Société

France : Les démons de l’islamisme (71)

© D.R

Abdelhak veut vivre «comme le Prophète»
Argenteuil, 13 avril 2004

Debout dans le pénombre, son enfant dans les bras, il est intarissable sur Dieu, le Coran et le sens de la vie. Le jeune homme de vingt-cinq ans, qui habite à deux pas de la mosquée d’Argenteuil, dans le Val-d’Oise, dégage une force tranquille, où se mêlent fascination pour Allah et rigorisme moral. Dans le lieu de culte voisin, qu’il fréquente de manière assidue, il a appris au contact des imams salafistes que l’Islam vaincrait. Un mot revient souvent dans sa bouche : «patience».
Celle qu’il faudra avant de faire accepter aux «mécréants» les valeurs d’une société calquée sur ce qu’il appelle la «vraie vie», celle du prophète Mahomet. Abdelhak est conscient de vivre dans un monde en décalage avec la France. À sa manière, cet employé d’une société de restauration halal, qui travaille avec des «frères en Islam», veut changer la vie. Pour cela, il faut changer la République.
Abdelhak veut «appliquer la loi du Prophète». En toute logique, il refute l’idée de démocratie : «La loi de Dieu, c’est mieux.» Mieux que la loi des hommes, que le travail du Parlement, que tout ce fatras politique encombrant les esprits. À quoi rêve le fidèle salafiste?
À la pureté des règles coraniques. la patience paiera, croit-il : «On ne va pas nous accepter du jour au lendemain. Dieu nous demande de dialoguer. Chacun doit faire des efforts.» Allah finira bien par imposer ses préceptes. Abdelhak est convaincu de son droit, et du sens de l’histoire. Pour lui, l’Islam a vocation à s’étendre en tous lieux. Point de vie en dehors de la religion. Les doutes ne le traudent pas. Chaque fois qu’il prononce le nom de Mahomet, il lui rend louange. En français et en arabe. «Que la paix soit sur lui», «Inch Allah». Curieuse scansion, proche de l’idolâtrie. Abdelhak est salafiste. Il le revendique. «Salafiste ne veut pas dire terroriste», précise-t-il. Le jeune homme, parlant avec chaleur,est habillé d’une djellaba arrivant à mi-mollet et porte une calotte blanche. Une barbe clairsemée encadre son visage juvénile. Le regard des autres? «Cela fait longtemps que je n’y fais plus attention.» Sa voix est douce et réfléchie. Ses mains, particulièrement soignées, accompagnent les paroles. À la manière d’un prédicateur.
Avec son épouse et son enfant, Abdelhak loue un appartement modeste au rez-de-chassée d’une maison occupée par plusieurs locataires. L’intérieur, bien tenu, se résume à une grande pièce et une chambre. Une large banquette invite à la discussion.
Des pâtisseries et des jus de fruits sont posés sur la table. Un tapis recouvre le sol. L’invité esy prié d’enlever ses chaussures avant d’entrer. Une horloge électronique, pieux souvenir ramené de l’oumra (pèlerinage) effectué à La Mecque, égrène des versets du Coran aux heures de prière.
L’Islam rythme les journées d’Abdelhak, selon un calendrier bien réglé. Il respecte à la lettre les sourates du Coran et les hadiths, les propos attribués au Prophète. Les sites Internet salafistes, qu’Abdelhak reconnaît consulter, donnent des consignes sur tout : le maquillage des femmes, la visite à un voisin, la taille de la barbe, la fréquentation des écoles «impies»,, les formules à réciter lorsqu’il pleut, les méfaits de la démocratie… Un véritable abécédaire islamiste qui donne au salafisme des allures de secte, rejetant les valeurs occidentales.
Dans une autre vie, Abdelhak s’appelait Gaëtano. Issu d’une famille italienne, Gaëtano a été baptisé en Italie. Jeune, il baigne dans une ambiance de ferveur religieuse : «Ma mère était très pratiquante.» Mais l’adolescent se cherche. Il ne se contente pas de la Bible, étudie toutes les religions : christianisme, bouddhisme, judaïsme… «J’ai fait ces recherches par moi-même. Personne ne m’a influencé», assure-t-il. Preuves à l’appui. Il sort une caisse entreposée dans le couloir, où sont stokés des dizaines de livres et de cassettes consacrés à l’Islam. Son trésor, sa culture, sa drogue spirituelle. En 1999, Abdelhak récite la formule de conversion, la chahada, devant un imam à Grenoble.
