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Zakaria Fahim : «L’heure est grave et en même temps extraordinaire»

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Entretien avec Zakaria Fahim, président de la commission PME au sein de la CGEM et de BDO Maroc 

ALM : En tant qu’expert de la question, quelle est votre évaluation quant à l’évolution de la PME dans l’échiquier socio-économique et politique?

Zakaria Fahim : Tout d’abord, je tiens à rappeler que la CGEM est le porte-parole des entrepreneurs dans leur grande diversité en partant de l’auto-entrepreneur, jusqu’à la grande entreprise, sans oublier la PME. Cette dernière représentant une race à part devra être soutenue car c’est elle qui consolidera la croissance dans les territoires et au-delà des frontières. En effet, cette forme d’entreprise représente l’épine dorsale, le plus gros du tissu économique. Seulement, le taux des nouvelles créations versus les entreprises déjà établies est trop faible, ce qui reflète le manque de motivation quant à ce choix de carrière. Par ailleurs, l’environnement des affaires actuel ne permet pas aux PME de se développer comme il se doit. Intégrer l’axe PME de façon forte au niveau du Comité national de l’environnement des affaires (CNEA) pourra être une solution pour identifier et lever tout obstacle que rencontre la PME au niveau du financement, des délais de paiement, des compétences jugées trop chères…

Quels sont les principaux axes retenus pour bâtir une stratégie efficace et génératrice de gains pour ce segment d’entreprises demeurant vulnérable ?

Le travail s’effectuera sur trois axes, en l’occurrence le financement, l’accompagnement et la croissance. La direction générale des entreprises de la Commission européenne a souligné en effet que «le taux de survie des entreprises dépend de l’intensité et de la qualité des services de soutien. Le taux de disparition des nouvelles pousses de 40 à 60% peut tomber jusqu’à 5 à 7% pour des entreprises bénéficiant de prêts bancaires, garanties et services d’accompagnement en amont et en aval de la création».

Partant de ce constat, nous devons bâtir notre appui global aux entreprises avec une détente matricielle. Elle sera transversale pour toutes, avec, à la clé, la quête du tempo, pour une bonne transition entre elles, c’est-à-dire de l’auto-entrepreneur aux grandes entreprises. La matrice devra également tenir compte du caractère spécifique en fonction de la taille car une TPE ou PME n’est pas une grande entreprise, version miniature. La CGEM devra permettre ainsi à la communauté des entrepreneurs de s’approprier 4 leviers qui interagissent entre eux, à savoir l’influence, la formation, l’expérimentation et le développement. Et cela nous ne pouvons pas le faire seuls. Nous devons le faire avec nos partenaires en montant un orchestre où nous aurons le rôle de chef d’orchestre.

Quels sont les moyens mis à disposition pour leur mise en œuvre ?

Je dirais plutôt que la limite est notre capacité de mobiliser et de fédérer. Nous avons l’appui total de la présidence qui a fait de la PME et de l’inclusion des jeunes par l’entreprise le vaisseau amiral de la stratégie globale.

Nous avons mobilisé une dream team motivée et tournée vers l’action avec un impact pour nos PME et ce dès cette première année de mandat.  Les équipes internes de la CGEM y contribuent bien entendu.

Cette stratégie signe-t-elle un renouveau au profit de la PME ?

Il est important de s’appuyer sur les réalisations des mandats précédents. Nous pouvons citer l’observatoire de la PME. Il est certain que nous devons accélérer le déploiement de nos projets pour avoir des quick wins qui créent la confiance et nous permettent de fédérer sur des projets de plus longue haleine. Nous serons plus présents dans les régions et donnerons la parole aux PME. La première sortie de notre commission a coïncidé avec la 1ère université d’été. Ce fut l’occasion de lancer un appel à candidature pour sélectionner les meilleures PME en matière d’innovation dans le développement durable et/ou à impact social. Car elles représentent la locomotive du pays. De notre côté nous devons les valoriser et être à leur service pour accroître leur champ d’actions et, en l’occurrence, leur écosystème.

L’actualité du jour étant la nouvelle loi de Finances. Quelles seraient les mesures proposées par la commission PME dans l’optique de faciliter son développement ?

La loi de Finances n’est pas une fin en soi. Il s’agit plutôt d’un vecteur pour faire passer un vent d’espoir et apporter des solutions durables à nos PME.

