Société

Les comprimés de la mort

© D.R

Samedi 25 septembre 2004, quartier Takaddoum à Hay Mohammadi au niveau du boulevard C, aux environs de 18 h. Saïd, âgé de 24 ans est chômeur d’un niveau scolaire limité. Visiblement, il vend des cigarettes au détail au coin de la rue 4. En fait ce n’est qu’une couverture depuis quelque temps. Il vend des comprimés psychotropes (le fameux karkoubi) dont la consommation est de plus en plus banalisée dans les milieux des jeunes et de certains moins jeunes, particulièrement à l’approche du mois de ramadan où la consommation des boissons alcoolisées est très réduite. Hicham, à peu près du même âge et de la même situation, n’a pas la chance de vendre ou de faire quoi que ce soit, sauf assister quelques marchands ambulants contre quelques misérables dirhams par jour. Ce dernier a l’habitude de se soûler fréquemment avec de l’eau-de-vie (mahia). Mais comme le ramadan approche, il s’est rabattu à l’instar de beaucoup de ses congénères, sur les comprimés psychotropes. Ce soir-là, il aborde Saïd, lui demandant un comprimé « gratuitement».
Les yeux révulsés, les commissures des lèvres entachées par de la bave, tout a fait « ailleurs », Hicham se tient devant son copain: « Tu m’en donnes une, rien qu’une habba (comprimé) et je te paierai quand j’aurai de l’argent ». Saïd essaya de le calmer : « Tu sais bien que cela ne m’appartient pas et que je dois rendre l’argent à Salah. Les comprimés sont comptés. Donc, je ne peux pas. ». Il faut signaler que tous les deux ont des antécédents judiciaires pour différents motifs. En plus, Saïd est réputé pour son maniement du couteau et son cran. Voyant qu’il n’en tirerait rien, Hicham sort une sorte de machette bien aiguisée et la garde dans une position parallèle à son avant-bras de sorte qu’elle ne soit pas remarquée de loin. Il s’approche un peu trop de Saïd et réitère sa demande : « Ne m’oblige pas à utiliser ceci », dit-il et esquissa le geste pour impressionner son copain. Ce fut l’étincelle qui allait déclencher une bagarre à mort.
Le geste de Hicham s’est traduit, sans qu’il ne le veuille, par une longue balafre sur la joue de Saïd et une coupure au niveau du lobe de l’oreille.
Le sang coulant à flots sur son cou et sur le reste de son corps, Saïd s’empare rapidement de son couteau qui ne le quitte jamais et maîtrise Hicham, qu’il a désarmé, et l’étale par terre en lui déposant le couteau sur la gorge. «Tu veux que je t’égorge?». L’autre ne faisait plus que supplier «Egorge-moi mon frère, je le mérite. Mais je jure que je ne voulais pas te frapper ». Maîtrisant ses nerfs et écoutant les supplications des quelques gens du quartier, Saïd lâcha prise et fut immédiatement acheminé vers les urgences, suivi par les membres de la famille de Hicham qui ont tout pris en charge en plus d’une somme d’argent versée à Saïd pour qu’il ne porte pas plainte mais aussi et surtout pour qu’il ne soit pas tenté de se venger. Le fournisseur des comprimés, lui, se tenait loin, derrière ses fruits et légumes qu’il vend paisiblement en attendant le soir pour faire la récolte. Un paquet de dix comprimés, appelé communément « samta » coûte au fournisseur 40 dirhams qu’il livre à Saïd (et ses semblables) pour le passer à raison de dix dirhams par comprimé, en gardant pour lui 2,50 dh. La « samta » revient donc à 100 dh, dont 25 iront à la poche du petit revendeur.
Les comprimés psychotropes se vendent un peu partout dans les quartiers populaires, de Hay Mohammadi à l’ancienne Médina en passant par Sbata, Hay Lalla Meriem et Sidi Bernoussi etc… Ils proviennent d’Europe, en principe, mais les plus gros arrivages sont ceux qui transitent par l’Algérie et traversent les frontières atteignant un marché très demandeur.

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