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Opération Boudiaf (2)

© D.R

L’appui de Kasdi Merbah était de taille, surtout qu’il était (sans nul doute) l’un des rares hommes les mieux informés de la réalité algérienne; il connaissait à ce titre, les vrais ennemis au pouvoir, et pour les combattre il avait besoin d’un president comme Boudiaf pour le soutenir. Merbah fut loin dans ses contacts, même auprès de Toufik, (cet ancien sous-lieutenant qui travaillait a la Sécurité d’armée (SA) quand Merbah était chef de la SM); il avait réussi à lui arracher une promesse d’aide (une impartialité des services face aux changements que le president voulait entreprendre) pour sortir le pays de la crise. Jouer double jeu pour Toufik était une nécessité: son poste à l’époque était très prisé par des jaloux redoutablement dangereux, et s’assurer des faits et gestes de Boudiaf lui donnait une longueur d’avance.
Au moment où l’affaire Belloucif était sur le point d’être rejugée, le général Toufik lança en pâture à la presse nationale l’affaire Hadj Betou (déjà connu par les services de sécurité pour ses trafics avec les pays du Sud depuis bien longtemps) pour faire diversion, mais Hadj Betou n’était en fait qu’un maillon d’une chaîne qui remontait jusqu’au général Larbi Belkheir.
La réouverture de l’affaire Belloucif avec ses différentes extensions allait amener à la barre: Chadli Bendjedid, Larbi Belkheir et bien d’autres âmes de l’ombre qui étaient encore plus coupables que Belloucif. Si juger Belloucif pour un détournement dont le montant était banal en apparence (par rapport aux détournements des autres), cela allait entraîner aussi le jugement de Chadli et surtout de Larbi Belkheir pour haute trahison vu la vraie nature des faits liés à cette affaire. En réalité tout avait commencé par un projet de couverture-radar de tout le territoire algérien présenté par Larbi Belkheir pour le compte du gouvernement français.
Le projet avait été refusé par Mustapha Belloucif alors secrétaire général du MDN et aussi par bon nombre d’officiers supérieurs, à cause de son coût prohibitif (le montant total de l’époque dépassait les 4 milliards de francs nouveaux), ce contrat était surtout lourd de conséquences pour le développement du pays et allait aussi mettre tout le système de défense aérienne sous tutelle française, c’était la raison pour laquelle Beloucif avait refuse de l’adopter malgré les grandes pressions exercées par Larbi Belkheir et Chadli pour la signature de ce projet (comble du destin, le général corps armée Mohamed Lamari  signa un contrat similaire en 1995, avec le gouvernement français bien sûr, sauf que cette fois-ci la facture était plus lourde).
Suite à son refus, Belloucif fut officiellement limogé par Chadli pour corruption et mauvaise gestion. Les preuves de son inculpation furent offertes a Larbi Belkheir par ses amis français (détails du compte bancaire parisien de Belloucif, des vidéos compromettantes le montrant avec des agents féminins des services français d’origine libanaise et autres détails sur le fonctionnement d’une fameuse clinique à Neuilly de laquelle il tirait de grands bénéfices). Face à cette politique de la compromission et du déshonneur Belloucif ne pouvait rien faire pour se défendre et devait encaisser sans pouvoir riposter. En réalité Belloucif a été descendu par les services français. Paris ne voulait surtout pas de ce procès qui allait mettre à nu les relations qu’entretenait Larbi Belkheir avec les autorités françaises pendant son exercice de la fonction de chef de cabinet du president Chadli (Jacques Attali: intime du président français de l’époque François Mitterrand était le contact direct de Belkheir et son guide en matière de politique française en Algérie) et Boudiaf dans sa grande naïveté n’était pas au courant des tenants et aboutissants de cette affaire qu’il tenait tellement à déterrer et à rendre publique dans ses moindres détails. Des fautes, Boudiaf en avait commises, mais bien des fois, il n’avait guère le choix. “L’Algérie avant tout” était son principe et son symbole, mais ce n’était certainement pas celui des décideurs en Algérie. La rue algérienne demandait des comptes et réclamait encore justice pour les victimes d’octobre 88; Boudiaf le savait et c’est cette justice qui était finalement le luxe le plus difficile à obtenir. Mais Boudiaf ne désarmait pas; il chargea des proches qui partageaient ses idées d’une mission “impossible”: mettre un plan pour nettoyer le pouvoir de toutes les personnes corrompues et juger les coupables publiquement, et ce fut encore une fois grâce à l’aide de Kasdi Merbah qui avait présenté à Boudiaf un dossier faramineux de plus de trois cents pages sur les activités de certains éléments au pouvoir que cela allait pouvoir se réaliser.
Merbah avait même recommandé certains officiers du service pour entreprendre cette grande opération de nettoyage. Boudiaf avait pu ainsi choisir comme chef de mission un officier supérieur des services de la DRS, (un proche de Merbah, ami personnel du général Saidi Fodil et un révolutionnaire de la première heure), cette personne était en l’occurrence le colonel Mourad, célèbre dans le milieu de la DRS pour le traitement des affaires les plus sensibles du service.
Le colonel Mourad présenta au président un rapport préliminaire donnant un aperçu de l’étendue des dégâts de la corruption et de l’influence de la mafia "politico-financiere" en Algérie et un complément d’informations au dossier de Merbah en plus d’un plan d’action détaillé auquel devait s’ajouter les preuves détenues par Merbah (amassées au cours de ses dix-huit années de service). Boudiaf avait ainsi des noms et savait pertinemment que le salut de l’Algérie ne pouvait venir qu’en montrant du doigt les vrais responsables du mal algérien afin de rétablir cette confiance  perdue entre le peuple et ses gouverneurs. Mais cela se devait d’être fait dans les règles, c’est à dire par les moyens que lui offraient la loi et la constitution, il ne voulait surtout pas recourir aux méthodes basses.
Sachant que les personnes mises en cause possédaient des comptes bien garnis à l’étranger surtout en Suisse et en France particulièrement où l’argent partait dans des circuits de blanchiment et se transformait en biens immobiliers essentiellement. Le montant approximatif de cet argent était faramineux (environ 65 milliards de dollars s’étaient évaporés en 12 ans, avec les prêts bancaires ajoutés). Le colonel Mourad fut chargé par Boudiaf de faire des investigations sur ces détournements et voir la possibilité de récupérer au moins une partie de cet argent.

A lire aussi : Opération Boudiaf (1)

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