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Mohammed Lahlou : «Il va falloir réformer pour sauver le secteur»

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Entretien avec Mohammed Lahlou, président du pôle immobilier du Club des dirigeants-Maroc et DG de l’Agence Carrefour Sakane

ALM : Tout d’abord, comment se porte le marché immobilier après une année plombée par la crise sanitaire ?

Mohammed Lahlou : D’après les échos du marché, l’immobilier connaît véritablement une conjoncture très difficile. Cette crise est venue aggraver les difficultés que connaissait le secteur auparavant. Il souffrait depuis longtemps et cette pandémie est venue remuer le couteau dans la plaie. Je ne vais pas rentrer dans les détails pour donner les raisons ayant abouti à cette situation mais ce que j’ai à dire c’est que pour poser le bon diagnostic, il faut absolument que les pouvoirs publics nous donnent des chiffres exacts qui reflètent les véritables tendances du marché. Il faut nous préciser le nombre de transactions par produit (résidentiel, terrains, locaux commerciaux…) et comparer. Nous n’avons cessé de le demander mais rien ne s’est fait à ce niveau. Pour résumer, la crise est installée maintenant, il va falloir réformer pour sauver le secteur.

Comment justifiez-vous les hausses des ventes observées depuis la levée des restrictions ?

Il faut rappeler tout d’abord que tout au long du confinement, ayant démarré vers la mi-mars 2020, il y avait un gel d’activité au niveau de l’immobilier, et de facto, des affaires en instance. Ainsi, les chantiers de construction ont été suspendus, les compromis de vente et les demandes de financement ont été temporairement bloqués. Une fois les restrictions levées, le marché a repris là où il s’est arrêté. Donc, si on observe une évolution, elle reflète la reprise des projets et actes qui étaient en attente depuis le déclenchement de la crise sanitaire. La confiance ne règne pas pour le moment. Les opérateurs n’ont pas de visibilité. A peine, écoulent-ils les affaires qui étaient en cours.

Qu’en est-il des particuliers ?

Il est évident qu’ils sont en quête d’opportunités d’achat. Certes, les prix ont légèrement baissé, mais il faut voir ce qu’il y a derrière. Plusieurs barrières sont à lever pour dynamiser le marché. On a commencé à sentir un engouement avec l’instauration d’incitations fiscales, notamment l’exonération et la réduction de 50% des droits d’enregistrement relatifs à l’acquisition d’un bien immobilier. Mais cela ne semble pas durer. Ces mesures ont pris fin en juin. Chose qui va freiner encore l’activité. Il faut revoir toute la politique du secteur allant des réformes fiscales au financement.

Qu’est-ce que vous préconisez dans ce sens ?

Pour que les promoteurs puissent écouler leur stock, qui est très important, notamment au niveau de Bouskoura, Dar Bouaaza, et Bouznika, il faut que les banques suivent aussi. Il faut revoir les taux d’intérêt qui ne sont pas vraiment adaptés à l’acquéreur. Ils s’inscrivent toujours en hausse par rapport à ce qui s’applique dans d’autres pays, et ce malgré la baisse du taux directeur à 1,5 %. Les contraintes persistent toujours. Tant qu’il n’y a pas de réforme, on ne peut relancer le secteur qui emploie tout de même plus d’1 million de personnes.

Vous avez parlé de stock important au niveau de certaines localités, comment les différentes régions réagissent-elles à cette conjoncture ?

La situation est difficile surtout dans des régions telles que Fès, Agadir et Marrakech. Les promoteurs ne vendent pas même après avoir bradé les prix. Ils sont vraiment en difficulté. Le seul avantage qui joue en leur faveur c’est qu’ils ne sont pas endettés. Dans certaines régions, les promoteurs continuent de recourir à leurs fonds propres pour financer les projets. C’est un atout. Je vous laisse imaginer la situation au niveau de l’axe Casablanca-Rabat-Tanger qui centralise l’essentiel de l’activité. C’est encore pire !

Quelle est la meilleure alternative pour booster le secteur et rétablir la confiance à ce niveau ?

L’orientation étant de promouvoir le marché locatif. C’est ce qui marche plus au moins. Les acquéreurs potentiels n’ont pas d’apport personnel pour acheter d’autant plus que les banques ne financent plus la totalité du bien. Il y a tout un système qui n’avantage ni l’acquéreur ni les promoteurs. L’heure étant de donner confiance aux propriétaires pour qu’ils puissent louer à travers des incitations telles que la mise en place d’une assurance sur les loyers impayés. Personnellement, je n’ai cessé de recommander ce produit. En promulguant un cadre juridique autorisant la mise en place d’un tel produit assuranciel on pourra peut-être booster le marché de la location et redonner confiance aux propriétaires.

N’est-il pas temps également de reconfigurer le logement destiné à la classe moyenne ?

Pour encourager ce type de logement, il faut tout d’abord mettre en place des incitations fiscales encourageant l’acquisition du foncier, notamment la baisse des droits d’enregistrement. Il faut trouver un moyen pour que les promoteurs achètent un terrain tout en minimisant le coût. Il faut que l’État intervienne dans ce secteur pour permettre au promoteur d’optimiser ses dépenses et donner aux futurs acquéreurs un nouveau souffle pour concrétiser leur acte d’achat.

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