Société

Une journée avec son berger

© D.R

Mais, pensons-nous pour autant à ce berger qui veille jour et nuit à la bonne santé du cheptel ? Qu’en est-il de son quotidien ? Un quotidien, il faut le dire d’emblée, qui est loin d’être de tout repos comme le laisse croire l’image de son existence bucolique. Car il ne s’agit pas seulement de trouver un pâturage propice pour le troupeau mais aussi et surtout garder en éveil tous ses sens, à l’affût d’une éventuelle, toujours imminente, attaque du loup.
L’ennemi n°1 de tous les bergers dans le monde. Conduire un troupeau et veiller du petit matin jusqu’au coucher du soleil sur son intégrité est donc loin d’être une simple sinécure, surtout si le nombre des bêtes se compte par centaines.
Difficile, en effet, pour un berger, souvent un enfant, ayant pour unique arme un bâton, parfois aussi une fronde et pour seul compagnon un chien de garde, du reste sans pedigree, de s’acquitter de cette tâche, particulièrement prenante et risquée.
Hammouda, 13 ans et berger depuis déjà 3 ans, raconte :  »J’ai la responsabilité d’une quarantaine de bêtes que j’emmène paître dans les pacages de Bouskoura, à quelques encablures de Casablanca. Je me dois de rester extrêmement vigilant car si le loup n’est plus aujourd’hui une menace dans nos contrées, il reste les voleurs, les loups de ces temps-ci, qui attaquent par bande les bergers esseulés ».
Autre danger, les véhicules qui fauchent les moutons  »déserteurs » et les brebis galeuses paissant près de l’autoroute, surtout dans les périodes de vaches maigres où le pâturage se fait rare.
 »Mais, le grand danger, dit-il en soupirant, demeure le train qui traverse les champs, fauchant sur son passage tout ce qui bouge.
Une véritable machine à tuer, certes sans préméditation aucune ».  »Mais encore, confie-t-il, sur un ton amer, je dois veiller à la salubrité du broutage de mes moutons en évitant qu’ils ne se rabattent sur les sachets de plastique noirs qui envahissent désormais champs et prés. Je dois aussi porter assistance à une brebis qui a des difficultés à mettre bas ». Il se tait un moment pour se verser un verre de thé emporté dans une bouteille puis retire du capuchon de sa Djellaba un morceau de pain avant de poursuivre:  »Ma longue journée de pâturage, qui commence avec les timides rayons de soleil de l’aurore, ne se résume pas seulement à cela puisque je dois emmener le troupeau se désaltérer et, là, il faut attendre son tour parmi les nombreux bergers en file devant le puits.
Puis, il faut que je remonte à la force de mes bras pas moins d’une trentaine de seaux d’eau pour les reverser dans l’abreuvoir ». Une fois la tâche accomplie, je ramène le cheptel à la bergerie où le patron s’assure de l’intégrité physique des bêtes et surtout, qu’aucune d’elles ne manque à l’appel ».
Pour toutes ces tâches et d’autres encore, notre berger est rétribué selon trois modes : soit il est payé à la petite semaine -150 à 300 dirhams par semaine- selon les régions, la situation de l’éleveur et le nombre du troupeau et son (le berger) savoir-faire, soit selon un régime de dîme (un agneau sur quatre ou trois- encore une fois selon les régions- revient au berger). Troisième et dernier mode de paiement : la participation au capital.
Le berger partage en l’espèce les bénéfices de la vente d’un mouton avec son patron, déduction faite des frais d’achat et d’engraissement de la bête consentis par le propriétaire. Côté bergères, il faut dire que les filles s’occupent le plus souvent des vaches dans le voisinage du douar car ces mammifères sont plus  »sages » que les ovins et les caprins qui prennent un malin plaisir à fausser compagnie au berger. Elles font le guet pendant que les bêtes paissent joyeusement les herbages dans le voisinage du douar.
Après quoi, elles s’attèlent à la tâche de les traire. Les filles doivent aussi s’acquitter de cette tâche ingrate mais ô combien utile ! Ramasser la bouse des vaches pour qu’une fois asséchée par le soleil, en faire un combustible pour la cuisine et d’autres offices, non moins utiles comme le chauffage et le colmatage des brèches dans les murs.
Fin d’une journée ordinaire parmi tant d’autres dans la vie de notre berger. Une vie qui a inspiré poètes et romanciers, mais il reste que les écrits ne changent en rien la condition du berger. Une condition précaire, voire indigne.
Le berger est dans notre dialecte, notre langage commun, une insulte. Il s’agit donc, non seulement de lui rendre hommage, mais aussi et surtout de revaloriser sa condition et son statut professionnel.

• Rachid Sami (MAP)

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