Abou Hafs lance un appel

Mohamed Rafiki alias Abou Hafs, l’un des fameux détenus de la Salafiya Jihadia, a rendu public un long communiqué qui est passé presque inaperçu. Hormis sa publication sur les colonnes du quotidien islamiste Attajdid, il n’a suscité aucun débat.
Pourtant, le texte mérite d’être étudié, analysé, vu les multiples messages qu’il véhicule surtout si l’on tient compte du contexte dans lequel il a été rendu public.
Mohamed Abou Hafs commence par démentir son appartenance à l’idéologie takfiriste qu’il renie catégoriquement et sans ambiguïté. «J’ai grandi et j’ai été éduqué dans cette société où j’ai étudié et obtenu mes diplômes supérieurs ; j’ai fait mes prières et j’ai prêché dans ses mosquées (…) ses gens sont ma famille, mes amis, mes connaissances et j’ai des relations avec des musulmans pratiquants et non pratiquants, sans oublier que j’ai tous mes papiers officiels et que j’ai toujours condamné, avant et après mon incarcération, l’extrémisme des kharijites égarés qui iront en enfer. Comment peut-on alors m’accuser d’être un takfiriste ?», indique Abou Hafs, avant d’ajouter : «Je préfère la mort à ce que l’on m’accuse de vouloir excommunier les musulmans et leurs sociétés». Une fois la question de l’appartenance idéologique clarifiée, M. Abou Hafs lance un message à l’adresse de tous les érudits du Royaume. «Comment pourrais-je refuser de recevoir les oulémas, moi qui me suis engagé à ne pas dévier de leur chemin, car ils sont mes maîtres, mes imams.», a-t-il précisé. Ce passage du communiqué est très significatif du moment qu’il donne la primauté morale et religieuse aux oulémas de la nation.
Dans ce communiqué, qui n’est pas une manœuvre pour obtenir une grâce ou une réduction de peine, selon son auteur, il y a une certaine volonté de remise en cause de certaines prises de positions. «La prison m’a offert un espace de réflexion et de méditation (…) ce qui m’a permis de réviser plusieurs questions relatives aux principes fondamentaux (…) et je n’éprouve aucune gêne en révisant des positions que j’ai prises car la vérité, pour moi, est plus importante», avoue-t-il.
Ce «manifeste» peut être considéré sous deux angles différents. On peut dire qu’il s’agit juste d’une «ruse» de guerre qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie des islamistes qui consiste à se replier quand «l’adversaire est plus fort» qu’ils appellent dans leur littérature Attakia. Cette lecture peut être limitée puiqu’elle ferme d’emblée, et par principe, la porte.
Mais, en revanche, on peut considérer que c’est un appel sincère, et envisager de permettre à nos imams de parler à M.Abou Hafs qui fait là une requête légitime, à savoir celle de lui permettre de se faire éclairer judicieusement par les oulémas de la nation. Si Abous Hafs est sincère, de la discussion jaillira, donc, la lumière. Soit il ne l’est pas et on le saura assez vite — auquel cas on n’aura rien perdu.