Si Khalil, j’aime beaucoup ton texte. C’est un des plus beaux «bonjour» que j’aie eu à lire. Il est tendre. Il est profond. Il participe même d’une quête lumineuse à l’intérieur des soubassements identitaires de ce que peut être une part, non négligeable, de la marocanité. Du moins dans sa dimension épicurienne. J’ai toutefois une remarque. Volontairement ou involontairement, tu as fait l’impasse sur le fait que cette femme fut exhibée, à son insu, lors du procès des musiciens, Ramid et sorcellerie, comme la figure du Maroc archaïque. Son nom fut pris en otage par certains plumitifs mondains. Ils l’ont jeté à la figure comme l’incarnation absolue du passéisme. Or, ce débat était tronqué. Il a entretenu une confusion, délibérée ou pas, entre la revendication légitime de la liberté et de la pluralité culturelle avec un débat plus large sur «la modernité et la tradition». Dans les bouches et sous les plumes des modernes de fin de semaine, Fatna, dont le prénom est en soi un anachronisme, était devenue un label de ringardise. Je ne sais si elle-même a eu vent de l’usage qu’ils firent de son image. Et certainement elle n’en avait rien à foutre. Mais ceci rend ton texte touchant parce que, justement, il lui rend presque un hommage posthume. Je ne me sens pas particulièrement orphelin de Fatna. Mais sa disparition contribue un peu plus à l’éloignement d’un certain Maroc que seule la nostalgie retient péniblement. Mais, à coup sûr, il doit y avoir, quelque part, un violon et une taârija endeuillés qui émettent un sanglot clandestin.