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Sanctions collectives à Tindouf

© D.R

Je ne le répéterais jamais assez, la détention dans les camps de Tindouf, et le sort réservé aux séquestrés marocains, ressemblaient à l’enfer tel qu’il est décrit dans le Saint Coran. C’est du moins l’impression que nous avions, tous. Aujourd’hui, je souhaite vous parler d’un régime spécial de détention, à savoir le système des « sanctions collectives générales ». C’est ainsi que les criminels du polisario l’appellent eux-mêmes. De manière régulière, nous subissions les pires tortures et travaillions comme des bêtes, y compris ceux qui étaient malades voire mourants, sous peine d’être privés des quelques grammes de nourriture infecte qu’ils nous jetaient une fois par jour. Malgré tout cela, à chaque tentative d’évasion d’un des prisonniers marocains, le polisario déclenchait dans tous les centres de détention, les fameuses sanctions collectives générales. Même si cette tentative d’évasion a eu lieu dans un centre éloigné, à des centaines de kilomètres, tous les autres prisonniers marocains sont punis. Dès le déclenchement de cette répression générale nous savions que, quelque part, un Marocain a tenté de s’évader ou a réussi à le faire. En tous les cas, les polisariens ne nous donnaient aucune explication à ce sujet. La seule chose qu’ils entreprenaient, c’est de doubler le nombre de coups à notre égard et intensifier davantage la torture et le rythme des corvées. Ils devenaient totalement fous et ne se contrôlaient plus. On avait l’impression qu’ils se transformaient en bêtes sauvages voulant à tout prix dévorer leurs proies. Ils nous battaient aveuglément sur toutes les parties de notre corps. Lors de la saison d’hiver, ils rassemblent tous les prisonniers et les laissent toute la nuit debout et torses nus. Je vous rappelle qu’au Sahara, il n’y a que deux saisons et non pas quatre: la froide et la chaude. Le froid y est glacial en hiver, je pense que la température tombe à 0°C car l’eau gèle dans cette période. Dans ces conditions, une personne normale ne peut pas tenir plus d’une minute dehors. Nous, nous y restions quatre heures. Mais les cinq premières minutes étaient toujours suffisantes pour que tous les prisonniers soient grippés et fiévreux. Pendant toutes ces heures, les gardiens bien enveloppés dans des matelas nous surveillaient de près. Par contre, si la sanction collective générale a lieu lors de la saison chaude, les criminels du polisario préféraient nous rassembler à midi, au moment où le soleil est au zénith. Avec une chaleur de plus de 50°C, imaginez ce que pourraient endurer les prisonniers. En cas de tempête de sable, ils devaient se tenir face au vent pour que le sable pénètre dans leurs yeux, leurs bouches et leurs oreilles. A cause de ce traitement inhumain, tous les prisonniers sont aujourd’hui atteints de graves maladies des yeux et souffrent également d’un vieillissement prématuré dû à la surexposition au soleil (rides, chute des cheveux…). La sanction collective générale n’est pas terminée. Normalement, nous ne dormions que trois ou quatre heures par jour. Lors de ce traitement spécial, même ces quelques heures de sommeil nous ne les avions pas. En effet, au cours de notre sommeil, les gardiens surgissaient brusquement pour nous réveiller à coup de bâtons et de sifflets retentissants. Nous devions à ce moment-là sortir dehors en courant. Pendant dix minutes, nous restions debout et à moitié nus pour un décompte, au cas où l’un de nous aurait disparu. Puis, au signal des sifflets nous devions retourner, toujours en courant, à notre sommeil tourmenté et cauchemardesque. Pendant toute la nuit, nous avions droit à ce supplice. Toutes les 15 minutes, des rafales de coups de sifflets nous creusaient les tympans. Personne ne peut dormir dans ces conditions. Au bout de deux heures, nous commencions à avoir des hallucinations. Nous avions l’impression d’entendre les coups de sifflets et nous sortions, tels de véritables fous, en courant vers la cour. Les polisariens riaient de nous. Ils éprouvaient du plaisir à nous voir souffrir et même perdre la raison. Aujourd’hui, j’ai personnellement toujours les séquelles de cette période infernale. En entendant le sifflement des policiers de la circulation en plein Casablanca, je sursaute. Même si je sais pertinemment que ce n’est qu’un policier de la circulation, je ne peux pas maîtriser mes réactions. Lors de ces maudites sanctions collectives générales, les gardiens nous guidaient tous à quelque 300 mètres du centre de détention pour que nous fassions nos besoins naturels. Avec leurs armes, ils nous obligeaient à rester entasser et de surtout pas nous séparer. Inutile de vous décrire cette situation. Parfois, nous étions 500 prisonniers collés les uns aux autres. Aucune intimité. Les criminels du polisario tenaient absolument à nous humilier. La punition touchait donc tous les aspects de notre vie. Surtout au moment des travaux forcés. Normalement, dans les chantiers de construction, chaque prisonnier devait porter une brique et la transporter en courant. Lors de la punition collective, nous devions porter deux briques à la fois. Je vous rappelle deux choses à cette occasion. D’une part que les corvées ne duraient pas quelques minutes, mais parfois vingt heures en période de punition ou pas. Et d’autre part, que ces fameuses briques que nous soulevions pesaient entre 40 et 50 kg, chacune. Nous devions donc soulever 100 kg sur les épaules et les transporter en courant. A cause de ces poids lourds, la colonne vertébrale de plusieurs détenus marocains s’est carrément tordue. Je tiens également à préciser que même les officiers marocains handicapés participaient aux corvées. Certains d’entre eux ont énormément souffert. Je citerai le cas du capitaine Zegay Mimoun, originaire d’Oujda. Il a été séquestré en 1976. Même avec une jambe paralysée, les criminels du polisario l’obligeaient à porter les poids, comme tout le monde. Même chose pour le lieutenant Hmimid Allal, originaire de Meknès. Lui aussi a une jambe paralysée et devait exécuter tous les travaux forcés. Ces deux officiers ont été libérés en même temps que moi, c’est-à-dire en septembre dernier. Les vieux prisonniers, eux non plus, n’étaient pas épargnés par la colère des polisariens. Ils étaient torturés comme nous et subissaient les mêmes contraintes dans les travaux forcés. Je vous citerai le cas de deux vieux officiers marocains détenus pendant plusieurs années dans les camps de Tindouf. Tout d’abord, le capitaine Aït Chérif. Originaire de Settat, il a été séquestré en 1979 à Bir Anzarane. Le capitaine Aït Chérif a participé à la seconde Guerre mondiale, dans des batailles en Allemagne et en Italie. Le deuxième officier: le capitaine Tahir Tahar. C’était l’un des plus anciens prisonniers marocains. Il a été séquestré en décembre 1975 puis libéré en 2001.

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