Certaines associations déclarent ne pas s’y laisser prendre. Selon elles, si la ministre de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social a décidé de lancer officiellement la 11ème campagne de lutte contre la violence faite aux femmes ce 25 novembre, journée mondiale dédiée, c’est par volonté de s’approprier l’aura de la date pour redorer son blason. Quinze jours après le coup d’éclat du début de ce mois de novembre où elles ont obtenu que l’examen du projet de loi 103.13 sur la violence contre les femmes par le Conseil de gouvernement soit ajourné pour complément d’informations, les associations de la société civile ne désarment pas.
Pas même après avoir reçu l’assurance que le projet allait être revisité de fond en comble par une commission ad hoc. La raison de cette opposition permanente est que leurs représentants considèrent que ce n’est pas seulement le projet qui est en cause, mais l’approche et toute la stratégie de la ministre dans le domaine. Outre que cette prise de position jette un surcroît de froid sur l’atmosphère qui règne entre les associations et la ministre, elle menace de porter un sérieux coup à la politique de concertation dont cette dernière se prévaut. En particulier aujourd’hui où elle a invité les différentes composantes du «pôle social» –ministère de la solidarité, entraide nationale et Agence du développement social– à prendre part aux travaux d’une première rencontre qu’elle a placée dans le cadre de la lutte contre la violence faite aux salariées. Un domaine qui, de surcroît, confine aux terres du ministère de l’emploi et des affaires sociales.
Selon le département de Bassima Hakkaoui, 6 rencontres régionales seront organisées à Tanger, Casablanca, Fès, Oujda, Agadir et Laâyoune dans le cadre d’une campagne qui durera jusqu’au 12 décembre. Ces six rencontres «qui seront ouvertes aux acteurs sociaux et aux chercheurs» traiteront des efforts sectoriels déployés pour la protection des salariées contre la violence et examineront les moyens et les outils d’y faire face. Le ministère conclut que les «rapports» des six réunions feront l’objet d’une synthèse le 12 décembre lors d’une rencontre nationale qui aura lieu à Casablanca et dont les conclusions serviront de plateforme aux décisions finales du ministère.
Mais il semble que les autorités aient été prises de court sur cette question du respect des droits du personnel de maison. La très écoutée Human Watch Rights (HWR) vient de saisir le Maroc d’une demande de mise en conformité de sa législation applicable à ces travailleurs. Pour l’organisation en effet, l’établissement d’un contrat de travail entre employeur et employé est le seul rempart contre les abus. L’ONG qui considère le projet de loi marocain comme partiellement et imparfaitement conforme à la convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) -entrée en vigueur le 5 septembre-, souhaite qu’il comporte un contrat de travail obligatoire, un salaire minimum, des mécanismes de règlement des violations et des différends, l’établissement des heures de travail et la sécurité sociale avant qu’il ne soit voté par le Parlement..
Selon une étude du Haut-Commissariat au Plan dont les résultats ont été publiés en 2011, plus de 62,8% des Marocaines ont été violentées. La majorité d’entre elles habite la ville et une sur quatre a subi une agression sexuelle. L’enquête indique que sur les 9 millions de femmes âgées de 18 à 64 ans interviewées, près de 6 millions ont subi un acte de violence au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête – qui s’est déroulée entre juin 2009 et janvier 2010. Le HCP ajoute que près de 48,4% des 4.800 femmes qui constituent l’échantillon avouent avoir été victimes de violence psychologique, phénomène dont n’est pas exclu le milieu conjugal et dont les jeunes femmes de 18 à 24 ans sont, à proportion de 23%, les principales victimes. Ce même chiffre est associé aux femmes qui ont subi un acte de violence sexuelle.
Par ailleurs, de récentes statistiques ont établi que quelque 30.000 mineures marocaines – souvent des fillettes d’à peine une dizaine d’années, voire moins – travaillent comme domestiques dans des conditions indignes. Ce chiffre ne tient pas compte des domestiques étrangères (sénégalaises, philippines…) qui, elles, travaillent dans des conditions proches de l’esclavage moderne quand elles n’y sont pas en plein.