Mentalité machiste, fatwas pour le mariage des mineurs, images stéréotypées
Les chiffres explosent. C’est ce qui ressort des dernières statistiques de l’Observatoire national de violence à l’égard des femmes qui seront publiées dans les prochains jours. En effet, le nombre des femmes ayant bénéficié de l’aide du centre d’écoute a doublé en une année, soit un total de 5.187 cas enregistrés en 2015 contre 2.877 femmes victimes de violences en 2014. Plus en détails, le nombre de femmes victimes de violences juridiques a atteint 1.934 en 2015 contre 503 femmes ayant contacté le centre d’écoute qui leur est dédié selon l’Observatoire.
Celui-ci a dévoilé également que le centre a enregistré 1.320 cas de femmes victimes de violences économiques contre 750 victimes de ce type d’abus en 2014. Le mécanisme dont le rôle est d’orienter les politiques publiques a recensé 924 femmes se plaignant du non versement de la pension dont elles ont droit contre 915 cas enregistrés en 2014. Concernant les violences physiques, 846 femmes ont été assistées par le centre en 2015 contre 601 femmes en 2014. Par ailleurs, 76 femmes victimes de viol ont sollicité l’aide du centre d’écoute en 2015 contre 51 cas enregistrés en 2014. Quant au harcèlement sexuel, l’Observatoire a recensé 87 cas de femmes victimes de ce type de violence contre 57 femmes en 2014. L’Observatoire déplore que certains obstacles entravent la lutte contre ce phénomène.
A cet égard, ce mécanisme national révèle que la société continue de contenir des résistances d’ordre socioculturel contre l’égalité des sexes. De même, certaines fatwas permettent encore le mariage des filles mineures, ce qui révèle, selon l’Observatoire, la suprématie de la mentalité masculine dans la société. Le rapport pointe du doigt aussi les images stéréotypes véhiculées sur la femme, le manque de sensibilisation dans la lutte contre les violences basées sur le genre social et la culture de l’égalité entre les genres.
Les femmes violentées ignorent leurs droits
L’organisme blâme les médias qui n’accomplissent pas leur rôle dans la lutte contre le phénomène de violences fondées sur le genre social. De surcroît, le mécanisme a constaté plusieurs obstacles qui entravent l’application de la Moudawana. Dans son rapport l’entité chargée d’observer ce fléau a consacré une partie de son analyse à la formation des sages-femmes. Dans ce sens, elle indique que le manque de formation en matière de lutte contre la violence fondée sur le genre social chez certaines sages-femmes influe négativement sur leur comportement avec les mères ayant subie diverses formes de violences, notamment les violences sexuelles. Plus encore, le faible nombre des centres d’hébergement dédiées aux femmes violentées conduit à l’accroissement et à la complexité des cas d’abus, constate la même source. Une situation d’autant plus alarmante dans le milieu rural. Et pour cause, les centres d’écoute pour les victimes sont peu nombreux, voire inexistants. Autres obstacles, le taux élevé des femmes analphabètes, l’entité souligne à cet égard la faible connaissance juridique chez certaines femmes. Certaines victimes ignorent l’existence même des centres d’écoute prêts à leur venir en aide.
Bien qu’elle soit appliquée depuis plus d’une dizaine d’années, la majorité des femmes, selon l’Observatoire, ne connaît les apports de la Moudawana. Il s’est avéré que certaines femmes ne perçoivent pas les pensions dont elles ont droit en raison de l’incapacité ou le refus de paiement de leur conjoint ou encore à cause de la lenteur de la procédure dans les tribunaux et l’inexécution des décisions de justice.
Concernant la garde des enfants, l’Observatoire indique que le titulaire de la garde est parfois contraint d’abandonner son droit en raison du désengagement de la partie adverse à payer le loyer pour l’enfant bénéficiaire de la garde. L’Observatoire a également mentionné que dans le cas de polygamie, certains maris usent de moyens frauduleux pour désorienter la procédure. Par ailleurs, l’Observatoire alerte sur le non-respect des dispositions qui concernent le divorce par voie judiciaire, notamment le dépôt du montant que l’époux consigne au secrétariat-greffe du tribunal les droits dus à l’épouse et les droits à pension alimentaire dus aux enfants dans les délais fixés par la loi.