ALM : Quel bilan peut -on faire actuellement du football national?
Mohammed Marsli : Il est unanimement partagé que notre football est en crise. Les arguments ne manquent point. Pour commencer, le niveau du championnat (GNF) est très modeste et fluctuant sur le plan rendement d’une année à une autre. Par exemple, une équipe comme le Hassania d’Agadir a remporté il n’y a pas longtemps le championnat national deux années successives sans alimenter l’équipe nationale d’un seul joueur. Les deux années qui suivent, elle joue la relégation.
Donc des difficultés pour trouver des joueurs talentueux capables d’alimenter nos différentes sélections nationales même au sein des clubs réputés forts comme le Raja, le Wydad ou les FAR, de nos internationaux émanent de championnats européennes. Le malheur c’est que même au niveau des sélections nationales des jeunes, on fait appel à des joueurs évoluant à l’étranger. Nos clubs sont-ils devenus si stériles que ça ?!
Il y a ensuite le public qui est très peu motivé (les stades, dans la majorité des cas déserts). Notre sélection nationale n’est pas indemne non plus des critiques. Son élimination gratuite des phases finales du mondial prochain pour des raisons diverses et partagées a fait couler pas mal d’encre. Nos installations de football ne répondent pas aux attentes des dirigeants de notre football…La liste est longue.
Selon vous, que doit-on faire pour que le football national puisse sortir de cette crise ?
Le football est une configuration sociale très importante. Il entre en interaction profonde et ramifiée avec tous les secteurs de la société. Chez nous, il est malheureusement considéré comme un secteur non productif alors que dans les pays où le professionnalisme règne, le football est un secteur économique de grande importance. J’estime que les mentalités doivent changer. Nous devons profiter de ce que le passé offre de rationnel et nous orienter vers la modernisation des structures d’accueil et l’adoption de politiques administratives, sportives et techniques scientifiques. En un mot, faire place au rationnel et en finir avec la forme de politique de consommation longtemps adoptée par nos dirigeants.
Et que suggérez-vous en ce sens?
Je pense que les changements devraient s’opérer au niveau étatique ainsi qu’au niveau de la fédération. Au niveau des différentes instances gouvernementales, la part du sport en général dans le discours politique est très infime et ne dépassant pas des finalités assez vagues. Plusieurs projets à court et à moyen termes du gouvernement et des partis politiques, n’ont hélas pas pu être achevés. La construction de terrains par exemple. Depuis notre première candidature à l’organisation de la Coupe du monde, rien n’a été fait. L’exemple frappant est celui du complexe sportif de Fès. Il doit y avoir une réelle volonté politique qui vise la promotion du sport en général et le football en particulier. Il faut investir dans l’entretien, la rénovation et la construction des installations sportives. Le pouvoir étatique doit donner un coup de pouce aux dirigeants de notre football qu’il s’agit de la fédération ou des clubs : les difficultés financières sembleraient le souci majeur de ces dirigeants. Plusieurs alternatives sont possibles: les aider à trouver des sponsors de taille, leur octroyer des subsides pour formation, la création d’une caisse nationale pour la promotion du sport en général et du football en particulier…etc.
Pour ce qui est de la fédération, elle devrait rester, en principe, en contact permanent avec tous les acteurs agissant de près ou de loin sur le football national. C’est le dialogue, la concertation et la transparence qui doivent animer ses tâches. Elle doit organiser des stages de formation, de recyclage et d’information en faveur des dirigeants de football. À chaque niveau de compétition, la fédération doit imposer un cahier de charge et un programme de travail qui illustre la politique de fonctionnement de tous les clubs de football. Elle doit imposer le fait que les élections des présidents des clubs devraient se faire par rapport à des projets d’action opérationnels. Et enfin, elle devrait mettre en place une direction technique nationale compétente et capable de concevoir et mettre en application un programme de réforme national pour la promotion du football au sein des clubs et aux niveaux des différentes sélections nationales y compris l’équipe première.