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Lutte contre la traite des êtres humains: Le Maroc veut faire plus

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Le Maroc envisage de mettre en œuvre une stratégie à long terme de lutte contre la traite des êtres humains et de lui offrir un cadre institutionnel et juridique spécifique, a-t-on appris mardi auprès d’une conférence sur les normes internationales et les bonnes pratiques dans le domaine.

Le représentant de la délégation interministérielle aux droits de l’Homme à la réunion qui a considéré que l’arsenal juridique mis en œuvre par le Maroc pour lutter contre cette forme d’exploitation des êtres humains est trop épars – différentes mesures dans des codes tout aussi différents- pour avoir l’efficacité requise, a estimé que la conférence est un espace de réflexion qui offre également l’occasion de faire un benchmark sélectif. «Nous allons nous informer des expériences des autres, nous inspirer de ce qu’ils ont de meilleur et l’adapter à nos spécificités dans la conformité des conventions internationales que nous avons signées».

Organisée à l’initiative du Centre international pour le développement de politiques migratoires (ICMPD) et de la délégation interministérielle aux droits de l’Homme, la conférence se déroule en effet avec la participation d’experts d’Italie, du Portugal et de Belgique. Elle rentre dans le cadre du programme MIEUX (Expertise migration de l’Union européenne) et est financée par l’Union européenne. L’objectif en est de «renforcer les connaissances des représentants des départements gouvernementaux, des institutions nationales et de la société civile, et de s’inspirer de certaines pratiques et expériences européennes en la matière».

Julien Frey, le chargé du projet qui a présenté la conférence comme une action entrant dans le cadre des facilités de l’Union européenne pour assister techniquement les pays tiers dans leur lutte contre le trafic des personnes, a estimé que c’est une urgence. Il a également déclaré que la tenue de la réunion est une initiative du Maroc. Il a jugé que cette action renforce l’Europe dans sa conviction que la question des droits de l’Homme est un choix et un engagement pérennes du Royaume. Il a qualifié la conférence de premier acte d’une série qui doit déboucher sur un protocole de détermination des victimes, de leur accueil, de leur orientation et de leur réinsertion sociale. Il a en outre estimé que toute approche efficiente de la question de la traite se doit d’être pluridisciplinaire en englobant aussi bien l’aspect sécuritaire, juridique que social et psychologique.

L’ambassadeur de l’UE a pour sa part considéré que la traite des êtres humains est une question grave, car c’est «l’esclavage des temps modernes». Rupert Joy qui s’est dit profondément choqué de l’affaire des trois femmes séquestrées durant 30 ans dans son pays, le Royaume-Uni, a déclaré que le fléau du trafic des humains a progressé de 18% en seulement 2 ans : de 2008 à 2010. Il a précisé que les victimes en sont à proportion de 68% des femmes, 17% des hommes, 12% des jeunes filles et 3% des garçons. Le diplomate qui s’est réjoui de la volonté du Maroc de lutter plus efficacement contre la traite a estimé que l’Europe n’en espérait pas moins du Royaume depuis qu’il a souscrit avec l’Europe à la déclaration de partenariat politique de Luxembourg. Il a conclu que ce partenariat appliqué à l’exploitation des personnes englobe la détection des victimes, leur assistance, la prévention de la traite et la sanction de ceux qui en ont été convaincus. L’assistance technique à la lutte n’est qu’un premier pas, «il est temps de réfléchir et de mettre en œuvre des meures d’appui complémentaires», a-t-il conclu.

Cet appel fait également écho à la signature le 7 juin 2013 de la déclaration politique conjointe sur le «Partenariat pour la mobilité» entre le Maroc et l’Union européenne. Ce document où les deux partenaires  s’engagent à renforcer leur coopération sur la mobilité des personnes des deux côtés de la Méditerranée, permet en outre à l’UE et au Maroc «d’entamer une coopération structurelle dans le domaine de la migration et propose une vision novatrice de la gestion des flux migratoires».

Une condition cependant à cette mise en œuvre : «Sauvegarder l’équilibre entre les mesures visant à favoriser les migrations légales, celles permettant d’améliorer les retombées positives de la migration pour le développement, et enfin celles autorisant la protection des droits des migrants et une lutte effective contre les réseaux criminels qui se rendent coupables de trafic de migrants et de traite des êtres humains».

De source proche de la conférence on indique que le programme MIEUX, financé par l’UE et mis en œuvre par ICMPD, devra permettre au Maroc de bénéficier de l’expérience de fonctionnaires d’Etat de l’UE et de bonnes pratiques, tout en renforçant son système d’identification et de protection des victimes de la traite. Une des directions de cette nouvelle vision est d’élargir le champ des réformes, de codifier les aspects non couverts par la loi et de cerner toutes les déclinaisons du trafic des êtres humains dans sa conception la plus large.

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