Société

Le regard du professeur (4)

En 1965, la Conférence arabe au sommet s’est réunie pour la première fois au Maroc. Quel en était le contexte ?
Le Roi Hassan II s’intéressait aux questions arabes et accordait la plus haute importance à la cause palestinienne. Cela, l’histoire doit le lui reconnaître en toute objectivité. Il aspirait à voir le Maroc jouer un rôle d’avant-garde dans l’unification des rangs arabes . Il était disposé à accueillir les conférences arabes, et ensuite les sommets islamiques. Pour lui, ce rôle pionnier s’insère dans le cadre d’une politique visant à faire du Maroc un centre de rayonnement civilisationnel, occupant une place de choix dans le monde arabo-musulman. Il y a réussi entre le début des années 70 et le milieu des années 90. Précisons que le premier Sommet arabe auquel le Roi Hassan II a assisté, a été celui du Caire en 1964, du temps du président Gamal Abdel Nasser, et j’ai eu l’honneur de l’y accompagner. Depuis, l’intérêt du Roi n’a cessé de croître avec l’évolution de la question arabe et, en particulier, de la cause palestinienne.
Il estimait qu’il était de son devoir, en tant qu’Arabe et Musulman, d’oeuvrer pour que les pays arabes se libèrent des séquelles du colonialisme, et recouvrent leur pleine souveraineté, et que s’établissent entre eux des liens puissants et organiques. Je vous assure que, de tous les responsables au Maroc, le Roi Hassan II était le plus fervent défenseur de la cause arabe et celui qui la suivait de plus près. La plupart des ministres et de ses collaborateurs ne s’intéressaient pas tellement aux questions arabo-islamiques parce qu’ils avaient reçu une formation occidentale, en France, et subi l’influence de la culture de ce pays et de sa vision du monde arabo-musulman, et l’Homme a tendance à être hostile à ce qu’il ignore , comme on dit.
Le Roi Hassan
II avait une double culture, comme il avait reçu deux types d’éducation. C’était un homme de compromis qui, tout en regardant vers l’Orient arabe, ne tournait pas le dos à l’Occident. Dans ce domaine, il voulait réaliser un rêve qui lui était cher, celui de voir triompher la cause palestinienne, qui était sacrée pour lui.
Comme vous le savez, tous les sommets arabes qui se sont tenus au Maroc, étaient un succès. Ils ont toujours débouché sur des résolutions positives. Le Roi savait comment préparer une ambiance propice à la compréhension et l’entente entre des dirigeants arabes, même au milieu des crises les plus aiguës .
Ils venaient au Maroc dispersés en repartaient unis. Je l’ai souvent entendu dire : “Je pense que si nous , les Marocains, étions voisins d’Israël , la politique arabe serait différente et nous aurions su comment lui apprendre la morale. Nos frères arabes ne connaissent pas leur interlocuteur israélien, ils ne connaissent pas celui qui les combat comme nous le connaissons”.
Il avait la conviction que la cause palestinienne pour laquelle les sommets arabes se réunissaient, et qui dominait leurs ordres du jour, est le point nodal du processus de libération arabe.
Il aspirait à voir le Maroc , et lui personnellement, jouer un rôle d’avant-garde dans sa défense et son triomphe. C’est pourquoi il dépensait sans compter pour organiser et accueillir les Sommets arabes au Maroc. De nombreux dirigeants arabes en étaient conscients et je les entendais personnellement en parler lorsque S.M. le Roi m’envoyait auprès d’eux pour préparer les Sommets qui devaient se réunir au Maroc : «Le fait que le Sommet se tienne sous la présidence du Roi Hassan II est un gage de succès». J’ai entendu cela du Roi Fayçal, puis du Roi Fahd, de Cheikh Zaid ibn Sultane, comme je l’ai souvent entendu des présidents Gamal Abdel Nasser et Anouar El-Sadate, ainsi que d’autres présidents, émirs et Cheikhs.
Les Etats arabes préféraient que les sommets se tiennent au Maroc, loin de l’ambiance de la région du Machrek. Ce qui a aidé le Roi Hassan II à jouer ce rôle, c’étaient à la fois sa neutralité dans les conflits inter-arabes et les bonnes relations qu’il entretenait avec toutes les parties arabes , sans exception. De même, sa forte personnalité l’aidait à conduire les séances des Sommets arabes et islamiques qu’il présidait avec intelligence , sang froid et doigté. Il savait comment rapprocher les avis divergents et trouvait, le cas échéant, une issue judicieuse pour éviter l’impasse. Je me souviens qu’il a utilisé, pour la première foi , l’expression ‘ Suspendre le Sommet’ lorsqu’un des Sommets arabes avait abouti à un désaccord et qu’un communiqué allait être publié pour annoncer son échec. C’est là qu’il a surpris les Rois et les Présidents en déclarant : «J’ai décidé de suspendre le Sommet. Il reprendra ses travaux incessamment pour achever son ordre du jour». Le Sommet s’était alors ajourné, pour se réunir à nouveau dans une atmosphère détendue. Ce Sommet était le premier dont les travaux s’étaient achevés avant terme.
Trouver une issue aussi judicieuse tient de la diplomatie créatrice. Il savait comment empêcher les situations critiques de tomber dans l’impasse et comment forcer les portes fermées lorsqu’un conflit devenait trop sérieux . Pour cela, il jouissait d’une grande estime de la part de tous les Rois, et de tous les Présidents arabes et musulmans.

(A suivre)

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