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Production littéraire sur le corona : Un temps de recul est nécessaire aux yeux des auteurs marocains

© D.R

«Si un événement nous a beaucoup marqués (ce qui pourrait être le cas du corona mais pas forcément), il peut trouver sa place dans une œuvre de création après avoir pris le temps de laisser ses marques. Sinon, ce ne sera pas de la création mais un documentaire».

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Ferait-il bon écrire un roman sur le Covid-19 en plein confinement ? A propos de cette question, les avis de certains écrivains marocains sont clairs. Au-delà de cette pratique de confinement, qui leur est connue tout comme d’autres de par le monde, ces auteurs semblent préférer prendre du temps quant à la production littéraire autour du coronavirus. Une démarche évidente puisque la créativité autour d’un nouveau virus est visiblement censée être doublée d’originalité voire de particularité.

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Une «profonde réflexion»

«Personnellement, je ne fonde pas mes textes de création sur l’actualité», précise Abdellah Baïda. Comme l’explicite l’auteur, un roman est le fruit d’une profonde réflexion suivie d’une construction et d’un travail d’écriture de longue haleine. «Par conséquent, si un événement nous a beaucoup marqués (ce qui pourrait être le cas du corona mais pas forcément), il peut trouver sa place dans une œuvre de création après avoir pris le temps de laisser ses marques. Sinon, ce ne sera pas de la création mais un documentaire», ajoute-t-il. Interrogé par l’occasion à propos du confinement, l’auteur indique en être adepte.

«Quelqu’un qui écrit et par conséquent qui logiquement est censé lire beaucoup doit être déjà habitué à un certain confinement. Donc, je suis tout à fait habitué à rester chez moi pour d’assez longues périodes», enchaîne-t-il. L’écrivain ne manque pas également de s’exprimer sur son travail à l’université qui lui permet largement cette mise en quarantaine car en tant que chercheur dans le domaine des lettres, les heures de cours ne sont pas énormes. «Mes occupations principales se résument donc à la lecture et à l’écriture. Et puis, il y a le quotidien qu’il faut gérer. Nous vivons une situation inédite, inimaginable il y a quelques semaines, mais il faut faire avec. Nous sommes à l’affût des informations plus que jamais, nous suivons l’évolution de la pandémie au Maroc et à l’étranger, nous essayons de deviner de quoi demain sera fait sans avoir aucune certitude. C’est vraiment une situation inédite !», enchaîne-t-il.

Sacré papier

A propos de ses formats de prédilection, l’auteur précise préférer les livres en papier en règle générale. «Heureusement j’ai un bon stock de livres chez moi (des vrais, c’est-à-dire en format papier!)…», exalte M. Baïda. Comme il est, comme il le rappelle, rentré de la Foire du livre de Bruxelles qui a eu lieu du 5 au 8 mars, c’est-à-dire juste avant le début du confinement au Maroc, il indique disposer de nouveautés à lire. «J’allais dire que ça tombe bien, mais quand je pense à toutes ces personnes emportées par la pandémie je suis obligé de reconnaître que nous passons par une sale période», avance-t-il. Pour lui, le confinement est également l’occasion de lire les «pavés» qui nécessitent beaucoup de temps. Entre autres, il vient de terminer la lecture du roman «4 3 2 1» de Paul Auster, un livre de 1214 pages.

«C’est sublime ! Et ce qui est intéressant par les temps qui courent, c’est que la lecture n’est pas trop interrompue par le quotidien, on est dans l’univers de l’écrivain, on le savoure et on y reste. Ce sont là de magnifiques moments de lecture!», s’exprime-t-il en rappelant donner la priorité à la version papier bien qu’il ait des livres en format électronique.
De son côté, l’auteur Mamoun Lahbabi abonde dans le même sens. «Je lis exclusivement les livres en format papier pour ce besoin de contact avec l’encre et la page. Tenir un livre entre les mains n’est-ce pas un premier lien avec l’histoire écrite? Je ne pense pas que l’ordinateur soit une menace pour le livre papier. Ce dernier, me semble-t-il, a encore de beaux jours devant lui. Il existe depuis la nuit des temps ; il vivra encore quelques siècles», raconte-t-il.

«Adaptation aux contraintes légitimes»

A propos du confinement, M. Lahbabi indique : «On s’adapte facilement aux contraintes dès lors qu’elles sont légitimes. Le confinement l’est totalement, et son respect répond autant à une exigence individuelle que collective». Pour lui, le confinement n’est pas un enfermement mais une action concrète pour vaincre la propagation de la maladie. «Je crois que chacun parvient à inventer le mode de vie lui permettant de surmonter cette période. Pour ma part, et je ne vous dis là aucune originalité, ma journée est répartie entre lecture, films… et un peu écriture», confie-t-il. L’écrivain livre aussi des regards sur un autre sentiment. «Si la souffrance peut être une source d’inspiration, un drame collectif est une inhibition. Comment ne pas souffrir de la douleur des autres?», exalte-t-il. Quant à la créativité, il croit que pour «toutes choses, il est nécessaire d’avoir un temps de recul qui permet d’observer à froid les événements vécus dans la tourmente». «Témoigner du réel exige une réflexion qui ne peut advenir dans la précipitation. La presse a pour rôle de rapporter le quotidien, l’écrivain celui de le raconter. Le premier est sur le vif, le second sur la patience et la durée», tranche-t-il.

Un rituel qui s’installe

Pour sa part, l’auteure Fatiha Elgalai indique passer ses journées de confinement selon «un petit rituel qui s’est installé avec le temps». «Le matin, j’écoute la radio en prenant mon petit déjeuner, pour avoir les dernières infos. Ensuite, je vaque à quelques occupations classiques du foyer», confie-t-elle. Quant aux formats des livres qu’elle lit, l’écrivaine ne privilégie que le format papier. «Je suis en ce moment sur Haruki Murakami, par exemple», illustre-t-elle.
En après-midi, Mme Elgalai peint généralement un peu. «Il m’arrive aussi de tricoter pour me délasser et en même temps pour faire autre chose (comme regarder une émission TV ou autre). J’essaie aussi de voir des films non angoissants», raconte-t-elle. Concernant la créativité à propos du corona, elle a le même avis que d’autres. «Personnellement je ne pense pas que ce soit une bonne chose de créer à partir du corona actuellement. C’est déjà assez lugubre, il me semble inutile d’en rajouter. Certes, on peut prendre conscience de beaucoup de choses grâce ou à cause de ce virus, qui nous pousse à réfléchir énormément, mais créer en partant de là, est-ce vraiment le moment et le bon moyen de s’évader ? Je pense qu’il faudrait essayer de s’évader autrement, pour le moment. Mais libre à chacun de s’inspirer où il veut», conclut-elle.

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