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Comment faire du sport un levier de développement ?

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Entretien avec Abdelkader Bourhim, consultant en développement stratégique et opérationnel des clubs et organisations sportives

La loi 3009 permet, désormais, le passage des clubs sportifs (associations) en sociétés anonymes, ce qui permettrait de faire du sport un levier de développement. Les enjeux sont réels. Et le discours royal de la Fête du Trône de l’année 2008 avait déjà officialisé cette opportunité réelle de croissance et de développement personnel chez les jeunes. Abdelkader Bourhim qui a plus de 20 ans d’expérience dans le management du sport, partage son expertise.

ALM : Les enjeux socio-économiques du sport justifient-ils le fait que l’Etat marocain s’intéresse à son devenir ?

Abdelkader Bourhim : Les caractéristiques sociales économiques et géostratégiques du Maroc offrent des atouts indéniables pour faire du sport l’un de ses chantiers majeurs de développement. Le fait que l’Etat marocain s’intéresse au devenir du sport est donc largement justifié. Il n’a cessé d’ailleurs de le subventionner à grande échelle. Il devra néanmoins continuer à mettre en place de nouveaux moyens d’accompagnement et d’incitation pour attirer le secteur privé à investir dans le sport.

Pourriez-vous nous rappeler les principales dispositions juridiques prises dans le cadre de la loi 3009 de la jeunesse et du sport ?

La loi 3009 a créé un cadre relatif au sport professionnel. L’objectif de ce dispositif légal est de régir certaines pratiques dont l’arbitrage, la profession d’agent sportif, la réglementation de la pratique sportive et la préservation de son éthique. Elle permettra, également, le respect des standards internationaux, l’amélioration de la formation des techniciens et des sportifs. Rehausser le niveau des compétitions sportives et faire accéder le Maroc à la participation et à l’organisation des manifestations internationales devraient être facilités par cette loi. Le passage du statut d’association à celui de société devrait stimuler l’économie liée au sport, le sponsoring et l’investissement. Enfin, ce dispositif légal organisera le droit de l’exploitation de l’image des sportifs et des compétitions et manifestations sportives. La loi 3009 énumère dans son article 15 les critères permettant à une association sportive de créer la société sportive et les articles 16-17-18-19-20 et 21 définissent les conditions de son application.

Offre-t-elle toutes les garanties aux investisseurs nationaux et internationaux ?

La nouvelle loi sur la société anonyme sportive professionnelle dont le capital est composé obligatoirement d’actions nominatives stipule que le tiers au moins des actions et le tiers au moins des droits de vote doivent être détenus par l’association sportive. De plus, la société sportive doit être liée à l’association par une convention d’exploitation. Le fait que l’existence de la société sportive repose, essentiellement, sur cette convention fragilise un peu le modèle. Si tous les intervenants travaillent dans un climat professionnel et de confiance, les choses peuvent, cela dit, évoluer positivement. Maintenant, le législateur peut apporter une révision de la loi et trouver des dispositions plus sécurisantes pour les investisseurs.

La Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) doit-elle intégrer le sport dans sa réflexion ?

Au Maroc, le sport n’a toujours pas de projet national pour répondre à la réalité et aux aspirations de la société marocaine dans ce domaine. Cela ne sera possible que par l’inclusion du sport dans les objectifs du projet de développement marocain, à l’instar d’autres chantiers. En l’intégrant dans son projet, la nouvelle commission (CSMD) saura lui rendre la considération qu’il mérite.

Pourra-t-elle le recommander comme secteur stratégique du nouveau modèle de développement ?

La sollicitude dont notre Souverain entoure le sport et les sportifs, actuellement, témoigne de sa volonté de replacer le sport au cœur du nouveau modèle de développement. La CSMD intégrera certainement cette recommandation dans son rapport et tiendra certainement compte du souhait de l’Organisation des Nations Unies de faire du sport un levier de développement économique et humain dans ses Objectifs du millénaire.

Le sport marocain dispose-t-il des outils nécessaires à son ambition de développement ?

Depuis l’indépendance, l’Etat marocain n’a pas cessé de financer le sport et le doter de certaines infrastructures ; ceci dit, ce n’est pas suffisant. Le mode d’organisation du sport au Maroc et sa gouvernance ne sont pas adaptés aux normes internationales en vigueur pour prétendre à la performance.
Il est donc urgent de mettre en place les nouveaux outils de management opérationnel du sport. Nous devons profiter des compétences locales de haut niveau et les inclure dans le projet de développement du sport. Le Maroc est, également, un pays pourvoyeur de compétences en nouvelles technologies et le sport devra profiter de cet outil. Il s’agira d’effectuer une opération de «relifting» de l’image du sport, restée trop longtemps austère aux yeux des spécialistes.

Le sport marocain peut-il être un pourvoyeur d’emplois ?

Le sport peut tout changer s’il est restructuré et placé au cœur d’une politique de développement. Le sport, créateur de richesse et d’emploi, représente l’école de la seconde chance pour les jeunes. Il permet le rayonnement international des Etats et a la qualité d’attirer les investisseurs internationaux et locaux.
Peut-il participer au progrès social et économique ?
Oui. A condition que le Maroc ait une vraie politique du sport national avec une ambition claire dans l’atteinte des objectifs. Les acteurs auront ainsi une meilleure visibilité pour se constituer et agir conformément à cette politique. La forme de partenariat public-privé (PPP) peut également être favorable à une meilleure intégration du sport dans l’écosystème économique national.

Peut-il participer au rayonnement international du Maroc ?

Aujourd’hui, le soft power est une véritable arme de communication pour les Etats. Le Maroc l’a compris depuis longtemps en étant candidat quatre fois à l’organisation de la Coupe du monde de football. Il a, également, accueilli des manifestations sportives internationales à forte valeur ajoutée comme les deux éditions de la Coupe du monde des clubs qui se sont déroulées dans notre pays. Le Maroc a aussi capitalisé sur les résultats de ses athlètes Said Aouita, Nawal El Moutawakil, Nezha Bidouane et d’autres… Il est donc indéniable que le sport est un véritable support du rayonnement international. C’est une industrie qui représente plus de 1.000 milliards de dollars à travers le monde.

Pour l’heure, qu’est-ce qui a été fait dans ce sens ?

Aujourd’hui, le cadre juridique offert par la loi 3009 est un atout qui n’est pas négligeable pour prétendre faire de notre sport un acteur incontournable de notre paysage économique. C’est un argument de plus. Il faut oser plus. Il faut aider les Fédérations sportives dans leurs démarches de restructuration. Ceci devra passer par l’installation de structures de management performantes pour gérer les championnats, c’est-à-dire des Ligues nationales professionnelles (LNP).

Quels sont les freins qui risquent de ralentir le processus ?

Le sport marocain demeure fragile par sa structure et son mode de gouvernance. Son point faible est son mode d’organisation associatif qui est tributaire d’un mouvement qui n’a pas vocation à produire mais à consommer. Il faut avoir comme prétention d’inverser cette situation et doter le sport de moyens nécessaires à son développement et lui permettre de jouer son rôle socio-économique.

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