Economie

Conjoncture internationale : L’Afrique du Sud face à un apartheid des salaires

L’Afrique du Sud a pu abolir du jour au lendemain les lois ségrégationnistes du régime d’apartheid mais tarde à franchir le pas en matière de salaires, en raison d’un système éducatif qui privilégie toujours les Blancs. Quatorze ans après les premières élections multiraciales, les Sud-Africains blancs gagnent en moyenne cinq fois plus que leurs concitoyens noirs ou de race mixte, révèle une étude dont la publication, il y a quelques jours, a secoué la «Nation arc-en-ciel». Les salaires des Blancs sont supérieurs de 450% à ceux des Noirs, et de 400% à ceux des «Coloured» (métis). «Il a été facile d’abolir du jour au lendemain l’interdiction faite aux Noirs de se rendre sur certaines plages, mais l’héritage en termes d’éducation est beaucoup plus lourd», souligne l’économiste Mike Schussler, auteur de l’étude. «Le système d’éducation actuel n’a pas su corriger cet héritage, ce qui signifie que les problèmes que nous connaissons aujourd’hui vont continuer de se reproduire», ajoute-t-il. Sous l’apartheid, les Blancs avaient accès à des écoles et des universités de niveau international, rappelle Marius Roodt, chercheur à l’Institut sud-africain sur les relations entre les races. La majorité noire, elle, «était considérée comme indigne d’une éducation. Ce n’est pas une situation qui peut être rectifiée en 14 ans». Pourtant, les ressources de la première économie du continent sont également réparties entre les établissements, quel que soit leur passé racial, considère Servaas Van der Berg, économiste de l’université de Stellenbosh. «La différence aujourd’hui, assène-t-il, réside dans la lamentable performance des écoles historiquement noires». Un échec selon lui attribuable en partie à la médiocrité des enseignants nommés dans les townships, les quartiers pauvres issus de la ségrégation, ainsi que dans les zones rurales, mais aussi à un contexte social moins favorable à la poursuite d’études. «Nous investissons beaucoup dans l’éducation mais nous sommes loin d’obtenir les résultats dont nous avons besoin», acquiesce Schussler.
Le fossé entre les salaires tient également à la concentration des Blancs dans les villes, où les emplois qualifiés sont plus nombreux, tandis que les Noirs habitent en majorité dans les campagnes, reprend Van der Berg. Là encore, dit-il, «il s’agit d’un héritage de l’apartheid, lorsque les Noirs étaient jugés inutiles dans les villes d’où ils étaient chassés vers les homelands», les régions rurales attribuées arbitrairement aux différentes ethnies africaines. Enfin, continue l’économiste, la disparité dans l’espérance de vie entre les races renforce le grand écart des salaires: les Blancs vivent plus vieux, donc deviennent plus riches que la moyenne de la population. Une des études les plus complètes sur le marché du travail dans l’Afrique du Sud post-apartheid, réalisée en 2006 par Rulof Burger et Rachel Jafta, concluait déjà que la différence de revenus n’était plus le résultat d’une discrimination raciale mais celui du niveau d’études. En moyenne, un salarié blanc est allé à l’école pendant 12,6 années, contre 8,8 pour les Noirs, souligne Burger, interrogé par l’AFP. Aussi la politique de discrimination positive menée par le gouvernement a-t-elle pu réduire la différence en haut de l’échelle, mais elle n’a eu «aucun impact sur le fossé racial à l’emploi». Le taux de chômage, de quelque 40% à l’échelle nationale, est cinq fois supérieur à celui des Blancs dans la communauté noire.

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