Elisabeth Badinter : « l’homme n’est pas un ennemi à abattre »

Depuis une quinzaine d’années, "le féminisme dérive d’une façon qui me choque. Aveuglé par ses bons sentiments (…), il est en train de redonner vie aux stéréotypes préféministes les plus éculés", dit cette militante féministe de la première heure. Selon elle, l’image de la femme du XXIe siècle est celle d’une "femme terrorisée et qui, dit-on, aurait toutes les raisons de l’être, une femme battue et maltraitée par l’homme, une femme-enfant irresponsable". "On se complaît dans l’idée que l’homme est toujours et partout un oppresseur et un tyran, incapable d’évoluer. Je trouve cette généralisation mensongère et contre-productive. La lutte contre les abus masculins sera d’autant plus efficace que les féministes s’interdiront les fantasmes pour rester au plus près de la vérité", poursuit-elle. "L’objectif de l’égalité des sexes doit être poursuivi avec l’assentiment des hommes (…). Sans quoi, c’est la guerre des sexes, dont personne ne veut", assure-t-elle en estimant que "c’est l’esprit du féminisme radical américain qui est en train de l’emporter". Elisabeth Badinter critique la modification du texte de loi sur le harcèlement sexuel, qui doit être appliquée en 2005 : "à chaque loi, on construit des barrières un peu plus élevées entre les sexes", regrette-t-elle à propos de ce texte "monstrueux". "Lorsque tous les médias répètent que 10% des Françaises sont objets de violences conjugales, sans plus de précision, le public, et certains journalistes, traduisent aussitôt : 10% des Françaises sont des femmes battues. Ce qui est faux, archi-faux", fait-elle valoir. Ce chiffre provient de l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff), une première du genre, publiée en janvier 2001 et reprise en mai prochain sous forme de livre par La Documentation française. Dans son prochain numéro, la revue Les Temps Modernes critique cette étude, coupable, selon les auteurs de l’article, d’avoir été menée de manière idéologique.