Economie

«Sauvegarder l’espace politique de l’Etat»

ALM : Dans un cadre économique global régi par une mondialisation de plus en plus pressante et qui consacre les disparités économiques et sociales entre le Nord et le Sud, quelle pourrait être la marge de manoeuvre des pays en voie de développement à même de leur permettre d’atteindre le développement économique et social tant convoité ?
Reinaldo Figueredo : Le mot clé serait pour moi l’espace politique. Je veux dire par là l’établissement par un Etat donné d’une politique d’échanges commerciaux et d’investissements et qui saurait mettre en valeur d’abord ses atouts et ressources. C’est cela qui permettrait aux pays en voie de développement d’entrer en force dans les mille et un cycles de négociations en cours à l’échelle régionale et mondiale. Un cycle de négociations n’est pas forcément une opportunité de développement pour ces pays, bien au contraire. Dans la déclaration ministérielle de Doha, qui entre dans le cadre des négociations de l’OMC, les intérêts des pays en voie de développement se sont résumés à deux points essentiels : le traitement spécifique et différencié qui tient compte de l’applicabilité, ou non, de certaines dispositions par certain pays et la capacité de ces derniers à mettre en oeuvre une réglementation pour y parvenir. Mais plus qu’à une simple volonté de faire mieux, l’Etat doit répondre à une obligation de résultats en vue d’une éventuelle coopération avec d’autres pays. Prenons un secteur vital pour une économie en développement comme l’agriculture. L’on ne peut pas défier une politique aussi défensive que celle de l’U.E -la politique européenne commune avec une agriculture sous-développée, des produits de moindre qualité et/ou d’un coût plus élevé. L’on ne peut pas non plus résoudre le problème à travers des accords bilatéraux qui, par définition, sont limités. Dans un cas comme dans l’autre, les concessions qu’un pays en développement doit accepter pourraient nuire à son programme de développement.
Quelle est justement l’approche à adopter par un pays en voie de développement afin d’assurer une transition sans dégâts de son économie?
La compartimentalisation. Une stratégie de développement doit, pour tout pays, être horizontale, sectorielle . Ceci, en améliorant sa compétitivité sur le marché mondial par l’intermédiaire d’entreprises qui fournissent un produit de haute qualité à un coût raisonnable, tout en tirant parti des relations de longue durée avec les fournisseurs et les clients. Les PME ont un grand rôle à jouer dans ce domaine, au moyen d’un groupement sectoriel qui permettra des synergies au niveau de la production, de la logistique et de la formation. Les PME sont également amenées à développer leurs relations avec les sociétés transnationales afin de remonter la chaîne des valeurs. Mais encore faut-il savoir corriger les asymétries qui peuvent exister entre les différents pays. Un poids plume ne deviendra jamais un poids lourd. D’où le besoin de commencer par une coopération complémentaire et équitable avec des pays de la même catégorie économique.
Quel serait le rôle de l’Etat dans ce cas ?
L’Etat ne doit pas centraliser le pouvoir économique mais plutôt favoriser son développement. Ce sera via une planification des différentes options. Il a la responsabilité de fournir une vision globale des besoins et des objectifs à atteindre et de faire partager cette vision à tous les acteurs qui devront la mettre en oeuvre. Une approche participative dont le cheval de bataille serait la transparence et la communication. Les pays de l’Asie de l’Est l’ont bien compris et ils ont su tirer profit de leur intégration à l’économie mondiale. Pour d’autres, pris de court la marginalisation s’est, au contraire, confirmée.
Il faut dire que les pays développés ne font rien pour que ces derniers soient intégrés dans le processus du développement…
En effet, dans le meilleur des cas, la libéralisation de l’économie ne peut qu’engendrer un développement à très court terme. Elle sert d’abord les pays du Nord. Et elle n’est pas suffisante pour garantir un développement durable à ceux du Sud. Des mesures additionnelles sont à mettre en oeuvre sur le plan international afin d’améliorer l’accès au marché des produits où les pays en développement peuvent être compétitifs. C’est une condition sine qua non pour que ces Etats atteignent le développement voulu. Les échanges commerciaux doivent être un facteur de développement et non l’inverse. Je ne le dirai jamais assez, un Etat en développement doit personnaliser la libéralisation de son marché en fonction de ses besoins et de ses atouts. C’est dans ce sens qu’il a un rôle de régulateur. Un rôle qu’il ne doit pas s’abstenir d’exercer.

• Propos recueillis par N.E.S. à MarrakechTarik Qattab

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