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Des Rajaouis séquestrés à Tindouf (12)

Depuis plusieurs jours, je vous parle des conditions de vie épouvantables des Marocains séquestrés à Tindouf. Qu’ils soient militaires ou civils. Le Polisario les a toujours présentés au monde entier comme des prisonniers de guerre, c’est-à-dire arrêtés lors des combats. J’aimerais insister aujourd’hui sur le cas des prisonniers civils dont je faisais partie. En fait, nous avons tous été kidnappés de l’intérieur même du sol marocain par des commandos du polisario. J’ai remarqué qu’énormément de Marocains ignoraient l’existence de dizaines de prisonniers civils marocains kidnappés de régions très éloignées des provinces du Sud. Aujourd’hui, j’ai plusieurs révélations à vous faire. Je rappelle que j’ai été enlevé dans les environs de Tata. Certains de nos compatriotes ont été carrément enlevés dans les environs de la ville d’Oujda. C’est le cas d’un prisonnier dénommé Mohamed, j’ignore son nom de famille mais comme il était originaire de la ville de Salé, nous l’appelions Mohamed S’laoui. Il a été kidnappé en 1976 et libéré le 1er septembre dernier, au même temps que moi. Le CICR connaissait l’existence de Mohamed S’laoui et dans ses registres, il était inscrit que son arrestation a eu lieu à Maghnia, une ville algérienne à quelques kilomètres d’Oujda. Quel champ de bataille se trouve-t-il là-bas? Malgré toute la bonne volonté du Comité International de la Croix Rouge (CICR), il n’a rien pu faire pour libérer S’laoui. En fait, le cas de ce dernier est une preuve de plus que l’Algérie est la première et la dernière responsable de l’existence et la pérennité de ce conflit artificiel et des souffrances qui en ont découlé. Je vous donnerai les noms d’autres civils marocains. C’est le cas de Youssef, qui a été kidnappé en 1977 à M’hamid El Ghazlane. C’est une ville proche des frontières avec l’Algérie mais à des dizaines de kilomètres des provinces du Sud. Youssef était un berger, il a été kidnappé et son troupeau de moutons lui a été totalement subtilisé. Autre cas, celui du civil Mohamed Nouhi. C’est un civil kidnappé en plein coeur de sa maison à Foum Lahcen. Ce fut en juillet 1974. Même chose pour Mohamed Oussehfa, kidnappé en 1976 à Akka. Quatre autres civils marocains ont été séquestrés également en 1978 à Oued Draâ près de Tata. Dans mon groupe, c’est-à-dire celui composé de ceux kidnappés en 1980, il y avait également trois autres civils. Benbouker Ahmed, originaire de Tétouan, Oumma Lahcen et Kadmiri Lahcen. Parmi les séquestrés, il y a également des marins marocains. Oui, les commandos du polisario ont réussi à atteindre l’océan atlantique. Des marins ont été kidnappés à Dakhla, d’autres à Tan Tan. Parfois, ces commandos s’attaquaient à des bateaux en pleine mer, comme de vulgaires pirates. Ils montaient à bord, tuaient, pillaient et kidnappaient les équipages. Ce fut avant la construction de la ceinture de sécurité par l’armée marocaine qui a fini par stopper toutes les incursions des polisariens. Mais à maintes reprises, les criminels du polisario pénétraient à l’intérieur du Maroc, via la Mauritanie. La liste des prisonniers civils est très longue. Tous ceux que je viens de vous citer sont connus et fichés par le CICR. Celui-ci savait très bien que les kidnappings ont eu lieu loin de la zone en conflit et possède assez de preuve que les enlèvements ont eu lieu au nord des frontières algéro-marocaines. En fait, hormis les prisonniers civils, connus du CICR, et que par conséquent ni le polisario, ni l’Algérie ne peuvent ignorer, d’autres citoyens marocains croupissent dans les geôles des criminels algériens et polisariens. Mais ces prisonniers ne sont pas connus des instances internationales. J’ai eu personnellement plusieurs occasions d’informer le CICR de leur existence. Mais malgré les multiples réclamations de ce dernier, le polisario a toujours nié leur existence. En fait, ils existent bel et bien et certains d’entre eux sont toujours en vie. Lors de la Marche Verte dont nous venons de célébrer le 28ème anniversaire, des dizaines de femmes et de filles ont été également kidnappés. Ceci me pousse à vous faire part de certaines rumeurs qui circulaient dans les camps de Tindouf et