C’est à ce titre que nous recommandons la révision des plafonds de revenus pour le statut de l’auto-entrepreneur. Il devra représenter le véritable véhicule pour les TPE. La commission prône également la mise en place d’un budget pour soutenir une campagne de communication d’envergure de telle sorte à faire connaître le statut d’AE. Ce lobbying permettra d’orienter les financements du Maroc PME vers les TPE, et vers une plus grande diversification sectorielle. Mettre à la disposition des entreprises, au niveau régional, des experts pour une orientation personnalisée en matière de financement fait partie de nos recommandations.

Et pour faciliter le financement, la loi de finances devra être concoctée de telle sorte à accélérer la mise sur orbite des lois sur le crowdfunding et les business angels. Il s’agira à ce stade de démocratiser les solutions de financements alternatifs. Parallèlement, la loi devra permettre de lancer des incitatifs pour les dispositifs d’accompagnement individualisé et de formation sur des sujets critiques du cycle de développement de l’entreprise. In fine, nous souhaitons avoir à la fin du mandat  un Small business Act pour mettre la PME en haut de l’affiche.

Quelles sont les actions prévues pour accompagner les PME à l’export ?

Nous allons travailler en synergie avec la commission de la CGEM sur la diplomatie économique en Afrique pour mutualiser nos actions au service de la PME. L’objectif étant l’accès à l’information pour réduire cette asymétrie par rapport à des concurrents européens ou américains. L’action sera rendue possible à travers la collaboration avec les associations professionnelles et aussi les organismes publics comme l’AMDIE pour avoir leurs inputs (études, datas…). Ceci permettra aux PME de se concentrer sur le business en ayant les outils et l’accompagnement qu’il faut. Nous comptons aussi renforcer nos liens avec les universités et la communauté subsaharienne basée au Maroc pour monter des projets de développement Sud-Sud et surtout gagnant-gagnant.

La dimension interculturelle est très importante. L’expertise de l’AMCI nous sera très utile.

Quel est le rôle de l’Observatoire de la PME au sein de la CGEM ?

Le rôle de cet observatoire est de permettre un suivi chiffré de la situation des PME. L’instance produit des KPI de suivi de la performance globale des PME et mesure le climat des affaires. De cette manière nous saurons comment servir l’entreprise en amont et l’impliquer dans l’environnement macroéconomique.

La CGEM a toujours été cataloguée d’élitiste. Comment comptez-vous remédier à cela et démocratiser quelque part l’accès à d’autres PME?

Cette perception est totalement fausse car les adhérents à la CGEM sont majoritairement des PME. Grâce à l’Observatoire, nous allons pouvoir faire valoir cette vérité. Nous avons d’ailleurs mandaté une commission pour piloter l’action de la CGEM autour des auto-entrepreneurs. Nous sommes convaincus que cette antichambre des entrepreneurs est aussi la solution pour sortir de l’informel. Nous travaillons sur l’accès aux marchés au profit des auto-entrepreneurs. Cet axe prioritaire intéressera certainement de nouveaux adhérents. Nous voulons aussi leur offrir rapidement la couverture sociale pour leur conférer un confort de vie. Nous dédions, par ailleurs, une mention spéciale pour les entreprises familiales.  Elles sont considérées comme relevant d’un modèle économique et managérial dépassé. Mais leurs résultats économiques souvent positifs, leur résilience exceptionnelle, leur capacité à porter une vision de long terme et leur ancrage territorial doivent en faire des acteurs clés de la croissance et de l’emploi. Cette posture est en train de changer pour l’essentiel liée à l’absence de réponse à la question «pourquoi courir ?». En effet, ces entreprises opérant souvent dans des industries traditionnelles ne séduisent pas forcément une relève potentielle formée à l’étranger et plutôt intéressée à créer sa propre start-up. Il va donc falloir toute une génération, à mon sens, pour dépasser le cap.

Le mot de la fin?

L’heure est grave et en même temps extraordinaire. Nous sommes convaincus que nous pouvons rétablir la confiance par l’action avec et pour nos jeunes (et moins jeunes). Sans l’implication de toutes les parties prenantes et une vision claire et partagée à tous les niveaux les actions entreprises n’auront pas d’impact concret. Le faire ensemble prend tout son sens si chacun s’approprie la stratégie du colibri: «Faire sa part et être dans une posture d’exemplarité pour s’inscrire dans la contagion positive».

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