Dans sa vie d’avant l’Islam, Abdelhak aimait les films d’action, notamment ceux de la série Terminator, avec Arnold Schwarzenegger. Depuis, tout a changé. la télévision est remisée dans un coin de la chambre. Elle est très rarement allumée. Recemment, le jeune homme s’est tout de même accordé une petite entorse à la règle: il a visionné Terminator III qu’il n’avait pas vu avant sa conversion à l’Islam. Il regrette cet écart : «Mieux vaut un film avec une bonne morale.» Le jeune homme s’indigne des programmes: «Vous vous rendez compte que l’on peut voir une femme nue vantant les mérites d’un yaourt à 3 heures de l’après-midi! Après, on s’étonne qu’il y ait des viols en banlieue.» Son épouse, dont seul l’ovale du visage apparaît sous un large voile noir, n’assiste pas à la discussion. Elle attend patiemment dans la chambre.
Lorsqu’on lui demande si le Coran autorise l’homme à battre sa femme, comme il est écrit sur les sites Internet qu’il a l’habitude de fréquenter, Abdelhak fait la moue. La réponse est toute prête : «Ceci n’est permis qu’en dernier ressort, lorsque la femme est désobéissante. Le Coran et la Sunna disent alors : frappez-la! J’adhère totalement à cela.» Ces propos moyenâgeux montrent les dégâts créés par la propagande des illuminés sur certains esprits. Habile, le jeune homme sait aussi nuancer ses diatribes. À peine celle-ci prononcée, il saisit un stylo et mime un geste inoffensif : une légère tape sur l’épaule! La scène est un rien burlesque. Abdelhak s’en rend compte: «Je comprends que l’on ne nous accepte pas. Mais les gens ont bien mis du temps à tolérer l’homosexualité. On ne nous connaît pas.» Il se prétend incollable sur sa religion, qu’il a étudiée de «manière scientifique». Il explique : «J’essaie d’être comme le Prophète, le meilleur des exemples, et les compagnons qui l’ont suivi.» Abdelhak apprécie cette éthique aux parfums rétrogrades : «C’est une vraie éducation. Il me manquait quelque chose.» C’est d’abord une «hygiène stricte» : «Se laver cinq fois par jour les parties exposées, se brosser les dents…» Abdelhak se défend de s’adonner au prosélytisme, mêm s’il lui arrive de s’arrêter dans un café pour expliquer aux jeunes consommateurs les méfaits de l’alcool : «Après, on dit que nous sommes des radicaux… Je fais connaître l’Islam. Si vous l’acceptez, c’est bien. Si non, je ne force personne.» Les destinations de voyage du jeune homme ne sont plus les plages de la Costa Brava, mais les universités islamiques de l’Arabie saoudite, les mosquées algériennes et marocaines.
L’idée de s’installer dans un «vrai pays musulman»l’effleure. Même si les conditions de vie y sont plus difficiles. Il a son avis sur le djihad : «Lorsque tu te fais attaquer, le droit islamique dit que tu as le droit de défendre tes biens et ta famille.» En ce sens, pour lui, le combat en Tchétchénie contre l’occupation russe est légitime. L’invasion américaine de l’Irak est une hérésie. Sur le conflit israélo-arabe, ses idées sont bien arrêtées : «Des armes lourdes contre des pierres, c’est injuste.» Chaque fois que des musulmans se sentent vicimes, ils doivent lancer la guerre sainte. Et si ce sentent victimes? En France, certains n’essaient-ils pas de moboliser des victimes de discriminations -au demeurant bien réelles- pour le djihad? Le temps a passé. La pièce est dans la quasi-obscurité. L’horloge «islamique» se déclenche. L’heure de la prière. Il faut partir. Au revoir, monsieur.

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