selon lesquelles les kidnappings auraient commencé déjà en 1973. Le problème est que dans certaines régions déshéritées, les disparitions ne semblent pas poser un grave problème. Les Marocains qui se sont enfuis vers l’Algérie après les événements de 1973, se sont pratiquement tous retrouvés dans les camps de détention de Tindouf. C’est le cas d’un ancien prisonnier dénommé Sila Abdelbaki. Il est comme moi originaire de Casablanca. Nous avons beaucoup sympathisé. Et bien qu’il me fasse entièrement confiance, il n’a jamais voulu me raconter comment il s’est retrouvé en Algérie en 1973. Il évitait toujours de parler de cette période. En 2002, il a complètement disparu de la circulation. Personne ne savait plus dans quel camp il se trouvait. Je pense qu’il a été tout simplement liquidé, assassiné parce que sa libération pouvait compromettre l’Algérie. Abdelbaki détenait certainement des secrets sur la création même du polisario et sur le degré d’implication des services de renseignements et l’armée de l’Algérie. Les victimes civiles du polisario ne sont pas uniquement celles emprisonnées dans les camps. Au contraire. Les criminels du polisario ont assassiné beaucoup plus de Marocains qu’ils n’en ont séquestré. Je citerais l’exemple des ouvriers de deux sociétés particulièrement touchées par les attaques des commandos du polisraio. Il s’agit de l’entreprise Grands Travaux Routiers (GTR) dont le siège social est toujours à Casablanca. C’est le cas également de la société de Larbi Belghazi. Celle-ci n’existe plus aujourd’hui. Les ouvriers de ces deux sociétés, qui travaillaient dans des chantiers routiers dans les provinces du sud, ont souvent été assassinés sur place, c’est-à-dire en plein centre du territoire marocain. Les cas que je vous citerais maintenant sont les moins connus. Le CICR ignore leur existence et j’espère que mon témoignage facilitera leur libération. Il s’agit d’un dénommé Anekraz Abdellah Belbachir. C’était un travailleur marocain en Libye. En 1985, il était en voyage vers le Maroc. Il a pris le vol Tripoli-Casablanca qui faisait escale à Alger. Dans la capitale algérienne, il a le plus simplement du monde été arrêté par les algériens. C’était en fait un kidnapping. Aujourd’hui, il est détenu dans la prison la plus immonde de cette planète, la prison Arrachid. Il se trouve à l’heure où je vous parle dans une cellule pourrie avec un officier marocain de la marine royale, qui s’appelle Belmfedal Abdelaziz. Je ne sais pas si sa famille va lire ses lignes, mais je suis désolé de dire que Belmefadal a aujourd’hui perdu la raison. Pour ce qui est de Anekraz Abdellah Balbachir, j’ai eu l’occasion de le rencontrer. Il m’a lui-même donné des informations le concernant que je divulgue pour la première fois. Il m’a dit de les rendre publiques si jamais j’étais libéré avant lui. Son numéro de passeport est le suivant: 809981, et celui de sa carte d’identité nationale: J45165. Anekraz comme Belmfedal ne sont pas connus du CICR. D’ailleurs, ce dernier n’a jamais pu rendre visite à la prison d’Arrachid car le polisario nie toujours l’existence de cette forteresse où des centaines de Marocains ont été torturés puis lâchement assassinés. Très peu de responsables du polisario peuvent pénétrer au sein de cette prison. Le directeur de la sécurité militaire est le seul capable d’autoriser une personne à y accéder. Avant de clore ce chapitre, je souhaiterais vous faire part d’une histoire que m’a raconté un gardien sahraoui originaire du Maroc, un « haris » que je considère comme un frère et pas seulement comme un grand ami. Je ne pense pas qu’il ait menti à ce sujet car en fait il n’avait aucune raison de le faire. Ce gardien m’a raconté qu’il a vu de ses propres yeux un garçon et une fille kidnappés en 1989 à Alger. Il s’agit de deux supporters de l’équipe du Raja qui avait disputé un match de football contre le Mouloudia d’Alger dans le stade du 5 juillet. Le haris m’a assuré qu’il les a vus dans un lieu appelé le Secrétariat général. C’est l’endroit où habite Mohamed Abdelaziz, le président des mercenaires et c’est également le lieu où l’armée algérienne et les services de renseignement ont leur base qui gère les camps du polisario.

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