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Quand l’agriculture marocaine devient un terrain d’innovation digitale

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Le secteur est l’un des grands consommateurs de technologie

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Aujourd’hui recevoir sur son mobile des informations actualisées chaque seconde et qui sont liées à la température, la pluviométrie et les données vent n’est plus un luxe. Ces avancées agronomiques et technologies font du métier d’agriculteur un métier développé au service de la société et du territoire.

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L’agriculture marocaine est l’un des grands consommateurs de technologie, allant de la technologie à large utilisation à des technologies de pointe, et qui jettent les bases d’une agriculture de précision qui s’appuie sur une information objective et répétitive à haute fréquence pour appréhender les changements, et par l’occasion assurer une forte compression du temps.

Le digital facilite le quotidien des agriculteurs marocains, il est au centre des solutions adoptées par ces derniers, surtout qu’il démocratise l’accès aux nouvelles technologies, et rendre ceux-ci plus compétitifs sur le même pied d’égalité.

Ce processus de digitalisation en cours vient en réponse aux demandes des agriculteurs qui ont aujourd’hui besoin de données en temps réel pour avoir une vision de leur exploitation à court, à moyen et long termes avec des chiffres précis.

Cette composante de l’agriculture moderne représente un gisement d’information important pour l’agriculteur et l’un des piliers de la vision «Al Jayl Al Akhdar» 2020-2030 lancée officiellement par le Souverain le mois de février dernier à Agadir qui décline la stratégie de modernisation du secteur agricole marocain, en ouvrant de vastes chantiers pour faire de ce pilier de l’économie marocaine un secteur attractif pour les jeunes et pour les investisseurs en lui donnant un nouvel élan pour produire mieux avec moins de ressources.

Pour plusieurs spécialistes l’agriculture connectée n’est plus une tendance, mais une réalité concrète. Les agriculteurs s’adaptent de plus en plus et changent de culture. Dans ce sens, l’agriculture est devenue un terrain d’innovation permanente pour les jeunes pour travailler différentes thématiques que ce soit de la robotique, bio-contrôle, caméra d’analyse, la conservation du sol, et ce grâce à des algorithmes informatiques et automatisés, et qui sont accessibles en temps réel via des applications et smartphones.

Aujourd’hui recevoir sur son mobile des informations actualisées chaque seconde et qui sont liées à la température, la pluviométrie et les données vent n’est plus un luxe. Ces avancées agronomiques et technologies font du métier d’agriculteur un métier développé au service de la société et du territoire.

Le digital peut être utilisé en amont au niveau des ressources, intrants, semences, fertilisants, engrais et pesticides.

Des centaines d’applications ont fleuri ces derniers temps permettant d’effectuer des recherches par rapport à des problématiques précises ou des maladies et également de maîtriser la chaîne logistique amont depuis le producteur d’engrais jusqu’à l’agriculteur, et aussi ultérieurement à la production via des softwares et les applications de gestion agricole qui couvrent les volets technique et économique.

Le numérique peut également être utilisé en tant que technologie accompagnatrice à travers les objets connectés et des capteurs posés au sol, et qui existaient déjà auparavant avec les stations météo. Ceux-ci permettent de faire des analyses assez intéressantes.

Ces capteurs spécialisés dans le domaine agricole obtiennent l’information directement du sol ou de la plante et donnent par la suite de la visibilité pour prendre la bonne décision.

Selon Saïd Aboulharjan, directeur commercial Visio-Green Africa, une société spécialisée dans l’Internet des objets basée à Ait Melloul, «l’Internet est très présent dans notre mode de vie quotidien parce que tout le monde est connecté et donne une importante valeur ajoutée en assurant des informations réelles sur son smartphone ou application qui permettent de remonter ces détails et qui sont transférées directement via des applications mobiles. Aujourd’hui il y a une forte demande sur l’Internet des objets dans le secteur agricole et qui permet de gagner du temps et de prendre des décisions sur la base de données réelles. Et je pense que le digital est vraiment l’avenir, notamment avec ce qu’on appelle la blockchain, le big data…».

Ce passage d’une culture et de pratiques traditionnelles vers une agriculture de précision et raisonnée, qui optimise les rendements tout en apportant un traitement adapté à chaque zone, se manifeste également par le recours aux drones.

Dans ce sens, depuis quelques années, plusieurs entreprises marocaines se sont spécialisées dans la nouvelle technologie de l’usage des drones dans l’agriculture en lui indiquant l’altitude à laquelle il doit survoler et la précision souhaitée. Celui-ci photographie la parcelle choisie pendant quelques minutes.

A travers cette technologie, les agriculteurs peuvent apporter régulièrement les engrais chimiques qui stimulent la croissance de la plante sur leurs cultures, selon des paramètres plus au moins précis et peuvent également faire une estimation de la récolte, et détecter les ravageurs et maladies. Aujourd’hui grâce à l’usage des drones il est possible de savoir quelle dose apporter, éviter de surcharger le sol, et optimiser ses dépenses tout en obtenant une meilleure qualité. Il représente l’un des éléments les plus emblématiques de l’agriculture de demain, surtout que c’est un outil facile à utiliser pour mieux gérer la conduite technique.

Ce boom technologique se voit également à travers le big data et l’intelligence artificielle pour analyser les données et construire avec de la connaissance pour pouvoir prendre une décision, ainsi que l’usage du tracteur automatique, qui permet de gagner beaucoup de temps et offre une solution de guidage au  millimètre près pour la gestion parcellaire.

