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Aboudrar fait pression pour avoir les coudées franches

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L’Instance centrale de prévention contre la corruption (ICPC) a organisé, mercredi à Rabat, une rencontre avec les associations de la société civile en vue de recueillir leur avis sur le «projet de loi relatif à l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption». Souvent remis sur le métier, ce projet a de nouveau été amendé à la suite des observations de «Transparency Maroc» et a été communiqué au Secrétariat général du gouvernement, mais il doit encore faire l’objet de remarques des ministères concernés et devrait être finalisé dans cinq ou six mois, a estimé Abdeslam Aboudrar, président de l’Instance. En attendant, ont estimé les organisateurs de la réunion, c’est la question de l’efficacité de l’action de l’Instance qui est posée.
Le ministre chargé des relations avec le Parlement et la société civile a pour sa part posé cette question en termes de «réponse à un contexte particulièrement délicat». L’un des slogans les plus remarquables qui a été clamé lors des manifestations de rue de février a été «à bas la corruption», a-t-il rappelé. Pour lui ce n’est pas seulement une volonté de changement social, mais encore une critique sévère à l’égard des efforts déployés contre toutes les formes de corruption politique, économique, sociale…
Tant et si bien, a-t-il ajouté, qu’il faut que tous participent à la lutte contre la malgouvernance pour lui assurer le succès qui répond aux attentes de  la population. Il a estimé que la nouvelle Constitution ayant aménagé un nouveau type de rapports de l’Etat aux citoyens, «il nous fait de nouvelles formes de lutte contre la corruption». Le citoyen doit se sentir protégé sinon toutes les mesures seront vaines. L’Instance sera-t-elle au niveau de la Constitution et des attentes des citoyens, s’est-il interrogé, avant d’espérer «que ce moment marque une rupture entre l’ancien et le nouveau temps, tant il est urgent de protéger le Maroc contre la corruption qui est une forme de terrorisme dirigé contre la société».
Abdeslam Aboudrar qui a déclaré que l’Instance reste ouverte à toute proposition sur le projet de loi, a considéré que l’efficacité de la prévention de la corruption est liée à l’extension de ses attributions et à son autonomie. Rappelant le référenciel du projet- la Constitution, les arrêts du Conseil constitutionnel du 4 février et du 3 juin 2012, les orientations du communiqué du Cabinet royal du 1er avril 2011 et sa réflexion propre- il a énuméré les diverses questions qu’il a fallu traiter sur la voie de la conception du projet de loi. Il a ainsi cité dans l’ordre la difficulté de préciser la notion d’autonomie de l’Instance, son champ d’action et sa composition ainsi que la concrétisation de ses décisions. La grande question qui s’est posée en effet aux intervenants est quelle action est attendue de l’Instance : la seule prévention ou l’investigation prolongée de la judiciarisation ? Pour Abdeslam Aboudrar, il ne peut s’agir que de préjudiciarisation, c’est-à-dire de constitution du dossier qui sera communiqué à la justice.
En convenant de ces difficultés, Brunot Puisat, représentant résident des agences des Nations Unies, a également mis l’accent sur le fait qu’il y a –partout dans le monde- des réticences à la lutte contre la corruption et que ce comportement contribue à la culture de la corruption. Il a donc jugé que le partenariat avec les ONG et le privé est essentiel à la prévention de la malgouvernance. Le PNUD a prêché d’exemple sur ce point et a signé des conventions avec l’ICPC en même temps qu’avec 20 organismes non-gouvernementaux marocains, a-t-il affirmé. «Nous ne pensons pas nous arrêter en si bon chemin et nous annonçons une rencontre avec les parlementaires au courant de la semaine prochaine», a-t-il ajouté.  
Luis Da Souza, expert portugais en matière d’organisation de lutte contre la corruption, a estimé, pour sa part, que constitutionnalisation ne veut pas dire durabilité.
Il a également fait remarquer que l’extension des compétences des instances spécialisées dans cette lutte en direction de la répression pose problème. «Les organismes spécialisés n’ont pas été à la hauteur des attentes, car la cause de corruption qui est la malgouvernance n’a pas suffisamment été prise en compte», a-t-il déclaré, avant d’appeler à la prise en compte des spécificités nationales dans cette prévention. Il a, en outre, estimé que la mission dévolue à l’Instance de prévention marocaine n’est pas suffisamment claire et que le droit d’autosaisine qui lui a été reconnu risque de favoriser l’arbitraire ou l’instrumentalisation politique. Au vrai, s’est-il interrogé, son pouvoir d’investigation est-il administratif ou judiciaire ? Et, l’équilibre entre pouvoirs spéciaux et garanties offertes aux citoyens est-il garanti?

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