Kofi Annan s’est vu attribuer la prestigieuse distinction par le président du Parlement européen, Pat Cox, lors d’une séance solennelle nourrie d’ovations et d’émotion, en présence de responsables européens et d’anciens lauréats tels que les présidents du Kosovo Ibrahim Rugova et du Timor oriental Xanana Gusmao.
Le prix a été attribué à l’Onu « en mémoire spécialement de Sergio Vieira de Mello et de nombreux autres employés de l’Onu qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur service pour la paix dans le monde », selon le Parlement européen. Le 19 août 2003, un attentat au camion piégé contre le quartier général de l’Onu à Bagdad, qui avait coûté la vie au représentant personnel de M. Annan, Sergio Vieira de Mello, avait précipité le départ des Nations unies.
« Je suis fier d’accepter le prix en leur mémoire », a déclaré Kofi Annan, en soulignant que « comme beaucoup qui ont survécu à l’attentat, les Nations unies continuent d’en porter des blessures profondes ». « Mais notre détermination est plus forte que jamais », a-t-il ajouté. Dans l’hémicycle du Parlement européen se trouvait notamment la famille de M. Vieira de Mello, qui a été longuement ovationnée. Devant la presse, M. Annan a réitéré son intention d’envoyer une mission d’experts en Irak afin d’étudier la faisabilité d’élections, dès qu’il aura reçu des garanties de sécurité des autorités d’occupation. « Les Etats-Unis nous ont dit qu’ils nous aideraient et fourniraient une sécurité. Les arrangements sont en cours d’examen. Mon équipe partira dès qu’ils seront terminés ». L’envoi de cette équipe ne constituera aucunement « un retour de l’Onu en Irak », qui dépendra du rétablissement de la sécurité dans le pays, avait cependant indiqué mercredi M. Annan.
Mais, c’est sur un autre terrain que le secrétaire général de l’Onu a choisi d’insister: au moment où l’Union européenne va s’élargir à dix nouveaux pays le 1er mai, l’Europe doit avoir une politique d’asile et d’immigration ouverte et juste, a-t-il dit. « Le message est clair. Les immigrants ont besoin de l’Europe. Mais l’Europe a aussi besoin des immigrants », a lancé Kofi Annan, en encourageant « les Etats européens à ouvrir toutes grandes leurs portes à l’immigration légale ». « Une Europe repliée sur elle-même deviendrait plus mesquine, plus pauvre, plus faible, plus vieille aussi », a-t-il ajouté. « J’attends avec impatience le jour où l’Europe se félicitera autant de la diversité à l’intérieur des Etats qui la composent qu’elle vante la diversité entre ses Etats membres », a dit M. Annan, non sans provoquer une légère fronde dans les rangs de certains députés européens conservateurs. Interrogé sur ce mécontentement, le président du Parlement européen a tenu à signaler qu’il s’agissait d’une poignée de députés. « Vous ne pouvez pas contenter tout le monde, tout le temps », a commenté Pat Cox. M. Annan devait rencontrer dans la soirée le président chypriote Tassos Papadopoulos, puis quitter Bruxelles vendredi à l’issue d’entretiens avec les autorités belges et l’inauguration d’un nouveau centre d’information de l’Onu. Le prix Sakharov, du nom de l’ancien dissident Andreï Sakharov, est remis par le Parlement européen à des personnalités ou organisations ayant marqué de leur empreinte le combat en faveur des droits de l’Homme. L’année dernière, il avait été attribué à l’opposant cubain Oswaldo José Paya Sardinas.
• Léon Bruneau (AFP)
