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Aboudrar : Toujours agir et ne jamais se morfondre

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ALM: Le nouveau millésime de Transparency International sur l’état de la corruption dans la nation n’est pas particulièrement tendre avec la situation au Maroc et les faits qui y sont rapportés sont alarmants. On peut leur faire dire ceci : que la corruption ne désempare pas et donc que la stratégie mise en place pour la contenir n’est pas efficace. Qu’en dites-vous ?

Abdeslam Aboudrar: S’agissant du «baromètre de la corruption», votre formulation à propos des «faits qui y sont rapportés» est impropre.

En effet, les enquêtes de Transparency, que ce soit l’indice de perception de la corruption ou le baromètre, se basent sur la perception des personnes interviewées et non sur des faits avérés et mesurés. Et si l’ICPC permet quelques comparaisons entre pays, le baromètre donne des résultats peu différenciés d’un pays à l’autre. Seule l’adoption d’une stratégie nationale claire en la matière précisant des objectifs, des ressources allouées, des responsabilités délimitées et des délais de réalisation définis, permettra aussi bien aux acteurs qu’aux observateurs de mesurer le progrès, la stagnation ou la régression en matière de lutte contre la corruption. Je pense que l’ICPC a fini par convaincre les pouvoirs publics de s’engager dans une telle démarche.

L’Instance de prévention et de lutte contre la corruption vient de publier un document qui vante les mérites de sa stratégie sectorielle contre ce fléau. Quelle appréciation faites-vous de cette approche alors que nous sommes toujours aussi mal classés à l’international ?

Le document que vous évoquez a été préparé et diffusé par un organisme de recherche international et indépendant (U4), basé à Bergen, en Norvège. Son but n’est pas tant de vanter l’approche sectorielle adoptée par l’Instance, mais de proposer une analyse critique de cette approche.

Nous sommes honorés et flattés qu’un organisme tel que U4 ait apprécié notre démarche et l’ait portée à la connaissance d’un large public de spécialistes à travers le monde. Cette approche est notre réponse pragmatique aux résultats de l’enquête du baromètre : prendre un par un les secteurs incriminés, les soumettre à des enquêtes approfondies avec la participation effective de tous les partenaires, dresser une cartographie des risques de corruption et élaborer une stratégie et des plans d’actions pour y remédier.

L’ICPC a pour rôle de rechercher des solutions et non pas de se morfondre face aux problèmes. Nous nous engageons ensuite dans le suivi de la mise en œuvre par l’ensemble des parties prenantes. Maintenant, cela ne signifie pas que du jour au lendemain, la corruption va disparaître ou diminuer fortement. Ce n’est qu’à moyen et long termes que l’on peut alors tirer des conclusions et constater l’efficacité des mesures engagées. Le suivi de notre classement à l’international aura alors plus de sens.

On juge en général que la santé, le fisc, la justice et l’éducation sont les secteurs les plus gravement atteints. Pourtant, c’est au sujet des services des collectivités, de l’Intérieur, de la police et de la gendarmerie que les plaintes sont les plus fréquentes. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je vous répète qu’il s’agit là de la perception des citoyens par rapport à la corruption. Si ces secteurs sont cités en premier lieu par les citoyens, c’est qu’ils les considèrent comme essentiels dans leur vécu quotidien. Cela ne veut pas dire qu’ils sont effectivement les plus corrompus. Pour ce qui est des plaintes, nous ne disposons pas de statistiques fiables qui permettent d’avancer que tel secteur fait l’objet de plus de plaintes que tel autre.

Ce que nous pouvons dire, c’est d’abord que le tabou de la corruption est définitivement tombé et les plaintes formulées aujourd’hui par les citoyens touchent pratiquement tous les secteurs. Maintenant, certains d’entre eux sont plus fustigés que d’autres parce que les citoyens y vivent plus difficilement une atteinte à leur dignité et à leur droit. C’est le cas de la santé et de la justice. C’est le cas également dans leurs rapports avec l’autorité, la police, etc.

En revanche, dans un secteur comme l’habitat, où les témoignages attestent de pratiques de corruption sur toute la chaîne des procédures, les citoyens semblent intégrer dans le coût de leurs projets toutes les largesses qu’ils accordent à leurs différents interlocuteurs !

Nous espérons en savoir plus bientôt grâce aux résultats d’une enquête nationale récurrente qui nous renseignera non seulement sur la perception mais également sur le vécu des citoyens. Cela nous permettra d’analyser de façon plus objective et plus précise la corruption dans les différents secteurs.

La loi portant création de la nouvelle instance est, comme on dit, dans le pipe. Quelles perspectives cela ouvre-t-il à votre action ? Avez-vous espoir qu’elle verra le jour cette année ?

En effet, le projet est actuellement entre les mains du gouvernement. Son élaboration a fait l’objet d’un débat large et ouvert et toutes les recommandations ont été prises en compte.

En termes de perspectives, la nouvelle institution jouira d’une indépendance marquée alors que l’actuelle ICPC est un organe sans personnalité morale ni autonomie financière, placée auprès du chef de gouvernement. Elle gardera les acquis du décret créant l’ICPC,  avec des compétences élargies, notamment un pouvoir d’auto-saisine et la capacité de mener des enquêtes et des investigations. Aujourd’hui, l’ICPC se limite à recevoir des plaintes et à les transmettre aux administrations concernées ou aux autorités judiciaires sans que ces dernières ne soient tenues de nous informer sur leur sort. La nouvelle instance, en tant que composante essentielle du système national d’intégrité, jouera aussi un rôle dans le renforcement de la citoyenneté et dans la culture de l’intégrité.

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