Société

Amendement de la loi relative à l’avortement: Opération accouchement

© D.R

Il vaut mieux tard que jamais. La loi cinquantenaire qui régit l’avortement au Maroc, et qui pousse chaque année un grand nombre de jeunes marocaines vers l’avortement clandestin, devrait bientôt être amendée, après ce qui semble être un consensus national. Un débat global autour de la question de l’avortement, rassemblant tous les acteurs concernés, vient enfin d’être lancé.

«Cette loi se trouve aujourd’hui dépassée et ne répond plus aux défis actuels de protection de la santé de la mère et de ses droits reproductifs», a déclaré le ministre de la santé, El Houssine Louardi, lors de la rencontre nationale organisée hier, mercredi, à Rabat.

Première du genre et qualifiée d’historique par beaucoup de participants, cette rencontre a rassemblé l’ensemble des parties concernées par la question, à savoir les représentants des ministères de tutelle, le tissu associatif, ainsi que des institutions telles que le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Au Maroc, le code pénal traite de la question de l’avortement dans les articles de 449 à 458, et ne permet l’avortement médical qu’en cas de nécessité de préserver la vie ou la santé de la mère. Une formulation qui reste, selon le ministre de la santé, vague puisque la notion de «santé» est difficile à interpréter. «L’Organisation mondiale de la santé définit la santé comme un état complet de bien-être physique, mental et social», a-t-il expliqué. Or, la législation marocaine ne prend en compte que la santé physique de la mère.

La rencontre a été marquée par l’allocution poignante de la militante associative Aïcha Chenna. «L’avortement doit être permis dans certains cas, mais ce dont on parle très peu, c’est que la décision d’avorter doit avant tout revenir à la femme», a-t-elle déclaré, expliquant que parmi les victimes de viol et les mères célibataires qu’elle rencontre chaque jour, certaines refusent catégoriquement d’avorter, malgré les conséquences que cela implique.

«J’ai été surprise de rencontrer une jeune fille qui s’est faite violée par trois personnes, et qui a décidé de garder son enfant, de l’éduquer toute seule, coûte que coûte», a-t-elle ajouté. Celle dont le nom est désormais lié à son combat pour les mères célibataires a tenu à rappeler que près de 153 nourrissons naissent chaque jour hors mariage au Maroc, ajoutant que cela représente, annuellement, environ 11,43% des nouveau-nés.

Assurant que l’idéal est de permettre l’avortement dans des cas extrêmes, Aïcha Chenna a néanmoins souligné la responsabilité de l’Etat. «L’Etat doit soutenir les jeunes mères célibataires, il ne s’agit pas de donner plus de moyens aux orphelinats, mais de donner les moyens aux mères pour retrouver les pères de leurs enfants et les faire grandir dans un foyer sain, où ils pourront devenir de bons citoyens», a-t-elle martelé.

Si le long processus d’amendement de la législation encadrant l’avortement semble avoir débuté, un long chemin reste encore à parcourir. Parmi les outils qui devront être employés, El Houssine Louardi cite un benchmarking international. «Environ 65% des pays développés ont levé la barrière à l’avortement et la seule question de la différence entre eux réside dans l’âge de la grossesse où il peut être pratiqué. Il en est de même pour certains pays à majorité musulmane tels que la Tunisie, la Turquie, le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan», a affirmé le ministre. Mohammed Sebbar, secrétaire général du CNDH, a appelé à s’inspirer des expériences de la Belgique et de l’Autriche.

«Cette question a trop longtemps été laissée sous silence», a-t-il souligné. Globalement, l’amendement de la législation fait l’unanimité, les prochains mois devront connaître un débat houleux autour du contenu de cet amendement.
 

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