ALM : Quel bilan faites-vous de votre activité depuis 2007 au Maroc ?
Philippe Joyeux : Vous savez, l’histoire de SGS avec le Maroc est bien antérieure à 2007. Notre société est présente dans le Royaume depuis 1951. Il s’agissait à l’époque de fournir des services d’inspection et de contrôle de marchandises agricoles dans les différents ports du Royaume. Depuis, l’offre des services SGS a évolué avec les besoins de l’économie marocaine. Je rappelle que le Groupe SGS, société suisse basée à Genève, est le leader mondial du contrôle, de l’inspection et de la certification. C’est pourquoi SGS Maroc fournit aujourd’hui des services à l’industrie minière, à l’industrie pétrolière, à l’industrie manufacturière, ou encore certifie les processus de nombreuses sociétés marocaines, comme les aéroports du Maroc par exemple.
Plus récemment vous avez dû entendre parler de l’ouverture de deux laboratoires d’analyses chimiques, l’un sur la zone industrielle d’Ain Sebaâ à Casablanca et l’autre sur le port pétrolier de Tanger Med pour un investissement de 20 millions de dirhams. Il s’agit d’une nouvelle étape de l’histoire de SGS avec le Maroc. C’est dire notre volonté d’investir, et il y aura d’autres étapes. Pour revenir à 2007, c’est l’année où nous nous sommes engagés avec le ministère de l’équipement et du transport dans le projet de création d’un réseau de centres de contrôle technique automobile.
En ce qui concerne le contrôle technique, où en êtes-vous des objectifs fixés avec le ministère de tutelle en 2007 ?
En 2007, le gouvernement s’est attaqué à la réforme du secteur du contrôle technique automobile. Ce projet rentrait dans le cadre d’une réforme globale et courageuse du code de la route, alors en préparation. Le projet était de moderniser le secteur de la visite technique et de faire évoluer un système qui avait perdu toute crédibilité, tant au niveau du citoyen que de l’administration. C’est à cette époque qu’un appel d’offres international a été lancé pour la sélection de deux opérateurs internationaux amenés à créer deux réseaux. SGS a été l’une des deux sociétés retenues. Dans le même temps un nouveau cahier des charges de la profession a vu le jour. L’objectif du gouvernement était d’entamer une «mutation» du secteur. Avec le recul ce n’est pas seulement une mutation qui a été opérée, mais bel et bien une révolution. Le secteur est maintenant informatisé avec une traçabilité de tous les contrôles, les agents visiteurs reçoivent des formations annuelles de maintien de qualification, des audits sont réalisés tous les ans dans chaque centre, des standards ont été élaborés et implémentés au quotidien, le PV sécurisé et informatisé a remplacé le fameux «carton orange», etc. Les objectifs sont donc largement atteints même s’il reste encore du chemin à parcourir. En ce qui concerne les ouvertures, nous nous étions engagés à ouvrir 29 centres en propre. À ce jour, 15 centres sont opérationnels et 2 sont en attente d’autorisation d’exploitation.
Comment expliquez-vous ce déphasage entre les objectifs fixés et les projets concrétisés?
Nous ne l’expliquons pas, nous le subissons et c’est bien là notre principale frustration. Ce déphasage est imputable malheureusement aux lenteurs administratives successives. De la recherche du foncier jusqu’à la délivrance de l’agrément d’exploitation, sans oublier les autorisations de construction.
À quoi est dû ce retard ?
A titre d’exemples concrets et actuels, nous attendons depuis plusieurs mois les permis de construire de quatre centres; de nombreuses propositions de projets adressées au ministère sont sans réponse; deux centres fins prêts sont en attente de la visite du ministre pour démarrer l’exploitation.
Les lenteurs administratives sont réelles, quand il ne s’agit pas purement et simplement de blocage. Vous savez, il nous a fallu une moyenne de deux ans pour ouvrir chacun de nos centres. Dans d’autres pays cela aurait pu être réglé en moins de dix mois. Voila pourquoi, en dépit de la disponibilité du financement et de la bonne volonté, il est difficile de respecter des délais. Investir au Maroc n’est pas un long fleuve tranquille.
La mise à niveau de ce secteur a pour objectif d’assurer une meilleure vérification de l’état mécanique des véhicules pour garantir la sécurité des usagers de la route. À qui profiterait le maintien d’un secteur non moderne ?
Cela profiterait aux non professionnels du métier. À ceux qui regrettent l’époque du carton orange, des certificats de complaisance, des sous-déclarations fiscales, de la concurrence déloyale, du personnel non déclaré. C’est pourquoi nous sommes inquiets des déclarations de certains. Une libéralisation non contrôlée du secteur serait à coup sûr un retour en arrière, pour l’Etat et pour le citoyen. À titre d’exemple voyez ce qui se passe en Algérie depuis le désengagement de l’Etat dans le contrôle technique automobile.
Quels ont été vos engagements financiers ?
Il y a 5 ans, nous nous sommes engagés à construire 29 centres et à générer 190 millions de dirhams d’investissements. Aujourd’hui, avec 17 projets déjà réalisés et 5 projets en construction, 138 millions de dirhams ont été investis. Les coûts initiaux n’ont cessé d’augmenter, notamment ceux du foncier. Je tiens cependant à préciser que nos engagements d’ouverture de centres sont maintenus, nous souhaitons simplement que l’administration ne soit pas un frein à leur concrétisation.