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Le procès Milosevic s’enlise

Le procès qui devait reprendre lundi matin, après quatre mois d’interruption, a été ajourné sine die, au bout d’une cinquantaine de minutes de débats qui ont été essentiellement consacrés à la santé vacillante de M. Milosevic. Peu avant de clôturer l’audience, le président de la Chambre, Patrick Robinson, tout en annonçant « une révision radicale du procès à la lumière de la santé de l’accusé », a laissé entendre que le procès lui-même pourrait être mis en question : la Chambre va entreprendre « un réexamen de la procédure et de la continuation du procès », a-t-il dit.
Malgré ses traits tirés, M. Milosevic, 62 ans, est apparu aussi pugnace qu’à l’ordinaire. Sur un débit ferme et accéléré, il a martelé la litanie de ses griefs contre l’accusation et le Tribunal. S’adressant aux trois juges de la Chambre, il les a accusés sans ambages d’être à l’origine de la dégradation de sa santé: « La détérioration de mon état de santé est la conséquence de votre décision de ne pas me laisser assez de temps pour ma défense », a-t-il dit. La première phase du procès dévolue à l’accusation s’était achevée en février 2004 après 295 jours d’audience. Une seconde phase, consacrée à la défense, devait s’ouvrir lundi par une « déclaration générale » de M. Milosevic qui n’a pas eu lieu. M. Milosevic, qui depuis le début du procès ne cesse de demander aux juges plus de temps pour pouvoir lire « les centaines de milliers de pages » qui lui sont envoyées par l’accusation et préparer sa défense, a réclamé « au moins un mois » avant de faire sa déclaration inaugurale. L’ancien président serbe doit répondre de 66 chefs d’accusation pour son rôle dans les trois grands conflits qui ont déchiré l’ex-Yougoslavie (Croatie, Bosnie, Kosovo).
Au début de l’audience, le juge Robinson a lu deux rapports médicaux. Le premier indiquait que l’ancien président serbe doit « absolument prendre du repos » en raison d’une « pression sanguine extrêmement élevée ». Le second précisait qu’en période de stress, la tension s’élevait alors qu’elle retombait après quelques jours de repos au point que M. Milosevic pouvait éprouver des « vertiges ». Les juges vont donc devoir « naviguer constamment » entre ce double écueil, selon le rapport du cardiologue, et cela vraisemblablement jusqu’à la fin de ce procès fleuve dont personne ne peut prévoir la date.
Pour pallier les problèmes de santé récurrents de M. Milosevic, le substitut du procureur, Geoffrey Nice, a fait une double proposition :
– qu’un avocat soit désigné d’office à M. Milosevic de manière à alléger la pression qui s’exerce sur l’ancien président.
– qu’un lien vidéo direct soit établi entre le Tribunal et la prison du TPI où M. Milosevic est détenu, dans la banlieue de La Haye, au cas où sa santé ne lui permettrait pas de se rendre aux audiences.
M. Milosevic, qui a décidé de présenter lui-même sa défense, sans l’aide d’un avocat dans le prétoire, a catégoriquement exclu l’une et l’autre options. La balle est à présent dans le camp des juges qui doivent rendre une ordonnance sur ces questions d’ici mardi soir. Il n’est pas sûr qu’ils trouvent de bonnes solutions. « C’est une impasse. Soit Milosevic sera malade au point que le procès ne pourra plus continuer. Soit il continuera mais avec de longues interruptions, soit ils imposent un avocat d’office mais M. Milosevic refusera de collaborer avec lui », déclare une experte judiciaire Heikelina Verrijn Stuart.

• Hervé Clerc AFP

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