Casablanca, Marrakech, Rabat, Fès ou encore Tanger. L’ambiance est la même. L’engouement des étudiants, leur intérêt pour les cours, la bienveillance des professeurs, leur attellement à la tâche sont également identiques dans les villes du Maroc, au nombre de neuf, où les universités populaires ouvent leurs portes du 15 janvier au 15 mai. Le lieu est un local du secrétariat d’Etat chargé de la Jeunesse le soir où les week-ends. L’assistance est hétéroclite : étudiants, cadres supérieurs, universitaires et même femmes au foyer, ceux qui n’ont pas eu l’occasion de poursuivre leurs études où tout simplement qui veulent enrichir leurs connaissances.
Tous ont en commun l’amour du savoir et ils le font savoir. Samedi, 15h à la salle Abdessamad Kenfaoui à Casablanca. Le cours Gestion des entreprises a déjà commencé. On dirait que les quelque 200 personnes et leur professeur n’ont l’intention de laisser filer aucune seconde. Et ils ont raison. La prestation du professeur est intéressante et ne leur laisse aucunement l’occasion de s’ennuyer. L’expérience casablancaise est singulière dans la mesure où ce cours de gestion des entreprises a été monté en collaboration avec l’association Shems qui a l’habitude de traiter avec les grandes écoles privées casablancaises. Son réseau de professeurs a été mis à la disposition du secrétariat d’Etat chargé de la Jeunesse. En contrepartie, ce dernier a délégué à l’association la gestion du cours, les thèmes à aborder ainsi que le choix des professeurs. Cet après-midi-là, il s’agissait de définir les concepts-clés du management et leurs applications concrètes. Les exemples ont donc abondé en arabe, français et dialectal bien évidemment. «Nous essayons de laisser aux étudiants une grande marge pour s’exprimer et ne pas les limiter à s’exprimer dans une langue précise. Les universités populaires sont par excellence des lieux d’échange et de liberté d’expression», explique Adil Rami, professeur qui assumait ce cours. Et d’ajouter: «Les polycopiés et les slights sont rédigés dans la langue de Molière mais leur explication et leur commentaire se font la plupart du temps en arabe ». Entre marketing mixte, gestion de stock, production, finances ou encore contrôle de gestion…, les termes techniques fusaient de partout attirant l’attention d’une assistance séduite 100 %. Concentrés, ces étudiants d’un après-midi le sont restés jusqu’à la fin de la séance. Ils sont même repartis avec des devoirs à faire. « Cela me fait tout bizarre de me retrouver dans une salle de cours plus de 25 ans après que j’ai quitté l’université. Suivre cette formation est ainsi une manière pour moi de revivre ma jeunesse. C’est un moyen d’épanouissement personnel et un outil d’appréciation du monde et de ses évolutions, en plus d’être un moyen d’étancher ma soif de savoir. En plus, je n’ai même besoin de passer des examens ou des contrôles de fin d’études», estime un quinquagénaire, assis en première rangée, calepin et stylo en main et très attentif aux explications du «professeur». «Au début, ils étaient 524 personnes à s’inscrire pour ce cours. Ils étaient pratiquement tous présents lors de la première séance. Ce samedi, nous sommes à notre quatrième séance et il n’en reste que quelque 200 assidus. Les autres ont manifesté leur désintérêt après qu’ils aient su que ce cursus ne sera sanctionné par aucun certificat ou diplôme. Nous nous sommes rattrapés par la suite en pensant, en collaboration avec la délégation de la jeunesse de Casablanca-Anfa à leur délivrer une carte attestant qu’ils ont suivi les cours de l’université populaire », estime Adil Rami.
Marrakech, dimanche à16h, devant le centre d’accueil de la délégation de la Jeunesse à Guéliz, à deux pas du stade El Harti. Changement de décor mais non d’ambiance. Le cours, «Conditions de la communication », est beaucoup plus théorique et puise dans le fond de la pensée des philosophes européens et nord-américains. Les bases d’un débat franc ont été lancées par le professeur avant que les étudiants ne prennent la relève. «Communiquer est une nécessité», «quelles en sont les conditions ?», «comment y arriver?», … Les questions et les interventions des participants devenaient de plus en plus nombreuses et le débat débordera même pour concerner des sujets d’actualité politique-socio et économiques. Le cours est assuré par un jeune docteur en sociologie qui vient à peine de rentrer d’Allemagne, pays où il a fait ses études. C’est certainement pour cette raison que les documents distribués sont en Anglais et en Allemand. « J’ai fait exprès de ne rien vous traduire pour que le savoir vous soit transmis dans sa langue-mère. Cela vous permettra également de pratiquer une langue étrangère et joindre l’utile à l’agréable», leur a dit Abdeljalil Amine. «Le principe même de l’université populaire n’est autre que la démocratisation du savoir et l’ouverture d’un espace de débat et de réflexion où chaque participant peut s’exprimer librement », déclare ce jeune universitaire pour qui l’assiduité d’un grand nombre de ses étudiants est la preuve que l’initiative des universités populaires est une grande réussite, «même s’il est un peu tôt pour faire un bilan». Les mêmes propos sont tenus à rabat par le directeur de la maison des jeunes Nour à Yaâcoub Mansour, lieu où se tiennent les cours de littérature tous les lundis de 18h à 20h. Ce soir-là, c’était autour de l’art populaire d’être à l’honneur à travers un cours dispensé par Fatima Keddou où l’artistique, le littéraire et le politique ne font qu’un. Même chose à Fès, Meknès ou encore Laâyoune où les maisons de jeunes se transforment, l’espace d’un cours de droit, de sociologie ou de philosophie, en un lieu d’échange d’idées et d’opinions sur la vie politique nationale.
A Tanger, c’était l’économie qui a pris le dessus de ces débats à l’occasion d’un cours sur la gestion de la qualité. Les démarches de cette technique, expliquées par un jeune lauréat de l’Ecole Mohammédia des ingénieurs (EMI), retiennent l’attention de ceux, mais surtout celles qui se sont inscrits à ce cours perturbé cependant à son début par un différent sur l’admission de non inscrits aux salles de cours. «Les étudiants de l’université populaire s’inscrivent au préalable pour des raisons de places disponibles, mais l’accès reste libre, pour chaque séance, dans la limite de la capacité d’accueil», explique Fouad Assoul, responsable des universités populaires à la délégation de la Jeunesse de Tanger au sein de la maison des jeunes Hasnouna.
Et ce dernier de mettre en avant l’expérience Tangéroise en la matière, puisque cette ville offre aux 748 inscrits qu’elle compte, parmi d’autres cours, des ateliers de formation scientifique se rapportant notamment aux réseaux informatiques. Les universités populaires ont officiellement démarré le 15 janvier dernier. Les quelques semaines qui ont suivi le lancement de cette opération ont connu un grand engouement de la part des Marocains. En effet, ils étaient 20.000 curieux à s’inscrire dans ce programme national qui a pour principal objectif de faciliter l’accès au savoir. Mais dans un pays où l’analphabétisme frôle les 60 %, ce genre d’initiatives ne pourrait qu’être encouragés.
«Cela fait quelques semaines que cette expérience a commencé et elle a déjà donné ses fruits dans la mesure où elle a éveillé l’intérêt de nombreux Marocains pour le savoir», conclut ce responsable associatif.














