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Mohcine Berrada : Une orientation réussie se mesure au fait d avoir trouvé «sa voie»

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La règle d’or à respecter pour faire le bon choix pour son avenir professionnel est qu’il faut d’abord et avant tout s’informer. Cela veut dire qu’un projet professionnel, ça ne s’improvise pas, ça se construit. Il faut tenir compte de ses aspirations mais aussi de ses aptitudes.

ALM : Quelles sont les filières qui attirent le plus les bacheliers marocains ?
Mohcine Berrada : De prime abord, je dirais que toutes les filières attirent les jeunes bacheliers. Mais en fait, pour répondre logiquement à cette question, il faut tenir compte du type de baccalauréat. Dans les faits, on remarque que les titulaires d’un baccalauréat scientifique rêvent de médecine ou espèrent faire des études dans les grandes écoles d’ingénieurs. Seul problème : ce sont des études sélectives et le nombre de places est limité.
Mais outre les classes prépas, les formations d’ingénieur et la médecine, de nombreux bacheliers s’orientent vers l’informatique, la gestion, le management, la finance, des filières transversales qui permettent de s’intégrer dans de nombreux secteurs de l’activité économique. Les cycles courts, Bac+2, genre BTS ou DUT, ont toujours la cote car, non seulement ils permettent de décrocher un diplôme toujours demandé au niveau du marché de l’emploi et d’être rapidement opérationnel, mais elles permettent aussi à ceux qui le souhaitent de poursuivre leurs études grâce au système des passerelles.

Et quelles sont les filières qui ont toujours de l’avenir ?
On l’a souvent répété, les pouvoirs publics ont identifié les métiers d’avenir grâce aux différents plans mis en place. Depuis quelques années, l’accent est mis sur les filières mentionnées dans le Pacte Emergence et les Métiers mondiaux du Maroc, à savoir l’offshoring, l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, le textile et cuir, l’agroalimentaire…  Mais il faut garder à l’esprit que les besoins du pays en ressources humaines qualifiées sont énormes et touchent tous les secteurs d’activité.
La gestion des ressources humaines, l’enseignement, les énergies renouvelables, la santé, l’audit et le conseil, la grande distribution et la vente, le tourisme, tous les secteurs ont besoin de compétences. En fait, en dépit des effets conjoncturels, quelle que soit la filière, les besoins du Royaume sont loin d’être couverts et des jeunes bien formés ont toujours leur place.

Quelle est la règle d’or à respecter pour faire le bon choix pour son avenir professionnel ?
La seule règle à laquelle il ne faut jamais déroger est a priori toute simple : il faut d’abord et avant tout s’informer. Cela veut dire qu’un projet professionnel, ça ne s’improvise pas, ça se construit. Il faut tenir compte de ses aspirations mais aussi de ses aptitudes.
Il faut s’informer sur l’offre de formation, sur les métiers ; il faut demander conseil aux professionnels de l’orientation. Contrairement à ce qui se passait pour les générations précédentes, aujourd’hui l’information est disponible, grâce à l’Internet, grâce aux publications spécialisées, mais aussi par le biais des forums régionaux de l’étudiant organisés dans toutes les grandes villes du Royaume et le Forum international de l’étudiant qui vient d’avoir lieu à Casablanca. Il faut aussi tenir compte du facteur temps et ne pas attendre la dernière minute pour se renseigner.
Il faut se poser les questions essentielles et prendre les devants. Cela veut dire qu’un projet professionnel réussi commence d’abord par une orientation réussie, elle-même tributaire d’une quête d’information qui doit être entreprise bien avant l’année de terminale.

De peur de faire le mauvais choix, les parents et les élèves hésitent avant d’opter pour telle ou telle formation. Quels conseils donneriez-vous pour ne pas avoir ce sentiment de regret ?
Je me rappelle d’avoir dit l’année dernière, sur les colonnes de votre quotidien, que les sondages et études menés par le Groupe L’Etudiant marocain, notamment sur l’orientation chez les jeunes, ont montré qu’il peut exister chez eux certains préjugés concernant les types de cursus jugés plus souhaitables ou plus favorables que d’autres. Ces préjugés, qui peuvent également être véhiculés à l’intérieur du système scolaire, font qu’il apparaît normal de favoriser l’orientation vers les formations généralistes par rapport aux formations technologiques ou professionnelles, les études longues par rapport aux études courtes, les filières scientifiques par rapport aux filières littéraires, les Grandes Ecoles par rapport aux formations universitaires, etc., et ce, souvent au détriment d’une orientation choisie en fonction de soi et de ce qui nous correspond. Il faut avoir à l’esprit qu’en matière d’orientation scolaire et professionnelle, il n’y a pas de recette préétablie.
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise voie, il y a seulement des voies qui correspondent à des profils de compétences, des personnalités, des goûts et des centres d’intérêt. C’est-à-dire qu’une orientation réussie se mesure au fait d’avoir trouvé «sa voie». Et, il n’y a pas de fatalité ; si on a tout préparé en amont et que ça ne marche pas, il faut avoir le courage et la capacité de se réorienter.

Que pouvez-vous nous dire sur le secteur de la formation continue ?
Le secteur de la formation continue au Maroc est encore jeune et il reste beaucoup à faire malgré le développement de ces dernières années. Il faut surtout souligner que l’apport de l’opérateur public en la matière, en l’occurrence l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT), y est pour beaucoup dans l’émergence du secteur, mais on constate aussi que, depuis, de nombreux opérateurs privés ont pris le pas et proposent aux entreprises un accompagnement en termes de formation continue et de mise à niveau des ressources humaines.
Malheureusement, la composition de notre tissu économique et la taille de nos entreprises, essentiellement des PME, n’ont pas permis au secteur de se développer comme il se doit. Malgré les encouragements de l’Etat, malgré les mesures incitatives en matière de financement mises en place par les pouvoirs publics, la formation continue reste le parent pauvre de l’entreprise marocaine. Or, dans une économie largement tributaire des effets de la mondialisation, l’entreprise, quelle que soit sa taille, a besoin de ressources humaines compétentes, réactives, à même de répondre à tous les changements. Malheureusement, on a mis du temps pour se rendre compte que le système qui a été mis en place pour encourager les entreprises à investir dans la formation a contribué à les dissuader. Aujourd’hui, on se retrouve avec une absence de mécanismes dynamiques de formation continue, un système de financement réduit et rigide,  des GIAC (Groupements interprofessionnels d’aide au conseil) qui n’ont pas donné les résultats escomptés, des Contrats spéciaux de formation (CSF) toujours bloqués.
Maintenant c’est aux responsables politiques d’analyser le développement du secteur sur les vingt dernières années, de faire un bilan et de mettre en place de nouvelles actions pour booster la formation continue et lui donner la place qu’elle mérite dans l’entreprise.  Le système actuel a montré ses limites et les différentes réformes n’ont vraisemblablement pas suffi à mettre en place un système efficient, qui répond aux besoins réels des PME/PMI en matière de formation continue.

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