLAT d’encourager l’OMS à supporter et promouvoir l’inclusion de la réduction des méfaits du tabac dans la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac», peut- on lire dans cette lettre. Et de rappeler qu’«au cours des dix dernières années, l’innovation sur le marché du tabac et de la nicotine a permis de mettre sur le marché de nombreux produits à base de nicotine qui n’impliquent pas la combustion de feuilles de tabac et l’inhalation de fumée. Ces produits sans fumée comprennent les produits de vapotage, les nouveaux sachets de nicotine orale, les produits du tabac chauffé et le tabac sans fumée à faible teneur en nitrosamine, comme le snus». Les experts pointent du doigt l’indifférence de l’OMS quant au rôle que joueraient ces nouveaux produits à nicotine sans fumée dans la réduction des méfaits du tabagisme. «L’OMS n’a pas tenu compte de la possibilité de transformer le marché du tabac en passant des produits à haut risque aux produits à faible risque.
L’Organisation tourne le dos à une stratégie de santé publique qui pourrait éviter des millions de décès liés au tabagisme», constatent-ils. Retour sur les principaux constats et recommandations dressés par 100 experts issus de quatre coins du monde. Les atouts d’un marché de tabac à faible risque Dans leur argumentaire, les signataires ont mis l’accent sur sept faits appuyant la transformation du marché de tabac vers des produits à faible risque. Parmi les constats établis, on note que la réduction des méfaits du tabac présente d’importantes possibilités en matière de santé publique. «Bien que les preuves suggèrent que le vapotage augmente actuellement le sevrage tabagique, l’impact pourrait être beaucoup plus important si la communauté de la santé publique prêtait sérieusement attention au potentiel du vapotage pour aider les fumeurs adultes, si les fumeurs recevaient des informations précises sur les risques relatifs au vapotage et au tabagisme et si les politiques étaient conçues en tenant compte des effets potentiels sur les fumeurs.
Mais ce n’est pas le cas», lit-on à cet effet. Les experts rappellent aussi que la réduction des méfaits du tabac peut contribuer aux objectifs du développement durable. Ils mettent par ailleurs en évidence les principales évaluations réglementaires qui appuient les produits du tabac chauffé. D’autant plus que l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) avait conclu auparavant que le produit est approprié pour la protection de la santé publique. Le FDA avait par ailleurs souligné que la divulgation au public du fait qu’il a permis de réduire considérablement les expositions humaines aux substances toxiques est «appropriée pour la promotion de la santé publique». «Les données du marché montrent une baisse sans précédent de plus de 40% du volume de cigarettes conventionnelles et de cigarillos vendus au Japon entre 2015 et 2020.
Pourtant, ces résultats importants ne sont pas reconnus par l’OMS dans son récent document pour la COP9 sur les produits du tabac nouveaux et émergents », indiquent les 100 experts dans leur lettre. A l’heure où l’OMS continue de plaider en faveur de l’interdiction des alternatives au tabac à faible risque, les experts signataires exhortent les décideurs politiques à reconnaître les conséquences involontaires des propositions de politiques. Ce que recommandent les experts La lettre des 100 experts a été appuyée par des recommandations de taille. Les signataires appellent ainsi les parties à la CCLAT à adopter une approche plus interrogative et plus ferme à l’égard du plaidoyer de l’OMS en faveur d’une alternative sans fumée au tabagisme. Une série de mesures est à actionner. Il s’agit de faire de la réduction des méfaits du tabac une composante de la stratégie mondiale visant à atteindre les objectifs de développement durable en matière de santé, «notamment la cible 3.4 relative aux maladies non transmissibles ».
Les experts insistent pour que toute analyse politique de l’OMS évalue correctement les avantages pour les fumeurs ou les fumeurs potentiels, y compris les adolescents, ainsi que les risques pour les utilisateurs et les non- utilisateurs de ces produits. Il est également recommandé d’exiger que toute proposition de politique, en particulier les interdictions, reflète les risques de conséquences involontaires, y compris les augmentations potentielles du tabagisme et d’autres réactions négatives. Les signataires revendiquent également l’application correcte de l’article 5.3 de la CCLAT. La finalité étant de lutter contre les véritables abus de l’industrie du tabac, mais pas pour créer un obstacle contre- productif aux produits à risque réduit qui présentent des avantages pour la santé publique ou pour empêcher l’évaluation critique des données de l’industrie sur la base stricte de leurs mérites scientifiques.