Ces technologies peuvent également être utilisées en aval pour réduire le nombre d’intermédiaires dans la chaîne de valeur, notamment pour vendre les produits agricoles de manière directe à travers les «Markect Place», ainsi que les blockchains qui sont très utiles en matière de traçabilité alimentaire tout au long de la chaîne de production et de transformation jusqu’au consommateur. A cela s’ajoutent la robotisation et l’impression 3D, la géolocalisation et la biométrie.

Au niveau de la région du Souss-Massa, l’Association agrotechnologies du  Souss-Massa (Agrotech) a été l’un des pionniers régionaux en matière de digitalisation agricole avec le lancement en 2008 de la smart irrigation ou l’irrigation intelligente. 

«Notre système d’irrigation intelligente a été une première à l’époque, ce système continue à se développer jusqu’à présent. Il a été amélioré ces dernières années, notamment en 2019, en donnant aux agriculteurs les informations reçues sur le système la veille. Un nouvel algorithme a également été développé par Agrotech qui permet de faire des prévisions de trois jours, voire une semaine pour permettre à l’agriculteur de mieux se préparer s’il y a des conditions particulières qui arrivent compte tenu des changements climatiques», explique Dr Thami Benhalima, directeur d’Agrotech.

Et de poursuivre qu’«avec le digital on peut également faire la veille phytosanitaire, c’est-à-dire les avertissements agricoles. En effet, le développement des maladies dans l’agriculture et des ravageurs sont liés aux conditions climatiques, alors qu’en connaissant ces dernières d’avance on peut prévenir certaines maladies, et les agriculteurs pourraient mieux se préparer pour les accueillir et faire moins de traitement phytosanitaire et donc une meilleure gestion d’une façon générale».

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«Aujourd’hui la donnée est le nouveau fertilisant»

Questions à Mouhsine Lakhdissi, directeur associé Agridata Consulting

ALM : Quel est l’apport du digital pour l’agriculture marocaine ?

Mouhsine Lakhdissi : Le digital est aujourd’hui une opportunité importante pour l’agriculture marocaine et qui est un domaine très variable qui dépend de beaucoup de paramètres : climatiques, conduite technique, semences, l’utilisation des pesticides. Pour mieux les maîtriser et pour mieux prendre des décisions au bon moment c’est important de pouvoir disposer de l’information et de l’analyser et de pouvoir la stocker, d’où l’intérêt du digital pour l’agriculture. Il faut noter qu’on parle de la donnée comme étant le nouveau fertilisant, donc c’est quelque chose qui va apporter une meilleure productivité et qui va assurer une meilleure qualité de la production tout en respectant l’environnement.

Quels sont les profils demandés sur le marché du travail pour accompagner cet engouement pour le digital dans l’agriculture ?

Aujourd’hui au niveau des profils demandés dans l’agriculture il y a les profils classiques : techniciens agricoles et ingénieurs aussi bien dans le domaine végétal qu’animal, mais on a besoin de plus en plus des personnes qui peuvent manipuler la donnée. On voit que plusieurs entreprises agricoles convertissent les personnes qui travaillent déjà dans la data science et l’analyse poussée de la donnée. Le volet donnée devient de plus en plus important aussi bien pour analyser l’historique des campagnes que pour pouvoir avoir des prévisions précises en termes d’estimation de récolte et de la qualité de la production.

Quid des retombées de la digitalisation sur l’agriculture ?

Il y a trois types de retombées : la première concerne la productivité, bien entendu si on va utiliser les données et si on les capte directement, l’un des objectifs c’est d’améliorer la rentabilité, par exemple des solutions portant sur le travail des ouvriers agricoles pour avoir une meilleure visibilité sur ce qui se fait sur le terrain,  et améliorer la façon de faire.

Le deuxième volet c’est l’optimisation des coûts, à travers une comptabilité analytique sur tout ce qui se fait au niveau des champs, et les différents coûts et comment les optimiser. Par exemple en réduisant la consommation d’eau, ce qui est un élément majeur vu que notre pays souffre d’un stress hydrique, et également en termes de consommation d’engrais, et bien sûr l’ensemble des rubriques des coûts comme les équipements et l’utilisation de la main-d’œuvre.

Le troisième volet c’est l’amélioration de la qualité avec un respect de l’environnement, notamment les principaux éléments de la qualité qui vont permettre de respecter les qualités des produits à l’export et aussi la qualité en termes de minimisation de l’utilisation des pesticides.

Ces trois facteurs peuvent être impactés par la digitalisation. Si on dispose de l’information au bon moment cela permet d’agir et en conséquence pouvoir tirer le maximum de profit des actions qui se font sur le terrain. La digitalisation c’est d’abord une opportunité pour rendre l’agriculture plus attractive, notamment pour les jeunes générations et donc aujourd’hui il y a beaucoup de jeunes de fils d’agriculteurs qui ne veulent pas travailler dans l’agriculture parce que c’est considéré comme un domaine un peu archaïque, la digitalisation peut être un moyen pour faire revenir ces gens-là sur le terrain, mais c’est aussi une source d’emploi parce que aujourd’hui les acteurs qui travaillent dans la digitalisation de  l’agriculture favorisent la création de l’emploi. On peut dire que c’est l’emploi qui est transformé, on passe d’un emploi basique à un emploi plus qualifié à travers des outils digitaux, ce qui nécessite des personnes pour les développer et les maintenir, et pour les exploiter et les manipuler.

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