Société

Il était une fois le bachot

Avoir son bac, quel événement c’était ! La nouvelle bondissait de maison en maison, se propageait, était sur toutes les bouches. Le quartier entier savait que tel ou telle a passé avec succès son bac. Tout monde félicitait le héros du jour. Le bac n’était pas une mince affaire. Il fallait même souffrir en préparant l’examen.
Les cours de l’année entière étaient potassés pendant la période précédant l’examen. Ne pas souffrir en préparant ses cours, c’est rater son initiation à la douleur du bac. Wafae F. se souvient encore de cette époque. Elle a eu son bac en 1982. «Nous sortions en groupe pour réviser ! Ensemble nous arrivions à vaincre le trac, à rire de notre peur. La peur de l’examen nous donnait des crampes à l’estomac».
Les jardins publics étaient investis par une armée de jeunes, équipés de papiers et de cahiers. On les voyait tourner en rond, marmonner la leçon qu’il ne fallait pas oublier le jour «J». Les plus acharnés ne rentraient pas chez eux la nuit. Ils cherchaient sous l’éclairage des lampadaires à apprendre encore plus. La fièvre montait à l’approche des examens. Elle gagnait toute la famille.
Le quartier connaissait parfaitement celles et ceux qui allaient passer leurs bacs. Quant aux vieux du bac, les routiers du bac, ceux qui ont vu des générations d’élèves se succéder sans réussir à passer le cap de la 7ème année. Ceux-là sont devenaient superstitieux. Ils guettaient les signes annonciateurs de la fin de leur supplice. Le jour où ils découvraient pourtant leurs noms sur le journal, ils en éprouvaient un profond désarroi. Cette réussite revêtait à leurs yeux l’allure de la fin de leur combat dans la vie. Ils avaient atteint le lieu et la formule. Rien ne sera plus comme avant. Ils sortaient de ce combat si essoufflés qu’ils n’avaient plus le courage d’en entamer un autre.
Les jeunes hommes devenaient généralement des fonctionnaires tranquilles, les jeunes femmes se casaient en mariant… L’obtention du bac était synonyme de la fin d’une époque pour eux. Mais non pas pour les frais émoulus. Ces derniers piétinaient d’impatience dans l’attente du journal où étaient mentionnés les noms de ceux qui ont passé avec succès leur bac. Le jour de la parution de ce journal constituait un événement dans le pays. Tout le monde connaissait quelqu’un, le frère d’un ami, un voisin, la fille d’un collègue, qui passait cette année-là son le bac. S’ils découvraient son nom, ils s’empressaient d’annoncer la bonne nouvelle. Autrement ils se tenaient cois : il ne fait pas bon d’être le premier à porter la mauvaise nouvelle.
Dans la rue, plusieurs personnes se regroupaient autour du porteur du journal. Elles étaient toutes impatientes de découvrir un nom. Parfois, la déception, le désespoir, voire l’effondrement, succédait à cette recherche. Mais l’émotion du bac était toujours au rendez-vous. En revanche, des youyous s’élevaient dans plusieurs endroits de la ville. Ils saluaient la réussite des heureux candidats. Ce jour-là, toutes les villes du Royaume vivaient au rythme de cris de joie et de lamentations.
Une fête était organisée pour célébrer ceux qui ont vu leurs noms sur le journal. Elle prenait des fois des proportions démesurées chez certaines familles. En ce temps-là, le bac constituait une fin en soi. Pour plusieurs personnes, il était la limite qu’il fallait atteindre dans les études. Personne ne se souciait de l’après-bac. Aujourd’hui, il n’y a plus à s’enorgueillir d’avoir son bac. C’est même le début des interrogations noires.

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