Société

La question du Sahara marocain serait-elle mieux comprise ?

Finalement, l’Algérie a un roi, non proclamé. Désormais, aucun Algérien ne devrait s’offusquer pour la royauté ni se montrer allergique à la monarchie marocaine. Le président Bouteflika est devenu monarque de fait, d’une «République algérienne démocratique et populaire». Même si son règne ne prévoit pas un prince héritier de sa progéniture. On trouve bien dans l’Histoire contemporaine des monarchies non héréditaires. La «présidence à vie», avec ou sans réélection, n’en est qu’une forme moderne, adoptée par des militaires ou par des civils au pouvoir, dans le passé et au présent, sur divers continents, en maintes idéologies, avec multiples régimes, sous différentes appellations. Mais limitons nous ici aux quatre Républiques du Maghreb en commençant par Tripoli. Soyons francs et appelons un chat un chat. Ayant renversé la monarchie en Libye le 1er septembre 1969 par un coup d’Etat militaire, Mouammar Kadhafi se proclama d’abord président du Conseil de Commandement de la Révolution avant de s’attribuer, en 1977, le titre de «Guide de la révolution», sous une nouvelle appellation de l’Etat : la «Jamahiriya». Par ce système de gouvernance spécifique, le leader libyen dirige son pays depuis presque quatre décennies. Kadhafi n’en serait-il pas en quelque sorte un monarque (révolutionnaire) non couronné? En Mauritanie, l’ancien président feu Mokhtar Ould Daddah fut réélu régulièrement en tant que chef d’Etat pendant dix sept ans, depuis 1961. Il aurait régné à vie s’il n’avait pas été déposé par un coup d’Etat, en 1978. Six ans plus tard, Maaouya Ould Sidi Ahmed Taya suivait ses traces en gouvernant pendant vingt et un ans à partir de 1984. Il avait promulgué une nouvelle Constitution, en 1991, pour se faire élire président l’année suivante. Il fut réélu successivement en décembre 1997 et en novembre 2003 jusqu’à son renversement en 2005. En Tunisie, Habib Bourguiba avait régné pendant trente ans, à partir de 1957, à la faveur de quatre réélections consécutives, jusqu’à sa déposition, en 1987, par celui qui gouverne aujourd’hui : le président Zine El-Abidine Ben Ali. Ce dernier, à la tête de l’Etat depuis plus de vingt et un ans, a été réélu quatre fois. Pour cela, il devait soumettre aux Tunisiens – à son dernier mandat – un projet de réforme constitutionnelle, en mai 2002, lui assurant une «présidence à vie». Parce que cet amendement prévoit un renouvellement sans limite des candidatures à la tête de l’Etat. Ainsi, Ben Ali devrait être réélu prochainement pour un cinquième mandat consécutif, puisqu’il a annoncé, assez tôt, le 30 juillet 2008, sa candidature à l’élection présidentielle de 2009. Pourtant, rappelons-le, c’est bien le président Ben Ali qui avait abrogé la «présidence à vie» instaurée par son prédécesseur.
Et voilà maintenant que le tour du Président Bouteflika semble être venu pour tenter l’expérience d’une «présidence à vie» en Algérie. Il avait commencé par être réélu, en avril 2004, dès le premier tour, après avoir été choisi, seul candidat, à la présidence du pays en avril 1999. Le 12 novembre 2008, les sénateurs du Conseil de la Nation et députés de l’Assemblée nationale populaire (APN) approuvent, par une écrasante majorité, une «révision partielle» de la Constitution consistant à abolir la limitation à deux mandats présidentiels. Même amendement que la Tunisie.
Devrait-on reprocher à Bouteflika de chausser les bottes de ses collègues républicains maghrébins ?   
Ainsi, pour se faire reconduire en permanence à la tête de l’Etat, il suffit d’amender « partiellement » la Constitution dans ce sens. Et l’on en transformerait des républiques en monarchies masquées, permettant à des dirigeants de devenir propriétaires de palais présidentiels dont ils n’étaient au départ que locataires.  N’aurait-il pas été mieux de proposer carrément aux peuples concernés l’abolition de la République ou le retour pur et simple à la royauté ?  
Bien sûr, le Souverain marocain, par bienséance diplomatique, félicitera le président Bouteflika dès qu’il aura été réélu officiellement ; car respectueux de la volonté des gouvernés et du principe de bon voisinage. Surtout que la pérennité constitutionnelle au pouvoir d’un chef d’Etat est censée profiter aux citoyens, en politique intérieure comme en relations extérieures. L’important, c’est l’apport réel que doit assurer un régime politique en Etat de droit, en justice, en démocratie, en liberté, en droits de l’Homme et en bien-être socio-économique. Alors, rééligible pour une «présidence à vie», Bouteflika devrait voir dans cette opportunité un fardeau plus qu’un cadeau.
Par conséquent, ce qui doit intéresser les Marocains dans la reconduction indéfinie du chef algérien à la tête de l’Etat, c’est le gain général que les populations maghrébines pourraient en tirer, à travers une intégration concrète, empreinte de sincérité et de respect mutuel. Une finalité noble qui dépendrait de deux conditions essentielles : la stabilité et la quiétude intérieure de l’Algérie d’une part, et l’entente maroco-algérienne sur la question du Sahara marocain d’autre part. Pour cette deuxième exigence, le chemin d’un règlement définitif semble plus aplani que jamais : un projet d’autonomie proposé par le Maroc, conformément aux dernières résolutions des Nations Unies, dans le cadre d’une « solution politique » concertée avec les «parties» intéressées. Entendu que ce projet d’autonomie, juste et réaliste, rencontre la compréhension et le soutien de la communauté internationale, dans sa majorité écrasante. A commencer par les membres permanents du Conseil de sécurité et de l’Union européenne.
En somme, Abdelaziz Bouteflika est fatalement le chef d’Etat qui favorisera ou entravera la voie d’une vraie solution de la question du Sahara et, partant, le torpillage ou le déblocage du processus de l’UMA (Union du Maghreb Arabe). Car co-acteur du problème dans les années soixante dix sous Boumediene, il sera le dernier à en prendre la responsabilité décisive face au monde entier : en artisan de paix ou en créateur d’obstacles. Ses prédécesseurs, aînés ou disciples (de Bendjedid à Boudiaf en passant par Liamine Zeroual), n’étaient pas impliqués directement. Ceux qui viendront après lui le seront encore moins, parce que héritiers du problème et non inventeurs. Autant dire que sa réélection cruciale le condamnera à agir dans le bon ou mauvais sens, par rectification de tir ou par réédition d’erreurs. 
L’Histoire, cet implacable magistrat de tous les temps, sera le grand juge temporel de Bouteflika. Son règne à vie sur l’Algérie en sera l’épreuve pour le reste de son existence. Lui, dont le dernier amendement de la Constitution impose sur le trône à Alger.

• Par le Pr. Issa Babana
El Alaoui

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