Société

Le courage de Bouteflika

Personne ne peut envier la position du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, qui a hérité de la responsabilité d’un Etat en pleine guerre civile. Il faut avouer que ce fin diplomate de l’époque Boumedieniste est imbu de beaucoup de courage et de persévérance pour oser s’aventurer sur un terrain miné de toutes parts. Non seulement l’Algérie est tiraillée depuis plus de dix ans par la guerre des fanatiques fous qui a fait plus de 100 000 morts et plus de 10 000 disparus. Mais cette sale guerre contre une population innocente est aggravée par l’implication des services de sécurité relevant de l’armée selon les propres aveux de certains officiers dissidents. C’est dire que le président Bouteflika ne peut compter que sur son courage pour réinstaurer la paix dans son pays. Ce qui est certain et reconnu désormais par tout le monde, c’est qu’il ne peut pas compter sur les Généraux décideurs qui font et défont les présidents selon qu’ils servent ou desservent leurs intérêts.
L’intérêt de l’Etat et du peuple algérien étant souvent contradictoire avec les leurs, la junte militaire ne baisse jamais la garde pour fustiger tout ce qui pourrait changer la situation. À preuve, cette campagne de dénigrement menée depuis quelque temps contre le président Bouteflika par la presse algérienne. Certains médias, en accointance avec les militaires, ne ratent pas une occasion pour l’attaquer de front et sans aucun ménagement. Mais le pic de ces attaques ordonnées, médiatiques et sous entendus militaires, atteint son paroxysme quand le président «tente quelque chose» qui touche au Sahara marocain ou au rapprochement avec le Maroc. C’est une véritable frénésie qui s’empare de la presse algérienne pour fustiger Bouteflika de tous les maux. À coup sûr le quotidien algérien «Le Matin» rivalise avec tous les autres médias pour dégainer et tirer sans sommation sur le président à chaque fois qu’il bouge.
Le voyage-éclair du président à Paris était tout indiqué pour que le «Matin», et la presse des militaires, y trouve une raison pour le descendre. N’ayant rien pu tirer des raisons de cette visite le Matin a préfabriqué un incident diplomatique et crié à l’humiliation du président. Et pour cause le communiqué de l’Elysée a osé mentionner que la visite de Bouteflika s’inscrit dans le cadre de la préparation du prochain voyage de Chirac à Alger. Il ne fallait que ce langage diplomatique, somme toute dicté par le secret professionnel, pour que le journaliste du Matin, Ali Laib, crie au scandale et à l’atteinte à l’honneur de l’Algérie.
Admirez ou plutôt déplorez l’excès de zèle trop malintentionné pour être rationnel, vrai et sincère : « Jamais de toute sa carrière politique, Abdelaziz Bouteflika n’a eu à subir un affront aussi grave que celui que viennent de lui infliger les autorités françaises. Parti à Paris pour un entretien en tête à tête de la plus grande importance avec son homologue français… il en revient humilié… L’Algérien Lambda, l’homme de la rue, le politicien et même l’opposant, ne peuvent, naturellement, admettre que leur président, le dépositaire de la souveraineté nationale, soit traité de la sorte… » Toute cette artillerie littéraire guerrière est sortie parce que le porte-parole de l’Elysée a dit dans un communiqué que la visite de Bouteflika sert à préparer le voyage de son homologue français à Alger. Mais le journaliste qui sait très bien que cette formule diplomatique est d’usage pour préserver la confidentialité de l’entretien se sert de cette « anomalie » pour mettre la pression sur le président et non pas le défendre. Sinon il n’oserait jamais aller jusqu’à écrire dans le même article que le président Bouteflika serait contesté par une partie non négligeable des citoyens.
Du début de la plaidoirie critique et jusqu’à la fin, le journaliste Ali Laib n’a pas pu voiler sa véritable intention téléguidée de mettre en garde le président contre toute concession sur le Sahara marocain. Il a été si maladroit à le cacher qu’il n’a pas pu se retenir au début de l’article en s’en prenant à la confidentialité de l’entretien entre les deux présidents : « …Nous n’avons pas su grand chose de cet entretien, mais que des langues indiscrètes mettent au compte des tractations en cours sur l’avenir du Sahara occidental… » Le corollaire est rapidement établi entre l’absence de réaction de la diplomatie algérienne sur le « délit » de l’Elysée et la médiation française. À tel point que le rapprochement avec le Maroc et les discussions sur le Sahara marocain sont considérés par le journaliste comme une traîtrise du président : « La circonspection des autorités algériennes (sur le communiqué de l’Elysée NDLR) obéit, en réalité, à d’autres considérations dont la plus évidente est de cacher aux Algériens les véritables intentions de M. Bouteflika…
Aujourd’hui il n’est fait aucun doute sur la médiation française dans le conflit du Sahara occidental. Il est de notoriété, aussi, que la subite lune de miel entre l’Algérie et le Maroc n’a de sens que parce que le destin des Sahraouis est déjà scellé. » C’est à croire que Bouteflika est marocain et que les Sahraouis sont plus algériens que le président de l’Algérie. Si cet article n’est pas téléguidé par le secret éventé par les militaires, c’est qu’il est tout simplement l’uniforme est taillé sur mesure de l’armée algérienne. La preuve la voilà. Ce même journaliste fait une transition évidente en allant interviewer Gille Perrault. Comme les Généraux algériens aiment le Maroc autant que Perraut, ce dernier parle en leur nom en disant d’emblée que l’armée algérienne n’est pas prête à sacrifier les Sahraouis. Et d’ajouter : «Je crois quand même à l’existence d’une forte opposition en son sein concernant ce sujet» Comme Gilles Perraut prétend tout savoir sur le Maghreb et surtout sur le Maroc, il est édifiant de connaître sa réponse à la question du journaliste sur le rapprochement «soudain» entre le Maroc et l’Algérie : « …la véritable question est de savoir pourquoi l’Algérie cherche à se rapprocher tout à coup du Maroc. Au lieu de se fixer sur la médiation française, mieux vaut se pencher sur l’attitude algérienne.
Cette réponse est chez M. Bouteflika… je constate seulement que de grandes manoeuvres sont en cours… Il y a sûrement quelque chose.» Gilles Perraut ne pose pas de question, il est aussi inquiet que le journaliste algérien et par ricochet l’armée algérienne craint la paix avec le Maroc. Bouteflika est seul face à cette triste et cynique réalité mais dans ce genre de bras de fer déséquilibré, l’histoire nous a appris que c’est souvent la logique de la paix qui finit par gagner.

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