El Guerrouj passe à l’attaque. Pas sur les pistes des compétitions internationales comme il devrait le faire, mais sur un micro que lui a tendu l’agence AFP et contre un compatriote. Le compatriote, ce n’est autre que son meilleur ennemi, Brahim Boulami. Réagissant aux accusations dont ce dernier fait l’objet depuis le 15 août dernier, et dont il est question de dopage, Hicham El Guerrouj n’a pas hésité à enfoncer davantage le clou en accusant, samedi dernier, son compatriote Brahim Boulami d’avoir «terni l’image du Maroc» pour avoir été contrôlé positif à l’erythropoïétine (EPO), à la veille de la réunion d’athlétisme de Zurich.
Au lieu d’être son avocat en ces heures difficiles, El Guerrouj s’est octroyé le droit d’être le juge et le bourreau de son compatriote. Chose assez étonnante quand on sait que la Fédération internationale d’athlétisme (l’IAAF) n’a pas encore rendu son verdict. El Guerrouj, lui, a déjà rendu le sien. «Il (Boulami) a terni l’image du Maroc. Je suis très déçu parce qu’il a jeté un voile sur la réputation des athlètes marocains.
Tout le travail qu’on a fait depuis Khalid Skah (champion olympique en 1992 sur 10.000 m) jusqu’à moi-même», a déclaré le triple champion du monde. Il y a lieu de se poser sérieusement la question sur les intentions que cache El-Guerrouj, réputé de ne pas vraiment porter Boulami dans son coeur, et qui portent davantage préjudice à l’athlétisme marocain. Ceci, sachant que Boulami avait catégoriquement démenti avoir pris une quelconque substance prohibée. «Je n’ai pris et ne prendrai jamais de l’érythropoïétine (EPO), ni aucune autre substance prohibée».
«Comment pourrais-je prendre une substance prohibée alors que je subis régulièrement des contrôles médicaux, qui se sont d’ailleurs multipliés, surtout après que j’ai battu l’année dernière le record du monde du 3000 m steeple» à Bruxelles, s’est demandé Boulami.
«Je m’entraîne en haute altitude à Ifrane pendant quatre a cinq mois, ce qui serait le seul dopage qu’on pourrait me reprocher», a affirmé l’athlète marocain. Mais pour El Guerrouj, «tous les athlètes marocains s’adonnent au dopage».
une déclaration qu’il avait tenue l’année dernière, et comme par hasard, dans la foulée de l’exploit de Boulami en août 2001. Boulami avait à l’époque provoqué la surprise et forcé l’admiration du monde de la piste en établissant le record du monde sur 3000 m steeple lors de la réunion de Bruxelles.
Avec son chrono de 7 min 55 sec 28, il était même devenu le premier non-kenyan à se retrouver au sommet des tablettes chronométriques depuis 1976. De quoi rendre tout marocain fier d’avoir une star pareille.
Mais le fils de Berkane semble être parmi les rares qui veulent que le drapeau national ne soit hissé que grâce à eux. La preuve en est qu’il était le premier à se poser des questions sur l’explosion soudaine d’un athlète de 29 ans qui avait progressé de plus de sept secondes en un an et de seize secondes en trois ans. Cet été, Boulami a encore pulvérisé son record du monde lors de la réunion de Zurich. Il avait amélioré de plus de deux secondes son ancien record (7:55. 28), quelques jours après les Championnats du monde.
Cet été encore, El Guerrouj est revenu à la charge, n’hésitant pas à traiter son compatriote de tous les mots et s’étonnant qu’un athlète de trente ans puisse glaner les victoires. Boulami avait expliqué le 16 août dernier, au soir de son deuxième record (7:53.17), qu’il n’était venu que tardivement à l’athlétisme, à 23 ans, en raison de longues études de sports effectuées à Rabat à l’Institut national du sport. La vérité de ce parcours trop vite ascendant est donc ailleurs. Etant un ancien ami à lui, El-Guerrouj ne le sait que trop. Retardataire, le fils de Berkane l’est aussi mais sur un autre plan : la communication. El Guerrouj, détenteur du record du monde sur 1500 m (3:26.00) a aligné 23 victoires en 23 courses depuis la finale des jeux Olympiques de Sydney, où il avait été battu par le Kenyan Noah Ngeny. Ses exploits sont certes louables, mais pas ses propos.
En fait, le recordman n’a jamais eu l’éloquence qu’il devait acquérir en parallèle à ses titres. Mais de là à s’en servir pour tirer sur un autre Marocain ! Boulami, quant à lui et jusqu’à preuve du contraire, est innocent et reste un grand athlète qui a su honorer son pays et ses collègues. A l’aise pour franchir les haies et les rivières du 3000 m steeple, le Marocain a chuté sur un obstacle bien plus haut : l’animosité de ceux qui devraient se réjouir de son explosion.