Société

Une amitié brisée à jamais

© D.R

S’il n’avait pas avalé plusieurs comprimés psychotropes, Abdellah n’aurait jamais été là, devant ces cinq magistrats de la chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Né en 1972 à Derb Soltane, il avait été conduit par ses parents à l’école une fois atteint l’âge de la scolarisation. Seulement, il n’a pas pu aller jusqu’au bout, ni même passer le primaire. Il s’est jeté dans le monde de la délinquance sept ans plus tard. Ses parents ont bien essayé de l’encourager à passer les concours organisés par les Centres de formation professionnelle. Mais en vain. Il leur répétait à chaque fois qu’il ne pouvait plus reprendre les études et leur demandait de le laisser tranquille. Ils ont fini par lui tourner le dos, et ne lui ont plus rien reproché, le laissant effectivement tranquille sans plus l’inciter à prendre le bon chemin, ni l’encourager à faire quoi que ce soit. Ce «congé» permanent l’a jeté, en conséquence, dans le gouffre de l’alcool et de la drogue. Qui lui donnait l’argent pour en acheter ? Ses parents. Il les obligeait à lui en donner. S’ils refusaient, il n’hésitait pas à les injurier et à commencer à casser tout ce qu’il trouvait devant lui, dans la chambre et à la cuisine. Il a même osé un jour porter la main sur son père qui a déposé une plainte contre lui. Abdellah a été arrêté par la police et conduit devant la justice, qui l’a condamné à trois mois de prison ferme pour voie de fait sur ascendant. «Aujourd’hui, tu es accusé d’homicide volontaire avec préméditation et guet-apens», lui rappelle le président de la cour qui le fixait de ses regards scrutateurs.
Abdellah, qui regardait en direction de l’assistance pour lancer un sourire à sa mère en larmes et tentait de la rassurer par des signes de la main sur sa situation derrière les murs de la prison, a tourné son regard vers le président de la cour. Il ne savait pas quoi répondre. Le président lui a rappelé une fois encore les accusations en lui demandant de répondre sans faux-fuyants. Abdellah, qui baissait la tête comme pour se souvenir des circonstances de son crime, a levé les yeux sur le président de la cour pour lui déclarer : «je n’avais pas l’intention de le tuer, Monsieur le président… C’était mon ami, nous étions souvent ensemble».
Le président lui a rappelé que seul Dieu peut juger des intentions. «Nous jugeons seulement les faits du crime », lui a-t-il ajouté. Et il lui a demandé par la suite d’expliquer à la cour les circonstances et les raisons qui l’ont incité à perpétrer son crime. Abdellah a baissé la tête encore une fois, comme s’il tentait de s’en souvenir.
Les enquêteurs qui l’ont arrêté et ont consigné ses déclarations dans un PV avaient écrit qu’Abdellah était, depuis le matin, en compagnie de son ami, Saïd, âgé de vingt-sept ans. Ils ont fumé leur premier joint de la journée ensemble deux heures avant qu’ils ne prennent leur déjeuner. Ils n’ont pas déjeuné chez eux, mais ils se sont contentés  de prendre un «bocadillo» dans une laiterie de leur quartier. Après quoi, ils se sont acheminés chez un dealer qui les a approvisionnés d’une «samta» de comprimés psychotropes (dix). Ils sont retournés aussitôt à la laiterie pour prendre une bouteille de soda qui leur a permis d’avaler facilement les comprimés psychotropes. Ensuite, ils ont acheté une bouteille de vin rouge et ils se sont réfugiés dans un coin d’une ruelle pour la boire. Entre-temps, ils ont commencé à parler de leurs souvenirs d’enfance.
«Tu te rappelles quand j’ai abusé de toi ?». Cette petite phrase qui a glissé entre les lèvres d’Abdellah a suffi pour que Saïd ne se contrôle plus et se révolte contre Abdellah en lui donnant un coup de poing, puis un second. Hors de lui, Abdellah a tiré un couteau qu’il fourrait sous ses vêtements pour lui asséner un coup mortel au niveau de la partie gauche de la poitrine. Quelques secondes plus tard, Saïd a rendu l’âme et Abdellah est resté à sa place jusqu’à l’arrivée de la police.
Prenant la parole, le représentant du ministère public a soulevé les raisons qui sont le vrai mobile de ce crime, à savoir la consommation de la drogue et l’ivresse. Un fléau qui ravage la société, a-t-il ajouté, avant de requérir l’application de la loi. Quant à l’avocat de la défense, il a déployé de gros efforts dans sa plaidoirie pour que son client puisse bénéficier de circonstances atténuantes. Une demande prise en considération par la cour qui a fini par le juger coupable de coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et non pas d’homicide volontaire avec préméditation et guet-apens. Il a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle.

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