Il n’arrive pas à fixer du regard cette vieille femme qui se tient devant lui, à la salle d’audience de la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca.
Quant à elle, elle n’arrive à se tenir debout que difficilement. Âgée de soixante-douze ans, elle est diabétique et souffre d’autres maladies. En fait elle n’a jamais imaginé se trouver là devant des magistrats, a-t-elle déclaré au président de la Cour, de surcroît pour avoir été violée. Elle était chez elle, la nuit, lorsqu’elle a entendu du bruit. Elle occupait toute seule deux chambres au rez-de-chaussée d’une maison R+1. Ses deux filles sont mariées et habitent loin d’elle. D’abord, elle y demeure depuis plus d’une quarantaine d’années. Elle considérait, comme elle a déclaré devant la Cour, tous les jeunes du quartier comme ses fils. Ils ont tous grandi devant ses regards.
Elle n’a pas quitté son lit lorsqu’elle a entendu du bruit parce qu’elle était certaine que personne n’oserait lui faire du mal. Car, tout le monde la respectait. Soudain un jeune homme se tient devant elle. En fait, elle ne remarque, au départ, que son ombre. Mais, en allumant une lampe, elle le regarde, œil dans l’œil. Elle le connaît parfaitement. C’est le fils des voisins du quartier. Armé d’un couteau, il lui demande de ne pas pousser un cri. Elle le supplie de ne pas lui faire du mal et de prendre ce qu’il veut. Mais ce n’est pas ce que cherchait le vaurien. Bref il l’a obligée à lui céder puis il est parti comme si de rien n’était.
Quant au jeune homme, âgé de vingt-sept ans, repris de justice, il précise à la Cour qu’il ne se souvient pas de ce qu’il a commis contre sa voisine et qu’il était sous l’effet de la drogue. Un prétexte qui ne vaut rien juridiquement. La Cour l’a ainsi jugé coupable et condamné à dix ans de réclusion criminelle.
