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Libye : L’arsenal de propagande de Kadhafi

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Télévision, SMS mais aussi courriers diplomatiques: le régime du colonel Mouammar Kadhafi use de tous les moyens pour persuader son peuple et le monde que la Libye, en crise depuis trois semaines, est en réalité la cible d’un complot médiatico-islamiste. Le vice-ministre libyen des Affaires étrangères, Khaled Kaaim, commence ainsi chaque soir sa conférence de presse par la longue liste des récriminations du gouvernement à l’égard des médias étrangers coupables, selon lui, d’une couverture partiale des événements. Dimanche, il s’est agacé que la «victoire» annoncée à l’aube par la télévision sur les rebelles de l’Est n’ait pas été rapportée à sa juste valeur à l’étranger, alors que cette région reste sous le contrôle de l’opposition, comme l’ont constaté des journalistes de l’AFP. «Nous voyons toujours des choses bizarres dans vos reportages. Tout ce que nous voulons c’est la vérité (…), c’est à vous d’être honnêtes avec vous-mêmes», a lancé le vice-ministre. Cibles principales de ces reproches, les chaînes d’information en langue arabe Al Jazeera et Al Arabia. Mais les médias occidentaux ne sont jamais épargnés. Harcelé de questions sur la «victoire» des forces gouvernementales à Ras Lanouf (Est) et Zawiyah (Ouest), M. Kaaim a finalement répliqué : «Apparemment votre interprétation de «sous contrôle» et la nôtre diffèrent». Il ensuite ajouté que l’armée avait reçu l’ordre de ne pas entrer dans les localités rebelles et de ne prendre que «des positions défensives», reconnaissant à demi-mot que le triomphe de l’armée libyenne n’en était pas un. Les journaux libyens se contentent de relayer la propagande officielle. Et les sites internet des journaux Oea et Qurina, proches de Seif Al-Islam, ne sont plus accessibles. La télévision libyenne répète en boucle la thèse d’une insurrection fomentée par Al-Qaïda, associée à un «complot colonialiste impérialiste», consolidée par les «mensonges» des médias internationaux, et mise en œuvre par des jeunes «drogués». Elle diffuse également des chansons patriotiques, des images de défilés militaires et de manifestations pro-Kadhafi. Ce mélange de discours triomphants et d’accusations ont servi dimanche à rallier les foules pour un rassemblement de soutien «spontané» à Tripoli. En réalité, rien n’avait été laissé au hasard: des milices ont distribué des milliers de casquettes à l’effigie du numéro un libyen, de l’eau et des biscuits. La thèse du complot étranger a aussi été relayé par SMS par la compagnie publique de téléphonie mobile Libyana: «Les étrangers infiltrés, Tunisiens, Égyptiens, Soudanais, détenant des passeports des pays du Golfe, ont de l’argent et des devises étrangères, et possèdent des appareils et réseaux de communication très sophistiqués». Mais ces discours ne sont pas seulement à usage interne ou réservés aux médias étrangers, dont les déplacements restent étroitement contrôlés dans les zones fidèles à Tripoli. Le chef de la diplomatie libyenne, Musa Kosa, a ainsi adressé une lettre au Conseil de sécurité de l’ONU pour dénoncer la résolution 1970 établissant des sanctions contre la Libye en raison des violences. Cette «résolution est basée sur des rapports extérieurs de la presse et des médias, au lieu d’être basée sur des informations précises, documentées et vérifiables», a-t-il souligné. Interrogé sur les preuves dont dispose la Libye à ce sujet, un responsable du ministère des Affaires étrangères a répondu à l’AFP : «Qui d’autre qu’Al Qaïda pourrait faire ça? Ce sont leurs méthodes. C’est évident».

  Antoine Lambroschini (AFP)

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